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Les cadavres s’accumulent aux portes de l’Europe

Une famille syrienne en fuite à la frontière austro-hongroise ce mois d'août. Keystone

La tragédie des réfugiés s’est cristallisée jeudi avec la mort d’environ 200 réfugiés au large de la Libye et la découverte de plus de 70 cadavres dans un camion frigorifique abandonné non loin de la frontière entre l’Autriche et la Hongrie. Et ce alors que se tenait à Vienne un sommet avec la chancelière Angela Merkel et les dirigeants des Balkans de l’Ouest qui réclament un « plan d’action » européen pour contenir les migrants.  

Les guerres du Moyen-Orient et leurs métastases dans les pays du Maghreb continuent de pousser leurs populations à fuir, entraînant toujours plus de morts sur les routes de l’exil dans les Balkans et en Méditerranée. Et c’est toute la politique migratoire de la «forteresse» européenne, mais aussi de la Suisse, qui s’en trouve ébranlée.

«Nous sommes tous bouleversés par ces terribles nouvelles (en Autriche), a réagi Angela Merkel lors d’un sommet sur les Balkans à Vienne ce jeudi. C’est un avertissement pour que l’on se mette au travail, pour résoudre ce problème et faire preuve de solidarité.»

La chancelière n’a pu que reconnaitre la pression migratoire qui pèse sur les pays des Balkans de l’Ouest: «Ce sont de futurs membres de l’UE, il est de notre responsabilité de les aider.»

Dans les colonnes de «La LibertéLien externe», Serge Gumy écrit toute son amertume: «Sordide ironie, la tragédie est survenue sous le nez de dirigeants européens réunis hier à Vienne pour une énième séance de crise. (…)  L’Europe de la désunion et du chacun pour soi, embarquée dans une course à la fermeté: barrière hérissée de barbelés en Hongrie, migrants parqués sans eau dans un stade de Kos, incidents racistes en Allemagne. Sans parler de la Slovaquie, qui veut bien accueillir quelques Syriens, à condition qu’ils soient chrétiens… »

Crise prévisible

Et l’éditorialiste du quotidien de Fribourg d’en appeler au changement: «Face à cette crise partie pour durer, le continent n’a d’autre choix que de s’unir. A quand une répartition plus juste des requérants entre les Vingt-Huit, comme le fait la Confédération avec les cantons? Las, les pays membres de l’UE – et la Suisse avec eux – se cachent derrière les accords de Dublin, qui reportent l’essentiel de la pression migratoire sur les Etats frontières.»

Même tonalité dans la presse alémanique: «Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une tragédie de l’immigration juste devant notre porte ne secoue l’opinion publique“, écrivent le Tages-AnzeigerLien externe et le Bund. Mais il ne s’agit là que du visage le plus cru de la tragédie qui se joue entre Vienne et Izmir. Depuis des semaines, des réfugiés à bout de forces atteignent les Balkans dans leur périple vers l’Europe occidentale, accueillis à coups de bâtons par les policiers et par des passeurs sans scrupules, soulignent les deux quotidiens dans un commentaire commun.

Et les deux titres d’insister: «Cette macabre découverte en Autriche devrait réveiller l’Union européenne. Cette situation d’urgence ne pourra être surmontée qu’à travers une stratégie commune, qui doit contenir une clé de répartition obligatoire et appliquée à tous les pays. Mais pour y parvenir, il faudrait davantage de solidarité. Or en Europe, actuellement, chaque Etat fait ce qu’il veut (…) Une cacophonie honteuse pour l’UE, récipiendaire du Prix Nobel de la paix (en 2012)», dénonce le commentateur, Enver Robelli.

Une cacophonie détaillée hier soir au téléjournal de la RTSLien externe.

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Dans le même téléjournal de la RTS, le président du CICRLien externe Peter Maurer souligne l’urgence à trouver des solutions, avant d’en esquisser quelques unes.

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En France, le quotidien Le MondeLien externe chiffre l’ampleur des flux migratoire atteints depuis le début de l’année: «Sur les sept premiers mois de l’année 2015, le nombre de migrants aux frontières de l’Union européenne a atteint 340’000, contre 123’500 sur la même période de 2014, selon l’agence FrontexLien externe chargée des frontières extérieures de l’espace Schengen.»

Plus de 300.000 migrants ont traversé la Méditerranée depuis janvier, et plus de 2 500 personnes sont mortes en mer après avoir tenté de rallier l’Europe, a annoncé, de son côté, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCRLien externe).

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Les gouvernements européens et suisses vont-ils continuer de se crisper? Pas sûr, estime Bernard Bridel dans le quotidien 24 heuresLien externe: «Face au discours dominant de la peur et de la frilosité qui empoisonne le débat sur les migrants, une petite musique nouvelle commence à se faire entendre en Europe. L’un de ses principaux interprètes n’est ni un gauchiste attardé ni un tiers-mondiste naïf, mais bien le patron des patrons allemands, Ingo Kramer. Et que dit le Dr Kramer? Simplement que son pays a, et aura, de plus en plus besoin des migrants. Pour son industrie et ses services qui manquent cruellement de main-d’œuvre, pour compenser un déficit démographique de l’ordre de 200’000 bébés par an, et donc, in fine, pour garantir les retraites de demain.»

Vaincre la peur

Et l’éditorialiste de poursuivre: «Face aux flux migratoires que même les barbelés et les murs ne peuvent arrêter, les pays du Vieux-Continent n’ont pas d’autre choix que de se concerter pour organiser l’accueil et l’intégration de ces populations. Des populations qui, rappelons-le, ne quittent pas leurs pays par plaisir, mais fuient la guerre et la misère. En emportant avec elles les compétences et la vitalité qui nous font défaut. L’enjeu est immense et concerne notre avenir. Raison pour laquelle il ne faut pas le laisser aux mains des xénophobes et des timorés.»

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