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Le difficile dialogue avec l’Iran à la une de la presse

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Au lendemain du tollé provoqué par le président iranien à la conférence sur le racisme, la presse suisse estime que ce dérapage était prévisible. Certains éditorialistes jugent par ailleurs sévèrement la tentative helvétique d'instaurer un dialogue avec Mahmoud Ahmadinejad.

Un doigt levé, professoral et déterminé dans son sobre costume gris. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad fait la une de la grande majorité des quotidiens suisses mardi après ses propos incendiaires à la tribune de la conférence de l’ONU sur le racisme.

Incontestable vedette de cette réunion qui se tient à Genève jusqu’au 24 avril, Mahmoud Ahmadinejad a mis le feu aux poudres lundi en qualifiant de «raciste» le gouvernement israélien et en se lançant dans une diatribe contre l’Etat hébreu.

Des propos qui, estiment bon nombre de commentateurs, étaient largement prévisibles. «Ahmadinejad a fait ce qu’on attendait de lui: il s’est livré à une tirade haineuse contre l’Occident en général et contre Israël en particulier», souligne ainsi le journal de boulevard alémanique Blick.

A l’instar d’autres quotidiens, le Blick condamne ces paroles, qui sont celles d’«un raciste qui s’est exprimé dans le cadre du sommet mondial contre le racisme».

Plusieurs journaux mettent aussi en exergue le caractère provocateur du discours du président iranien: là où Le Matin titre «Le show venimeux d’Ahmadinejad», la très sérieuse Neue Zürcher Zeitung (NZZ) parle d’un «show dégoûtant».

«Par ce biais, il [Mahmoud Ahmadinejad] parvient, du moins médiatiquement, à s’accaparer une importance grotesquement surévaluée. En même temps, il porte atteinte tant à l’appel de l’ONU contre le racisme qu’aux objectifs de la conférence onusienne», renchérit le quotidien bâlois Basler Zeitung.

Pays occidentaux critiqués

Mais la presse helvétique pointe également un doigt accusateur contre les pays occidentaux, dont quelques-uns parmi les plus importants n’étaient pas présents à Genève.

Le Temps par exemple estime que ce «boycott» était «inutile». «En se retirant, ces quelques Etats occidentaux se fourvoient sur la mission des organisations multilatérales. Aussi imparfaite soit-elle, l’ONU demeure une enceinte multilatérale nécessaire au dialogue. C’est là qu’il fallait répliquer à Ahmadinejad», écrit son éditorialiste.

«Si la conférence dite de Durban II avait été préparée de manière adéquate, avec la ferme volonté de respecter ses objectifs, par ailleurs louables, le président iranien n’aurait pas osé y défier la communauté internationale avec ses thèses aberrantes sur l’Holocauste et l’Etat hébreu», renchérit pour sa part le quotidien tessinois Giornale del Popolo.

La Suisse naïve et présomptueuse

Outre le scandale autour des propos du président iranien, la presse suisse commente également la rencontre de travail qui a eu lieu dimanche soir à Genève entre le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz et Mahmoud Ahmadinejad.

«Naïve», «maladroite», «présomptueuse». Les qualificatifs ne sont pas tendres à l’égard de la tentative diplomatique de Berne, que les éditorialistes jugent avec sévérité.

«La Suisse a voulu offrir ses bons offices à Genève. Au lieu de cela, elle a plutôt mis les pieds dans le plat et a desservi le dialogue entre l’Iran et l’Occident», estime par exemple le journal zurichois Tages Anzeiger. Aux yeux de qui la Suisse est retombée dans «le piège iranien», comme en mars dernier lorsque la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey s’était rendue à Téhéran.

La même ministre que critique sévèrement le quotidien vaudois 24 heures. Après avoir fait part de ses hésitations, elle a en effet décidé lundi de ne pas se rendre à la conférence de l’ONU. «Elle n’avait pas cette pudeur l’an passé, au moment de se rendre, voilée, dans l’antre du diable pour y signer un contrat gazier en faveur de l’entreprise suisse EGL», rappelle à ce propos le journal.

Durban II, un échec?

Après cette rencontre helvético-iranienne – très peu goûtée d’Israël, qui a rappelé lundi son ambassadeur à Berne -, «la Suisse officielle est à nouveau dans une position délicate», résume la NZZ. Le journal zurichois souligne toutefois que cette entrevue entre Hans-Rudolf Merz et Mahmoud Ahmadinejad pourrait aussi avoir un rôle positif.

Berne représente en effet les intérêts américains en Iran depuis 1980. Or Washington a fait part de sa volonté d’améliorer ses relations avec Téhéran, et ce dialogue pourrait passer par la Suisse. C’est cet espoir que le journal bernois Berner Zeitung relaie, car, titre-t-il, «La parole est d’or.»

Reste que l’adage a désormais peu de chance de se concrétiser au sommet onusien sur le racisme. «Il est peu probable que Durban II soit un succès», conclut ainsi le Giornale del Popolo, en soulignant la nécessité de continuer à lutter contre «le cancer des discriminations.»

swissinfo, Carole Wälti

Racisme. Dans son discours à la conférence de l’ONU sur le racisme, Mahmoud Ahmadinejad a critiqué lundi l’établissement d’un «gouvernement raciste» au Proche-Orient après 1945, faisant clairement allusion à Israël.

Agression. «Après la deuxième guerre mondiale, sous prétexte des souffrances des juifs et de la question ambiguë et douteuse de l’holocauste, un groupe de pays puissants a eu recours à l’agression militaire pour faire d’une nation entière une population sans abri; ils ont envoyé des migrants d’Europe, des États-Unis et d’ailleurs pour établir un gouvernement totalement raciste en Palestine occupée», a affirmé le président iranien, selon une traduction de l’ONU.

Protestation. Les représentants des Etats de l’Union européenne ont rapidement quitté la salle en signe de protestation.

Retrait. La République tchèque, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, a décider de quitter définitivement la conférence Durban II.

Manifestants expulsés. Peu avant le discours, trois manifestants déguisés avec des perruques multicolores et des nez rouges de clown qui criaient «raciste, raciste» à l’adresse du président iranien ont été expulsés de la salle de la conférence.

Ban Ki-moon. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a critiqué dans un communiqué les déclarations contre Israël faites par Mahmoud Ahmadinejad.

«Je déplore l’utilisation de cette plateforme par le président iranien pour mettre en accusation, diviser et même provoquer», a déclaré M. Ban, qui avait pourtant auparavant mis en garde M. Ahmadinejad contre «l’amalgame entre sionisme et racisme» lors d’une rencontre en tête-à-tête.

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