Max Göldi sous «protection» de l’Union européenne
Le deuxième Suisse retenu en Libye, que l’Union a placé sous sa «protection», devrait être libéré beaucoup plus tôt que prévu, assure un diplomate européen de haut rang. La présidence espagnole a réussi à trouver un «arrangement» avec Tripoli. Mais la Suisse devra aussi y mettre du sien.
L’affaire Kadhafi sera évoquée jeudi à Bruxelles, lors d’une réunion des ministres de l’Intérieur des pays membres de l’espace Schengen, à laquelle participera la conseillère fédérale (ministre) suisse de Justice et Police Eveline Widmer-Schlumpf.
A la veille de cette réunion, certains diplomates communautaires se sont montrés beaucoup plus loquaces que Micheline Calmy-Rey. La cheffe de la diplomatie suisse s’est en effet contentée de déclarer que Berne faisait «tout ce qui est en son pouvoir» pour faire rentrer Max Göldi en Suisse, «avec la solidarité de l’Union,», mais que la situation demeurait «difficile et délicate».
«Intenses efforts», «énorme prudence»
Une «énorme prudence» reste de mise dans ce dossier, confirme un diplomate européen de haut rang, en soulignant toutefois que les «intenses efforts de médiation» que plusieurs pays – la présidence espagnole de l’UE et l’Allemagne, en particulier – ont consenti pour trouver une issue diplomatique à la crise helvético-libyenne «commencent à porter leurs fruits».
D’une part, Tripoli a laissé partir Rachid Hamdani; d’autre part, la libération de Max Göldi «ne sera certainement pas une question de mois» – il devrait obtenir une grâce de Mouammar Kadhafi avant la mi-mars, laisse-t-on entendre. Formellement, il a pourtant été condamné à quatre mois de prison.
Arrangement
L’élargissement anticipé du Suisse, qui en attendant a été placé «sous la protection diplomatique» de l’Europe des 27 (ce qui lui garantira d’être bien traité en prison), fait partie d’un «arrangement» que l’Union a finalement trouvé avec la Libye pour régler un différend «qui place tout le monde dans une position inconfortable», depuis qu’il a pris une dimension européenne. A Rome, le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a confirmé cette évolution.
L’arrangement s’inspirerait du «memorandum of understanding» (soit en clair, le compromis) que l’Espagne avait élaboré le 18 février mais que la Libye avait alors refusé de signer.
En plusieurs étapes
Le texte prévoit plusieurs étapes. Dès que Max Göldi aura quitté le territoire libyen, la Suisse supprimera sa liste des quelque 150 Libyens qui ne peuvent plus prétendre obtenir un visa valable pour l’ensemble de l’espace Schengen et renoncera à s’opposer «systématiquement» à l’octroi de visas Schengen à d’autres ressortissants du pays de Kadhafi.
Tripoli, de son côté, annulera sa décision de refuser l’octroi de visas de courte durée aux citoyens domiciliés dans la zone Schengen.
Ensuite, la Suisse et la Libye confieront à une instance d’arbitrage présidée par le gouvernement allemand le soin de démêler l’écheveau de l’arrestation d’Hannibal Kadhafi à Genève, le 15 juillet 2008, et s’engageront à respecter ses conclusions.
Encore des regrets
Enfin, la Suisse exprimera ses «sincères regrets» pour la publication «illégale» des photos d’Hannibal Kadhafi dans le quotidien La Tribune de Genève, le 4 septembre 2009. Elle devra s’engager à trouver, traîner en justice et sanctionner – notamment financièrement, car Tripoli exige une «compensation» – l’auteur de la fuite, suivant un calendrier précis que Berne devra communiquer dans un délai de 30 jours.
«Pour l’instant, insiste un diplomate européen, la seule chose qui nous intéresse, c’est de débloquer la situation. Le moment n’est pas encore venu de parler de l’attitude de la Suisse», que l’Italie et Malte ont accusée d’avoir «abusé politiquement» du système Schengen afin de résoudre son différend bilatéral avec la Libye.
«Questions légitimes»
Certes, a souligné mercredi la commissaire européenne aux affaires intérieures, Cecilia Malmström, la Suisse a «le droit» d’empêcher la libre circulation dans l’espace Schengen des ressortissants libyens qui menacent selon elle l’ordre public en Suisse. «Mais des questions légitimes se posent quand même», ajoute un diplomate: avant d’établir sa liste noire, Berne n’aurait-elle pas dû consulter formellement ses partenaires européens?
Certains d’entre eux réclament déjà une modification des règles du jeu. Mais aucune décision ne sera prise jeudi, certifie-t-on.
Tanguy Verhoosel, Bruxelles, swissinfo.ch
15 juillet 2008: Hannibal Kadhafi et sa femme Aline, enceinte de neuf mois, sont arrêtés à l’hôtel Wilson à Genève. Ils sont soupçonnés d’avoir maltraité leurs deux domestiques. Le couple est remis en liberté contre une caution de 500’000 francs.
19 juillet: deux ressortissants suisses, Max Göldi et Rachid Hamdani, sont arrêtés en Libye. Tripoli leur reproche notamment des infractions aux lois sur l’immigration et le séjour.
20 août 2009: en visite à Tripoli, le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz présente ses excuses au premier ministre libyen Al Baghdadi A. El-Mahmudi pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi. Un accord est passé pour rétablir les relations bilatérales et mettre sur pied un tribunal arbitral destiné à faire la lumière sur l’affaire. Selon H-R. Merz, Tripoli promet de relâcher les deux Suisses avant le 1er septembre.
1er décembre: Max Göldi et Rachid Hamdani sont condamnés à 16 mois de prison ferme pour «violation des règles sur les visas».
31 janvier 2010: Rachid Hamdani est relaxé en appel pour «séjour illégal».
11 février: La cour d’appel libyenne réduit de 16 à quatre mois de prison la peine de prison de Max Göldi sur le volet «séjour illégal».
18 février: Le ministre espagnol des affaires étrangères Miguel Angel Moratinos (dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne) rencontre Micheline Calmy-Rey et le chef de la diplomatie libyenne Moussa Koussa à Madrid. M.Moratinos fait état de «progrès» dans la crise entre la Suisse et la Libye.
22 février: Rachid Hamdani peut quitter la Libye. Le lendemain, il est de retour en Suisse.
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