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La Suisse accueillera deux Ouïgours de Guantanamo

De Guantanamo au Jura suisse... AFP

Malgré les pressions de la Chine, la Suisse accueillera deux détenus ouïgours de Guantanamo à titre humanitaire. Le Conseil fédéral (gouvernement) a fini par donner son aval mercredi après des semaines de tergiversations. Les deux frères seront domiciliés dans le Jura.

La décision du Conseil fédéral est tombée au lendemain de la confirmation du gouvernement du canton du Jura de son intention d’accueillir les deux hommes. L’Office fédéral des migrations a reçu le mandat d’approuver l’octroi des autorisations de séjour.

Les deux hommes, qui ont été détenus pendant des années à Guantanamo sans avoir été accusés ni condamnés, ne représentent aucun risque d’après l’analyse des experts, a assuré la ministre de Justice et Police Eveline Widmer-Schlumpf devant la presse. Ils se sont engagés à apprendre le français et à s’intégrer professionnellement.

Un autre ancien détenu de Guantanamo, d’origine ouzbèke, vit déjà dans le canton de Genève depuis janvier.

Réaction chinoise

Réaction immédiate: la Chine est «résolument opposée» à la décision du Conseil fédéral, a indiqué mercredi Feng Haiyang, conseiller à l’ambassade de Chine à Berne. Le gouvernement chinois s’oppose à la décision helvétique «parce qu’elle ne correspond pas aux intérêts fondamentaux des deux pays», selon lui. La Chine n’a toutefois pas voulu justifier plus en détail sa réaction.

Rappelons qu’avant Noël, l’ambassade de Chine s’était fendue d’une lettre envoyée à Eveline Widmer-Schlumpf, où elle demandait à la Suisse de ne pas accueillir les deux frères ouïgours. Et cela en avertissant qu’une décision contraire pourrait mettre à mal les relations sino-suisses.

A l’appui de son avertissement, le gouvernement chinois accusait les deux Ouïgours d’appartenir au Mouvement islamiste du Turkménistan oriental (ETIM). Mais pour le ministère suisse de la Justice, les deux hommes ne figuraient pas «sur les listes de terroristes dressées par l’ONU».

Dignité

Daniel Fried, envoyé special du gouvernement américain pour la fermeture de Guantanamo, se déclare très heureux de la décision helvétique. «Le gouvernement chinois exigeait que les Ouïgours présents à Guantanamo soient renvoyés en Chine, ce que les Etats-Unis ne veulent pas, pour des raisons humanitaires», a-t-il déclaré à swissinfo.ch.

Avant d’ajouter: «Nous pensons que la décision suisse a été courageuse. Nous avons bien travaillé avec les autorités helvétiques, en nous en tenant à un processus lent et prudent».

De son côté, le gouvernement jurassien a pris acte avec satisfaction de la décision du Conseil fédéral. La Suisse «contribue ainsi de manière tangible à la fermeture du camp américain de Guantanamo et honore une longue tradition d’accueil et d’ouverture», souligne un communiqué. Le canton mettra tout en œuvre pour que ces personnes soient bien accueillies et qu’elles s’intègrent.

Par ailleurs, la Société pour les peuples menacés (SPM) a salué la décision du Conseil fédéral, qui donne ainsi à ces deux hommes la possibilité de mener une vie en liberté et dans la dignité dans le canton du Jura.

La SPM se dit par ailleurs satisfaite que le gouvernement ait attaché plus d’importance aux droits de l’homme qu’aux intérêts de l’industrie suisse d’exportation. L’organisation prie en outre le Conseil fédéral de mener avec la Chine un vrai dialogue sur les droits de l’homme, en particulier de thématiser les droits des minorités dans la république populaire.

swissinfo.ch et les agences

Le lundi 11 janvier 2010 marquait le huitième anniversaire de l’ouverture, par les Etats-Unis, d’un camp de détenus dans la base de Guantánamo sur l’île de Cuba.

Malgré la promesse du président américain Barack Obama de fermer le camp d’ici à janvier 2010, près de 200 détenus sont toujours retenus derrière ses grilles.

La France, le Portugal, la Belgique et la Hongrie ont déjà accueilli un certain nombre d’ex-détenus.

En Suisse, le Conseil fédéral (Gouvernement) annonçait en décembre que le canton de Genève s’était offert pour accueillir un détenu ouzbek. Il s’y trouve aujourd’hui.

22 Ouïgours, capturés en Afghanistan, se trouvaient à Guantanamo. Ils ont tous été innocentés et peuvent être libérés. Cinq ont été accueillis par l’Albanie en 2006, quatre par les Bermudes en juin et six par l’archipel de Palau, dans l’océan Pacifique, en octobre.

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