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Le destin de Mühleberg scruté de près à l’étranger

Zwentendorf, l'unique centrale nucléaire autrichienne, a été transformée en musée. La centrale de Mühleberg va-t-elle connaître le même sort? Keystone

La centrale nucléaire de Mühleberg électrise les débats dans les pays voisins de la Suisse. Son arrêt ne ferait qu’accroître la pression sur les centrales vieillissantes à l’étranger, comme celle de Fessenheim en Alsace. La résistance la plus forte se manifeste en Autriche.

Si des investissements massifs ne sont pas consentis pour sa maintenance, la centrale nucléaire de Mühleberg devra cesser ses activités d’ici juin 2013. Cette décision forte a été prise par le Tribunal administratif fédéral le 8 mars dernier. Mais comme il fallait s’y attendre, les Forces motrices bernoises (FMB), qui exploitent la centrale, ont fait recours contre ce jugement.

Un arrêt de la centrale engendrerait des coûts considérables pour les FMB: 400 millions d’amortissements, 200 millions de provisions et des pertes annuelles de l’ordre de 50 millions de francs. Pour les FMB, Mühleberg doit pouvoir continuer à être exploitée tant que la sécurité le permet. Les anti-nucléaires ne l’entendent pas de cette oreille. Et pas seulement en Suisse.

La région autrichienne du Vorarlberg va porter plainte pour négligence d’ici fin avril auprès de la Confédération afin d’exiger la fermeture effective de Mühleberg. Le jugement du Tribunal administratif fédéral démontre clairement le danger potentiel que représente la centrale, a ainsi déclaré Markus Wallner, président de la région, à plusieurs journaux autrichiens. Tous les partis politiques du Vorarlberg se sont ralliés derrière le dépôt d’une plainte civile contre la centrale bernoise. Ce land qui jouxte l’est de la Suisse est connu pour être particulièrement critique face à l’atome.

Un pays qui a dit non à l’atome

Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et des télécommunications (DETEC) n’a pas encore eu connaissance de la requête autrichienne et ne peut donc pas prendre position, nous affirme-t-on à Berne. «En cas d’accident, la population du Vorarlberg pourrait être fortement et rapidement touchée», dénonce pour sa part l’avocat autrichien Christian Hadeyer, chargé par le gouvernement du Vorarlberg de rédiger la plainte à l’encontre de Mühleberg.

Les autorités du Vorarlberg entendent bien le démontrer au moyen d’une étude sur la propagation de la radioactivité en cas de catastrophe. La sécurité de la centrale de Mühleberg est largement discutée dans le Vorarlberg, «surtout depuis qu’une similitude a été établie avec les réacteurs de Fukushima et que les dangers ont été clairement identifiés», dit Christian Hadeyer. Le Vorarlberg a non seulement entrepris des démarches juridiques à l’encontre de Mühleberg, mais également contre la centrale allemande de Gundremmingen. Et l’étude d’avocats de Christian Hadeyer a également engagé une procédure – sur mandat du land de Haute-Autriche – contre la centrale tchèque de Temelin.

La résistance à l’atome a une longue tradition en Autriche. Le pays voisin de la Suisse avait décidé en 1978 à une courte majorité que la centrale de Zwentendorf, à peine achevée, n’entrerait jamais en fonction. La résistance la plus acharnée était alors venue du Vorarlberg. La même année, une loi proclamant l’interdiction de l’énergie nucléaire avait été adoptée en Autriche.

Militants français satisfaits

La situation est tout autre en France, le pays le plus nucléarisé du monde par habitant avec ses 58 réacteurs. Ainsi, la décision du Tribunal administratif fédéral n’a fait que très peu de vagues dans les médias de l’Hexagone. Chez les militants anti-nucléaires, en revanche, cette décision a été largement commentée. «Nous avons appris avec satisfaction la décision de la justice suisse, dit André Hatz, membre de l’association Stop Fessenheim. Je ne suis pas surpris que des recours aient été formulés car en France, nous sommes habitués à la puissance du lobby nucléaire. J’encourage les associations et la population à se montrer fermes pour que cette centrale de Mühleberg stoppe effectivement ses activités en 2013».

En France, le combat transfrontalier se cristallise autour de la centrale alsacienne de Fessenheim, la plus vieille du pays et également la plus décriée. L’association trinationale pour la protection du nucléaire (ATPN), qui compte plusieurs communes du nord de la Suisse en son sein, avait porté plainte contre la décision de l’ASN d’autoriser la poursuite de l’exploitation de Fessenheim.

Elle a été déboutée en mars 2011 par le Tribunal administratif de Strasbourg. «Le cas de figure était quasiment identique à celui de Mühleberg, sauf en ce qui concerne le jugement», relève Florien Kraft, chef de la division de Strasbourg de l’Autorité de surveillance nucléaire française (ASN).

Inspecteur français à Mühleberg

La nécessité de collaboration entre les régions concernées par une éventuelle catastrophe nucléaire a été reconnue très tôt, estime Florien Kraft. «Nos relations avec la Suisse sont très étroites, précise le représentant de l’ASN. Des échanges fréquents entre autorités de sûreté ont été mises sur pied dès 1989 et nous pratiquons régulièrement des inspections croisées».

En décembre 2011, un inspecteur de l’ASN a ainsi pu se rendre à Mühleberg pour une inspection. «Je ne peux pas m’exprimer sur la sécurité des centrales suisses, souligne Florien Kraft. Mais si quelque chose nous choquait lors d’une inspection, on le signalerait. La décision de fermer Mühleberg a été prise sur des critères assez subtils, qui ne sautent pas forcément aux yeux des inspecteurs».

Les centrales de Mühleberg et de Fessenheim ont en commun un âge respectable, respectivement 40 et 34 ans, qui les rendent plus vulnérables et contestables aux yeux des opposants. «Le vieillissement des centrales est un sujet d’échanges permanent au niveau international», affirme Florien Kraft.

Pression accrue sur Fessenheim

Reste que si la centrale de Mühleberg venait réellement à fermer en 2013, la pression ne ferait que s’accroître sur celle de Fessenheim. «Depuis que l’Allemagne a annoncé sa sortie du nucléaire d’ici 2022 et que la Suisse a décidé de bloquer les projets de nouveaux réacteurs, nombreux sont ceux qui espèrent que la France prenne également une décision forte», reconnaît le représentant de l’ASN. «Les pro-nucléaires ne pourront plus utiliser l’argument maintes fois entendu de l’âge encore plus avancé des centrales suisses pour justifier le maintien de Fessenheim», affirme quant à lui André Hatz.

Au sud de l’Allemagne, les anti-nucléaires concentrent également leur combat sur la centrale de Fessenheim. «Les médias allemands ont abondamment évoqué la querelle juridique au sujet de Mühleberg, mais la population se montre bien plus inquiète face aux problèmes de sécurité de Fessenheim, éloignée de 25 kilomètres à peine», affirme Dieter Wörner, directeur de l’Office de protection de l’environnement de la ville de Freiburg im Breisgau.

Suite à la catastrophe de Fukushima, le Conseil communal de la ville, qui est membre de l’ATPN, a exigé la fermeture du réacteur nucléaire situé de l’autre côté de la frontière. «Tout le monde a conscience que les radiations ne s’arrêtent pas au milieu du Rhin, comme ont voulu le faire croire les autorités françaises il y a 25 ans suite à la catastrophe de Tchernobyl, affirme André Hatz. D’où la nécessité d’un combat transfrontalier permanent, que ce soit pour exiger la fermeture de Fessenheim ou de Mühleberg, qui représentent toutes deux un danger insupportable pour les populations avoisinantes».

Le 7 mars dernier, le Tribunal administratif fédéral (TAF) donnait raison aux opposants de la centrale nucléaire de Mühleberg, estimant que des lacunes en matière de sécurité imposaient une limitation de l’autorisation d’exploitation. Celle-ci a été fixée à fin mai 2013.

Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) avait pourtant donné son feu vert en 2009 à une poursuite illimitée de l’exploitation de la centrale bernoise, mise initialement en service en 1972 pour une durée de 40 ans.

Parmi les motifs invoqués par le tribunal suisse figurent l’état du manteau du réacteur, qui présente des fissures, l’évaluation non concluante de la sécurité en cas de tremblement de terre et l’absence de moyens de refroidissement indépendants de l’Aar.

Les Forces motrices bernoises (FMB), qui exploitent la centrale, ont fait recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays. Elles ont rappelé que d’importants travaux sont en cours d’élaboration en vue d’une exploitation du site sur le long terme.

Ceux-ci seront soumis l’été prochain à l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Après la décision du TAF, le concept de maintenance sera aussi remis au DETEC.

En tant que société exploitante de la centrale de Mühleberg, les Forces motrices bernoises (FMB) doivent apporter la preuve d’ici fin mars à l’Inspection fédéral de la sécurité nucléaire (IFSN) que la centrale nucléaire et le barrage du Wohlensee, situé en amont, remplissent les nouvelles exigences de sécurité pour faire face à des tremblements de terre.  

Si Mühleberg réussit son examen sismique, un nouveau test suivra en octobre 2012. L’IFSN décidera alors si oui ou non elle donne son feu vert à une exploitation à long terme. En cas de réponse négative, les FMB auront droit à un nouveau délai pour corriger le tir.

Les anti-nucléaires se montrent particulièrement critiques à l’égard de ces nombreux délais accordés aux exploitants de la centrale. 

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