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Le Liban croule sous le nombre de réfugiés syriens

Olivier Vogelsang

Traumatisés par les horreurs de la guerre, des vagues de Syriens continuent d'affluer au Liban, en dépit de conditions de vie difficiles dans ce pays méditerranéen quatre fois plus petit que la Suisse avec une population de quatre millions d'habitants.

«J’ai dû fuir avec nos deux filles et sans mon mari. Je vais accoucher dans moins d’un mois … Je ne sais pas comment je vais me débrouiller, seule», soupire Narval*.

Le regard fixe, la jeune femme  (22 ans) venue de Homs témoigne, assise sur une chaise en plastique à l’intérieur de la minuscule tente de fortune qu’elle partage avec une autre famille de réfugiés.

«J’étais à la maison avec les enfants quand les bombardements ont commencé. Je ne savais pas quoi faire, alors j’ai appelé mon mari qui travaillait. Il nous a dit de partir immédiatement en précisant qu’il allait nous rejoindre plus tard», raconte Narval, mère de deux filles.

Dix jours plus tôt, un taxi l’a déposée, elle et ses deux enfants, dans un camp de réfugiés à la périphérie de Bar Elias, dans la plaine de la Bekaa. La course lui a couté 12’000 livres syriennes (160 francs suisses) pour traverser légalement la frontière. Un homme a promis d’aider son mari à traverser illégalement la frontière libanaise pour 2000 dollars. Depuis, elle n’a aucune nouvelle de lui.

Les campements précaires ne sont pas un phénomène nouveau dans la Bekaa. Avant la crise syrienne, on en trouvait dans toute la région. Ils accueillaient les travailleurs migrants syriens venus pour les récoltes et les travaux des champs. Depuis le début du soulèvement syrien, des milliers de migrants sont restés sur place.

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La vie dans le désert jordanien

Ce contenu a été publié sur Le photographe suisse Olivier Vogelsang a visité le camp de Zaatari en avril 2013 et y a documenté le travail accompli par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies et par les organisations humanitaires Terre des Hommes et Caritas. Ce camp se trouve à environ 70 kilomètres au nord de la capitale jordanienne Amman et…

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Toujours plus de réfugiés

Aujourd’hui, de 600 à 800 nouvelles familles de réfugiés arrivent chaque semaine dans la région. Elles sont confrontées à des options coûteuses et limitées de logement. Ces nouveaux arrivants n’ont pas les moyens de payer le loyer d’un appartement. Par conséquent, le nombre de camps rudimentaires a explosé à 230 où vivent officiellement 20% des réfugiés de la Bekaa.

Plusieurs responsables humanitaires assurent qu’ils peinent à suivre la croissance des camps de réfugiés. Ils s’inquiètent des conditions de vie dans ces espaces exigus construits sur des terres arables avec un mauvais drainage et peu de latrines ou de douches.

À court de liquidités, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires tentent de parer aux urgences, en fournissant par exemple du bois et des bâches en plastique pour les abris, en gérant l’approvisionnement en eau et son épuration ou en offrant les soins de base via un hôpital mobile.

Mais la vie au Liban reste chère pour les Syriens. Un propriétaire de terrain privé réclame 160 dollars par mois pour chaque tente dans laquelle se pressent jusqu’à trois familles. De plus, l’accroissement du nombre de réfugiés signifie qu’un emploi est toujours plus difficile à trouver, voire impossible pour beaucoup.

«Ici, les gens travaillent une dizaine de jours par mois, relève Sokol*, qui vit également dans le camp d’Elias Bar avec 60 autres familles. Les voisins nous demandent de nettoyer ou de faire quelques réparations contre un peu d’argent. Il est difficile de survivre ici. Je ne conseillerais pas à des amis ou à la famille de venir en ce moment.»

Selon les Nations unies, quelque 4,25 millions des 23 millions d’habitants de Syrie ont été déplacées par le conflit. Près de 7 millions de Syriens ont un besoin urgent d’aide humanitaire, la moitié étant des enfants. Les Syriens forcés à quitter leurs maisons se sont souvent déplacé plus d’une fois. Ils se concentrent dans les campagnes autour d’Alep et de Damas.

Les organisations humanitaires font face à de nombreux obstacles pour atteindre les familles dans le besoin, y compris l’obtention de visas qui peut prendre jusqu’à deux mois, une exigence de préavis de trois jours imposée à tous les convois d’aide humanitaire et d’autres retards bureaucratiques, des dizaines de barrages routiers, et une réduction des ONG de 110 à 29.

Le nombre de personnes qui quittent la Syrie a considérablement augmenté depuis le début de l’année. Plus de 1,5 million de réfugiés ont fui vers la Jordanie (473’587), le Liban (470’457), la Turquie (347’157), l’Iraq (147’464) et l’Egypte (66’922) [chiffres établis le 15 mai].

Selon Kristalina Georgieva, commissaire à l’aide humanitaire de l’UE, « à moins que tous ceux qui sont impliqués dans les combats ainsi que la communauté internationale trouvent une solution politique à la violence,  la communauté humanitaire sera très vite tout simplement incapable de faire face à l’ampleur sans précédent des besoins. Nous sommes déjà au point de rupture. »

Selon l’ONU, au moins 80’000 personnes ont été tuées dans les affrontements entre les rebelles armés et les forces gouvernementales en Syrie.

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Survie urbaine

Dans la ville libanaise de Tripoli, le coût de la vie est moitié moins élevé que dans la capitale, Beyrouth. Mais pour les 140’000 réfugiés qui s’y trouvent, la situation reste extrêmement précaire.

«Nous ne sommes pas habitués à un coût élevé de la vie. C’est particulièrement difficile car il n’y a pas de travail, explique Hanaa*, qui a fui Alep il y a sept mois avec son mari et ses six enfants. La seule aide que nous obtenons vient de l’ONU, de personne d’autre.»

La famille habite au centre-ville, dans un appartement à l’intérieur d’un immeuble vétuste rénové par le HCR. Le logement est équipé d’un réfrigérateur, d’une cuisinière et d’un évier, qu’ils partagent avec d’autres familles.

«Presque toutes nos économies ont été utilisées en Syrie parce que nos hommes ne pouvaient pas travailler. Alors, quand nous sommes arrivés ici, nous n’avions plus rien, explique Hanaa. Mon fils aîné est désœuvré. Il est sorti se promener. Il ne peut pas rester à l’intérieur, tellement il est frustré et sans but dans sa vie.»

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Hospitalité libanaise

Bien que le nombre de colonies de tentes et d’abris collectifs croît sans cesse, la grande majorité des réfugiés sont hébergés par des Libanais, qu’ils soient amis, parents ou familles d’accueil.

Il y a un mois environ, Mohammad, 31 ans, et sa jeune famille ont fui les bombes qui frappaient la campagne autour de Damas pour trouver refuge à Al-Rafid, dans le sud-est de la vallée de la Bekaa. Une nuit, ils ont eu la chance de tomber sur Salim Charefiddin, un Libano-canadien qui travaille comme chauffeur de taxi.

«Je roulais et tout à coup, je les ai vus attendant sur le bord de la route avec leurs valises, raconte Salim. Ils m’ont dit qu’ils cherchaient un endroit pour vivre. Je leur ai dit que ce n’était pas facile en raison du grand nombre de réfugiés. Mais j’étais prêt à les accueillir dans ma maison jusqu’à ce qu’ils trouvent quelque chose d’autre.»

Agé de 72 ans, le chauffeur de taxi et sa famille vivent dans une chambre; Mohammad, sa femme et son fils utilisent l’autre. Les deux familles se partagent la salle de bains et la cuisine, ce qui commence, admet Salim, à devenir difficile pour les deux familles.

«J’ai rencontré des gens qui avaient promis de les aider. J’attends toujours, mais je suis optimiste, assure Mohammad. Ce n’est pas facile. Même les Libanais rencontrent de nombreux problèmes en raison du grand nombre de réfugiés syriens. Ça devient un fardeau pour la population.»

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Réinstaller ceux qui ne peuvent pas rentrer

Ce contenu a été publié sur «Nous avons fui l’Irak à cause de la guerre. Et maintenant, nous avons dû fuir la Syrie à cause d’une autre guerre. Nous ne savons pas ce qui va nous arriver à l’avenir ni ce que nous allons faire». Assise dans le bureau du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Beyrout, Leïla*…

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Des fissures apparaissent

Les réfugiés de Syrie représentent maintenant plus d’un dixième de la population libanaise. Les responsables humanitaires louent régulièrement l’hospitalité libanaise envers les Syriens. Mais l’afflux massif et continu de réfugiés devient difficilement supportable pour les communautés d’accueil, en particulier dans les régions les plus pauvres du pays. Des tensions commencent à apparaître.

Les Libanais se plaignent de la hausse des loyers, de la surpopulation, de la concurrence déloyale des réfugiés qui acceptent des salaires inférieurs, des branchements sauvages au réseau électrique, sans oublier la petite délinquance.

La question des réfugiés est d’autant plus sensible qu’elle renvoie aux années de guerre intercommunautaire qu’a connue le Liban entre 1975 et 1990 et au rôle controversé des réfugiés palestiniens. De fait, le pays est le théâtre d’affrontements entre partisans et opposants du président syrien Bachar el-Assad. Et ce alors que le mouvement chiite libanais Hezbollah apporte son soutien militaire à Damas. La mosaïque communautaire libanaise est sous tension.

Le pays n’est pas bien équipé pour gérer cette crise, selon Ninette Kelley, cheffe de l’opération du HCR au Liban: «Nous sommes confrontés à une crise d’une ampleur sans précédent pour le Liban. Le pays a grand besoin de soutien supplémentaire de la communauté internationale, non seulement pour répondre aux besoins des réfugiés, mais aussi pour garantir la stabilité du pays.»

* prénoms fictifs

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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