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La Suisse insiste pour réformer le Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité de l'ONU peine à se réformer. Keystone

Après avoir échoué en 2012 dans sa proposition de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU, la Suisse, avec 19 autres Etats, lance un nouveau ballon d’essai. Ce groupe souhaite une collaboration renforcée entre les 15 membres de l'exécutif onusien et les autres 178 pays membres.

Le Conseil de sécurité, responsable en vertu de la Charte des Nations unies de la paix et de la sécurité dans le monde, doit améliorer ses méthodes de travail. Cet objectif est poursuivi par un groupe d’Etats qui a présenté ses exigences la semaine dernière au siège de l’ONU à New York.

Les 20 Etats du groupe «Responsabilité, cohérence et transparence» (ACT) tentent de réussir là où la Suisse et quatre petits Etats (Small Five, S-5) avaient échoué il y a une année face à la pression du Conseil de sécurité. Le projet de résolution avait alors pour objectif de rendre plus transparent et ainsi plus crédible l’organe le plus puissant de l’ONU.

Une série de recommandations avait été adressée. Après le retrait de la résolution, Paul Seger, l’ambassadeur de Suisse auprès de l’ONU à New York, avait affirmé que les efforts n’étaient pas morts pour autant.

Le Conseil de sécurité est l’organe le plus puissant des Nations Unies. L’article 24.1 de la Charte lui confère «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales». C’est la seule instance onusienne dont les décisions sont juridiquement contraignantes pour tous les pays membres.
 
En cas de crise qui menace la paix, le Conseil appelle normalement tout d’abord les parties en conflit à négocier. Il peut également envoyer des contingents de casques bleus comme force d’interposition.
 
Pour faire respecter ses décisions, le Conseil de sécurité peut voter des sanctions, économiques notamment. En dernier recours, il peut décider d’une action militaire, qui sera menée par un ou plusieurs pays membre de l’ONU, comme cela a été le cas lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, en Somalie ou en Haïti.
 
Justice. Le Conseil peut aussi nommer des tribunaux internationaux pour juger des criminels de guerre présumés, comme il l’a fait pour le Rwanda ou pour l’ex-Yougoslavie.
 
Quinze pays siègent au Conseil, dont cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France et Chine) et dix non permanents, élus tous les deux ans par l’Assemblée générale. Les cinq membres permanents ont le droit de veto, ce qui signifie que l’opposition d’un seul d’entre eux suffit à bloquer une décision.

La composition du Conseil de sécurité, formé en 1946 autour des quatre vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et de la Chine, ne correspond plus à la réalité géopolitique actuelle. De nombreux pays, dont la Suisse, craignent de lui voir perdre petit à petit en légitimité et en autorité. Malgré cela, les débats sur sa réforme traînent depuis des années.

Une base plus large

La Suisse, qui appelle depuis huit ans à une amélioration du mode de fonctionnement du Conseil de sécurité, a tiré les leçons de cette tentative infructueuse. Le nouveau groupe, qui comprend une vingtaine de petits et moyens Etats, dispose d’un soutien régional plus large. Lors de la présentation à New York, Paul Seger a affirmé que ce groupe se concentrera sur la réforme des méthodes de travail et ne se mêlera pas des discussions, bloquées depuis plus de 15 ans, qui entourent la grande réforme du Conseil de sécurité.

Ces vingt Etats ne vont par ailleurs pas travailler à une résolution globale, mais sur des thèmes bien précis. Le groupe ACT propose par exemple que le rapport annuel du Conseil de sécurité informe de manière plus approfondie.  Il suggère aussi de renforcer les contacts entre le Conseil et les Etats qui n’y siègent pas. Par ailleurs, les Etats qui mettent des troupes à disposition des missions onusiennes devraient être davantage impliqués dans ces interventions.

Autre point fort: l’interdiction pour les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, France, Grande-Bretagne, Russie et Etats-Unis), de recourir au droit de veto lorsque des crimes particulièrement graves sont commis, comme un génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

Rude bataille

L’ACT veut également se pencher sur la collaboration entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale (CPI). Il souhaite par ailleurs que le Conseil de sécurité s’efforce de pratiquer la diplomatie préventive afin d’empêcher l’éclatement des conflits, au lieu de s’activer uniquement lorsque surviennent des situations de crise, comme l’a relevé l’ambassadeur norvégien auprès de l’ONU.

«C’est un projet important et difficile, mais qui vaut la peine d’être poursuivi», déclare à swissinfo.ch Richard Dicker, responsable du programme justice internationale au sein de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch. «Mais il serait erroné d’entretenir l’illusion que l’ACT parviendra à ouvrir des portes qui ont été fermées pendant des décennies».

Dans la perspective d’un meilleur respect des droits de l’homme, le groupe a néanmoins son importance, souligne Richard Dicker, qui salue également le concept de diplomatie préventive. «Certaines atrocités ne se produiraient pas si la communauté internationale prenait plus tôt ses responsabilités. C’est difficile d’affirmer cela sans penser à ce qui se passe jour après jour en Syrie».

L’ACT est constitué de pays qui ne revendiquent pas un siège permanent au Conseil de sécurité : Chili, Costa Rica, Estonie, Finlande, Gabon, Irlande, Jordanie, Liechtenstein, Nouvelle-Zélande, Norvège, Autriche, Papouasie Nouvelle-Guinée, Pérou, Portugal, Arabie saoudite, Slovénie, Suède, Suisse, Tanzanie (observateur), Hongrie et Uruguay.

Une délégation est désignée coordinatrice du groupe. Ce rôle incombe pour l’heure à la Suisse. Sur invitation, d’autres Etats peuvent rejoindre le groupe.

L’ACT est une sorte de successeur au groupe des S-5 (Suisse, Costa Rica, Jordanie, Liechtenstein et Singapour).

Pas dans la confrontation

Richard Dicker affirme qu’un changement de vision est nécessaire parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, même si les obstacles sont nombreux: «Ces cinq Etats vont tout faire pour continuer à opérer comme ils l’ont fait jusqu’ici». L’abandon du droit de veto en cas de crimes graves pourrait notamment susciter une forte résistance.

Le représentant d’Human Rights Watch a observé un intérêt accru de la part des Etats-membres à propos du principe de l’obligation de rendre des comptes. Que ce soit lors des débats publics ou dans les rapports que le Conseil entretient avec la CPI. «Je pense notamment à l’appel lancé par la Suisse au Conseil de sécurité pour qu’il charge la CPI d’enquêter sur la situation en Syrie».

Richard Dicker fait le lien entre la mise sur pied de l’ACT et la prise de conscience croissante des Etats-membres quant à leur rôle d’acteur actif: «S’il devait y avoir des progrès, ce ne serait que par cette voie, et non dans la confrontation».

(Adaptation de l’allemand: Samuel Jaberg)

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