Les Suisses refusent de défiscaliser les allocations familiales
Les allocations pour enfants et les allocations de formation professionnelle continueront d’être intégrées au revenu imposable. Les Suisses ont largement refusé dimanche une initiative demandant la défiscalisation de ces allocations.
L’initiative populaire «Aider les familles!Lien externe» demandait une modification de la politique fiscale. Le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) l’a lancée pour réduire la charge fiscale qui pèse sur les familles. Concrètement, les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle devaient être exonérées d’impôt.
Mais les Suisses n’ont pas cru à cette formule. Les trois quarts des citoyens (75,4%) ont refusé le texte. Au niveau des cantons, le verdict est également sans appel, puisque tous les cantons ont dit non.
Un tel résultat constitue une surprise. Certes, le rejet de l’initiative était prévu, mais pas dans de telles proportions. Le dernier sondage de l’institut gfs.bern indiquait que cette initiative bénéficiait de 40% de soutien. Même les cantons latins, où les sondages laissaient entrevoir une possible acceptation, ont largement refusé.
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Résultats des votations du 08.03.2015
Grosse déception
Le Parti démocrate-chrétien se montre naturellement très déçu du résultat et tente de trouver des explications. «Les opposants à l’initiative ont su induire en erreur la population au moyen de calculs absurdes et faire planer la menace de pertes fiscales en milliards», indique le parti dans son communiqué officielLien externe.
A l’origine de cette initiative, la députée Lucrezia Meier-Schatz évoque un «effet franc fort». L’épouvantail des pertes fiscales a également joué un rôle déterminant. «Les ministres des finances des cantons ont beaucoup mis en avant cet aspect», a-t-elle déclaré.
Le contexte économique actuel se prête peu à un élargissement du soutien aux familles, a confirmé le président des directeurs cantonaux des finances, le démocrate-chrétien zougois Peter Hegglin. Les collectivités publiques doivent plutôt s’attacher à diminuer leurs dépenses, et non à en instaurer de nouvelles.
Député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) – un parti qui avait lancé un appel en faveur de l’initiative au niveau national, Raymond Clottu estime également que la crainte des pertes fiscales a coulé l’initiative. «Les retraités avaient peur de devoir passer à la caisse» pour combler le manque de recettes, a-t-il ajouté.
Parmi les autres formations politiques qui soutenaient l’initiative, le Parti évangélique juge que ce refus constitue «une occasion manquée d’alléger directement et indépendamment du monde de vie et de travail, la charge des familles».
Pas de cadeau
Parmi les opposants, le discours est toujours le même: avec son refus, le peuple n’a pas voulu faire un cadeau qui ne se justifiait pas et qui n’atteignait pas sa cible.
Dans son communiquéLien externe, le Parti libéral-radical (PLR / droite) estime qu’«il aurait été inopportun d’engendrer des pertes pour une mesure qui n’aide pas réellement les familles». Membre du PLR, le ministre des Finances du canton de Vaud s’est félicité de cette décision populaire, car exonérer les allocations aurait ouvert la boîte de Pandore. «Si vous commencez à les exclure de l’impôt, vous n’arrêtez plus», a déclaré Pascal Broulis.
Vote électronique
La votation du 8 mars a vu le canton de Glaris proposer pour la première fois le vote électronique à ses électeurs suisses de l’étranger. Zurich a, pour sa part, repris ses essais, suspendus en 2011. C’est également la première fois qu’on a utilisé de nouveaux systèmes, qui permettent la vérifiabilité individuelle.
En tout, 14 cantons ont offert la possibilité de voter par voie électronique à 194’000 électeurs au total. Les cantons de Genève et de Neuchâtel ont donné cette possibilité non seulement à leurs électeurs suisses de l’étranger, mais – cette fois-ci également – à leurs électeurs de l’intérieur. Douze autres cantons (Zurich, Berne, Lucerne, Glaris, Fribourg, Soleure, Bâle Ville, Schaffhouse, Saint-Gall, Grisons, Argovie et Thurgovie) n’ont offert cette possibilité qu’aux Suisses de l’étranger.
(source: Chancellerie fédérale)
Toujours sur la droite de l’échiquier politique, le Parti bourgeois démocratique (PDB) voit les raisons de l’échec de la proposition dans le fait qu’elle était «chère et injuste», selon le député bernois Lorenz Hess. Et de préconiser une politique familiale qui améliore la conciliation de la vie professionnelle et familiale, et non une stratégie de l’arrosoir.
A gauche, le Parti socialiste reste convaincu que le mécanisme proposé par le PDC était «fondamentalement injuste», car il favorisait davantage les revenus élevés. Mais le PS reste convaincu qu’il faut aider les familles, mais par d’autres moyens. La députée socialiste Rebecca Ruiz a ainsi d’ores et déjà annoncé vouloir déposer une initiative pour augmenter les allocations mensuelles. «Je proposerai une hausse de 50 francs par mois, soit 600 francs par an», a-t-elle annoncé.
Pas la fin du débat
Le refus de l’initiative ne marque pas plus la fin de la discussion sur la politique familiale, a assuré pour sa part la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf. La Confédération a déjà fait beaucoup en faveur des ménages avec des enfants au cours des dernières années, mais elle continuera de prendre des mesures ciblées.
Le gouvernement devrait se prononcer au cours des prochaines semaines sur un rapport analysant le modèle des crédits d’impôts destinés à alléger la charge des familles plutôt que les déductions fiscales, a annoncé Eveline Widmer-Schlumpf. Il présentera encore dans les mois à venir un rapport sur la politique de la famille.
Les parents ont aussi besoin de modèles de travail conciliables avec la vie de famille, selon la ministre. Il est également essentiel de continuer à développer les places dans les structures d’accueil. Autre point-clef pour la ministre des Finances: l’égalité salariale. A travail égal, les femmes doivent toucher un salaire égal aux hommes, a-t-elle dit, sans mentionner la journée de la femme.
Trois échecs
C’est la 3e fois en l’espace de deux ans que le peuple se prononçait sur un objet destiné à soutenir les familles. Les deux propositions précédentes avaient déjà été refusées.
Le 3 mars 2013, l’arrêté fédéral sur la politique familiale avait été accepté par une majorité (54,3%) du peuple, mais refusé par une majorité de cantons. L’idée était de demander à la Confédération et aux cantons de prendre des mesures afin de mieux concilier vie de famille et vie professionnelle. Le scepticisme des cantons alémaniques conservateurs avait fait capoter le projet.
Le 24 novembre 2013, une majorité du peuple (58,5%) et des cantons avaient refusé une initiative de l’UDC qui demandait des déductions fiscales pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants.
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