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«Les relations sino-suisses ont toujours été à l’avant-garde»

Xu Jinghu est à la tête de l'ambassade de Chine en Suisse depuis 2013. swissinfo.ch

La Suisse et la Chine célèbrent le 65ème anniversaire de leurs relations diplomatiques. Une occasion pour parler du rapport entre les deux pays, mais aussi d’autres grandes thématiques comme l'accord de libre-échange, les droits humains ou le changement climatique. Entretien avec l’ambassadrice chinoise en Suisse.

La Confédération suisse a été l’un des premiers pays occidentaux à reconnaître la République populaire de Chine et les deux pays entretiennent des relations diplomatiques depuis 1950. Berne et Pékin «gardent en général une relation saine et stable, qui entre actuellement dans la meilleure période de son histoire», affirme Xu Jinghu, ambassadrice de Chine en Suisse depuis 2013.

Politique

Les relations diplomatiques entre la Suisse et la Chine ont été établies le 14 septembre 1950 et la première ambassade suisse en Chine a été ouverte à Pékin en 1957. En 1999, des manifestations de Tibétains à Berne lors de la visite d’Etat du président Jiang Zemin ont suscité l’irritation des autorités chinoises. Les choses se sont depuis arrangées et les relations sino-suisses sont actuellement au beau fixe. Les deux pays ont souscrit divers accords: protection des investissements (1986), collaboration scientifique et technique (1989), double imposition (1990), protection des brevets (1992) et fonds des capitaux à risque (1997).

swissinfo.ch: Cette année, c’est le 65ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la Chine. Quels sont les piliers de ces relations?

Xu Jinghu: Le développement des relations bilatérales peut être résumé par quatre « c »: créativité, confiance, coopération et communication. Les relations sino-suisses ont toujours été à l’avant-garde. Par exemple, en 1980, l’entreprise Schindler a été la première à créer une joint-venture avec un partenaire local en Chine. En 2007, la Suisse a été le premier pays européen à reconnaître le statut d’économie de marché de la Chine et, en 2014, la Suisse est devenue le premier partenaire de libre-échange de la Chine parmi les 20 puissances économiques du monde. De plus, en mars dernier, la Suisse a été l’un des premiers pays européens fondateurs de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures

La Suisse et la Chine mènent des échanges et une coopération intenses dans divers domaines comme la politique, l’économie, le commerce, l’éducation et la culture et ont établi conjointement quelque 20 mécanismes de dialogue dans divers secteurs. En tant que puissance financière, la Suisse souhaite jouer un rôle actif dans le processus d’internationalisation du RMB. La Chine a accordé un quota RQFII (RMB Qualified Foreign Institutional Investors) de 50 milliards de yuans à la Suisse. A présent, la Banque de Construction de Chine est en train de préparer son installation à Zurich, ce qui permettra de réaliser une percée pour les transactions RMB en Suisse. 

swissinfo.ch: Vous avez mentionné l’accord de libre échange (ALS). A une année de son entrée en vigueur, que peut-on dire de ses effets sur l’économie chinoise?

X. J. : L’ALS a porté des fruits très significatifs et il y a des effets très encourageants. Les produits hautement technologiques, à haute valeur ajoutée, ainsi que le commerce du service, représentent une partie croissante du commerce bilatéral. Comme pour tous les accords entre deux économies de taille différente, c’est la plus petite qui en profite le plus. Le gouvernement suisse a récemment communiqué une augmentation des exportations et des importationsLien externe vers et depuis la Chine. De notre côté, jusqu’à maintenant, il y a des effets positifs, mais moins marqués que pour la partie suisse. 

On peut dire que l’ALS encourage aussi la coopération en matière d’investissements. Selon les statistiques chinoises d’avril, la Suisse est devenue le 6ème investisseur européen en Chine avec 5,77 milliards de dollars. Les entreprises chinoises ont aussi commencé à investir davantage en Suisse dans différents domaines tels que l’énergie, l’horlogerie, les télécommunications ou la production mécanique. Mais cela fait seulement un an que l’accord est entré en vigueur; les entrepreneurs des deux pays ne sont pas encore assez mobilisés et ne connaissent pas encore les différentes clauses de l’accord. Au fur et à mesure que l’accord de libre-échange sera mieux connu et utilisé par les milieux d’affaires des deux pays et avec la mise en oeuvre progressive de la réduction des tarifs douaniers, l’effet accélérateur et durable de l’accord pour le commerce sino-suisse sera amplifié sans cesse.

Economie et commerce

Depuis 2010, la Chine est le principal partenaire commercial de la Suisse en Asie et le troisième dans le monde (après l’Union européenne et les Etats-Unis). Les exportations suisses (surtout machines, produits pharmaceutiques et montres) ont totalisé 8,8 milliards de francs en 2013, les importations (machines, appareils et électronique, textiles) 11,4 milliards. Depuis le 1er juillet 2014, les deux pays sont liés par un accord de libre-échange.

swissinfo.ch: La Suisse et la Chine ont lancé un dialogue sur les droits humainsLien externe en 1991. Le but est de soutenir la réalisation de réformes et l’amélioration de la situation des droits de l’homme. Pouvez-vous donner des exemples concrets de réformes entreprises par la Chine suite à ce dialogue? 

X. J. : Respecter et garantir les droits de l’homme sont inscrits dans la Constitution chinoise et sont devenus un concept important du gouvernement chinois. La Chine participe activement à la coopération internationale sur les droits de l’homme et a établi, sur la base de l’égalité et du respect mutuel, des dialogues avec une vingtaine de pays. Elle est membre de 25 conventions internationales dans le domaine des droits de l’homme.

Depuis le lancement de la réforme et de l’ouverture sur l’extérieur, il y a une trentaine d’années, la Chine a réussi à sortir 600 millions de personnes de la pauvreté. Environ 95% de la population chinoise jouit de l’assurance maladie. Nous avons plus de 650 millions d’internautes. Le cyberespace est devenu une plateforme pour avoir des informations et pour s’exprimer.

swissinfo.ch: Estimez-vous que la Chine a fait assez dans ce domaine?

X. J. : Aucun pays ne peut se vanter d’être parfait: les droits de l’homme doivent être continuellement améliorés. Il n’y a pas un mode de développement des droits de l’homme valable pour tous les pays. Entre la Chine et la Suisse, il y a par exemple des différences en matière d’histoire, de culture, de niveau de développement économique et, par conséquent, il est normal que le point de vue soit parfois divergent sur certaines questions. 

swissinfo.ch: Où y a-t-il par exemple des divergences?

X. J. : Quelques fois, les divergences sont dues à des manques de connaissance. A travers des dialogues et des consultations, on peut renforcer notre connaissance et compréhension mutuelles. Certaines personnes en Suisse voient parfois la Chine un peu de loin et ont des préjugés.

swissinfo.ch: Il y a aussi de fins connaisseurs de la Chine et des observateurs indépendants qui expriment des critiques…

X. J. : Non, ils ne connaissent pas très bien la Chine et ils sont influencés par des préjugés. Il y a des opinions tendancieuses. Je vous invite à aller en Chine et à constater la situation de vos propres yeux, afin de présenter la Chine de manière plus complète et objective.

swissinfo.ch: Vous me conseillez d’aller à Pékin, Shanghai ou plutôt au Tibet ou au Xinjiang?

X. J. : Comme vous voulez. La porte est ouverte.

Migration et tourisme

En 2014, 4056 ressortissants suisses vivaient en Chine. Les Chinois en Suisse étaient 12’582. La même année, les touristes chinois (sans Hong Kong) ont totalisé un million de nuitées en Suisse, en augmentation de 15,6% par rapport à 2013.

swissinfo.ch: Passons au climat: la Chine est devenue le pays qui émet le plus d’émissions de CO2 au monde. Réduire les émissions est-il un frein pour la croissance ou au contraire une chance pour se développer, par exemple dans le secteur des énergies renouvelables?

X. J. : Depuis quelques années, la croissance de l’économie chinoise a ralenti un peu. C’est parce que le gouvernement accorde beaucoup d’importance à la qualité du développement économique, et pas seulement à la quantité. Maintenant que notre économie est en train de se transformer et de monter en gamme, la Chine accorde beaucoup d’importance à la lutte contre le changement climatique.

swissinfo.ch: Quels sont les objectifs de réduction de la Chine?

X. J. : Déjà en 2009, la Chine s’est fixé des objectifs, dont la plupart ont déjà été réalisés voire dépassés. Par exemple: réduire les émissions de CO2 par unité de Produit intérieur brut (PIB) de 40-45% pour 2020. Maintenant, on en est déjà à 33,8%. La part des énergies non fossiles dans l’énergie primaire est passée à 11,2%, alors que l’objectif pour 2020 est de 15%. L’augmentation du stock de forêt a atteint 2,2 milliards de mètres cubes, alors que l’objectif initial était de 1,3 milliard.

Le 30 juin de cette année, la Chine a soumis ses contributions nationales pour 2030. L’objectif est d’atteindre le pic des émissions aux alentours de 2030 et, aussi tôt que possible de réduire de 60-65% les émissions de CO2 par unité de PIB par rapport à 2005, de porter à 20% la part des énergies non fossiles dans l’énergie primaire et d’augmenter le stock de forêt de 4,5 milliards de mètres cubes par rapport à 2005.

swissinfo.ch: Quelles sont les politiques et les instruments qu’elle a mis en place, ou qu’elle prévoit de mettre en place, pour réduire ses émissions?

X. J. : Je cite par exemple le reboisement. Dans l’ouest du pays, des déserts sont devenus des champs ou des terrains couverts de forêt. On encourage les habitants locaux à travailler en faveur d’un environnement meilleur. Depuis 2009, la Chine a mis en œuvre avec la Suisse trois programmes d’adaptation au changement climatique et des projets pilotes dans 14 provinces et villes.

swissinfo.ch: Par exemple?

X. J. : Dans la province du Jiangsu, les deux parties ont créé un parc industriel écologique à Zhenjiang. Ce parc accueille déjà une dizaine d’entreprises suisses. Un autre exemple, c’est l’Eco Forum Global de GuiyangLien externe, où la Suisse est invitée comme pays d’honneur depuis 2013.

swissinfo.ch: En décembre, il y aura une grande conférence internationale sur le changement climatique à Paris. Quelles sont les attentes et les souhaits de la Chine en vue de ce rendez-vous?

X. J. : La Chine voudrait que toutes les parties puissent collaborer pour aboutir à un accord ambitieux et juridiquement contraignant. Nous souhaitons travailler avec les autres pays pour contribuer au succès de la Conférence de Paris, conformément aux principes de l’équité, des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives.

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