Comment les victimes se font entendre au Conseil des droits de l’homme
Engagé pour trois semaines dans sa session d’automne, le Conseil des droits de l'homme (CDH) va examiner plusieurs cas sensibles, comme la Syrie, la Corée du Nord, l’Ukraine, le Yémen, la Libye ou encore le Burundi. Malgré un maillage légal de plus en plus serré, les droits humains ont besoin de la société civile pour être réellement mis en œuvre.
Avec près de 170 traités internationaux, les droits de l’homme tendent à devenir universels. Lancé dans la foulée de la création du CDH en 2006, l’Examen périodique universel (EPULien externe), procédure qui permet de passer en revue le bilan des Etats membre de l’ONU, offre à la communauté internationale un mécanisme qui renforce le travail des organes de surveillance des traités.
Avec plus de 50 mandats confiés à des experts indépendants (les «procédures spécialesLien externe»), les régimes répressifs peuvent de plus en plus difficilement cacher leurs exactions. Ce filet au maillage toujours plus fin vaut aussi pour les démocraties qui violent les droits humains au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme.
Que du bonheur? Peter Splinter, représentant d’Amnesty International auprès de l’ONU à GenèveLien externe, relativise: «Dans une certaine mesure, le maillage est de plus en plus serré. Mais le gros problème, c’est la mise en œuvre des traités, des résolutions de l’ONU, des recommandations acceptées par les Etats lors de l’EPU.
Pour que ce filet protège réellement les citoyens, la pression des opinions publiques et de la société civile reste cruciale, selon Peter Splinter: «J’entends souvent les diplomates dire qu’ils en ont besoin pour pouvoir à leur tour agir au sein des mécanismes de l’ONU.»
À ce titre, la Suisse – de nouveau membre du CDHLien externe l’année prochaine – joue les bons élèves, souligne Alexandre Fasel, représentant de la Suisse auprès de l’ONU à Genève: «De manière générale, la Suisse implique autant que possible les ONG dans ses initiatives. Elle travaille étroitement avec elles afin de profiter de leur expertise et de se faire une idée concrète de la situation des droits de l’homme sur le terrain. Cette collaboration est particulièrement importante dans le contexte de l’EPU, mais aussi dans le cadre des négociations sur les résolutions du CDH.»
Des propos confirmés par le juriste Alain Bovard, de la section suisseLien externe d’Amnesty international: «La Suisse est ouverte aux commentaires et recommandations des ONG et il n’est pas rare qu’elle nous consulte avant d’intervenir.»
Une place, mégaphone de la société civile
A chaque session du CDH, un nombre croissant de militants venus du monde entier manifeste sur la placeLien externe des Nations (devant le siège de l’ONU à Genève). Tamouls, Kurdes, Tibétains, Syriens, Palestiniens, Iraniens ainsi que les sympathisants locaux de leurs causes s’y rassemblent pour faire valoir leurs droits.
Mais, au-delà de ces protestations publiques, c’est bien à l’intérieur du Palais des Nations que se joue la mise en œuvre des droits humains au niveau international.
Et les ONG y ont une place non négligeable, selon l’ambassadeur Fasel: «Le rôle de la société civile au sein du Conseil est bien établi en comparaison avec d’autres organes de l’ONU où la participation de la société civile est plus limitée ou inexistante.
L’accueil des réfugiés: une obligation selon l’ONU
En ouverture du Conseil des droits de l’homme, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme est revenu sur la crise des réfugiés: «Les Etats ont le droit de contrôler leurs frontières et de déterminer les conditions d’entrée et de résidence sur leur territoire. Mais ils ont aussi une obligation à respecter le droit international, le droit des réfugiés et le droit humanitaire.
Zeid Ra’ad Al Hussein a salué «le sens de l’humanité et le leadership de plusieurs Etats au Moyen-Orient, la Jordanie, le Liban et la Turquie, ainsi qu’en Europe, l’Allemagne et la Suède» pour avoir accueilli des réfugiés et migrants ayant besoin de protection.
Le Jordanien a lancé un appel: «J’exhorte les pays européens à construire sur ce sentiment d’humanité en mettant en place une architecture de gouvernance migratoire plus complète, digne et efficace. Nous avons besoin de canaux élargis de migration légale et de réinstallation, deux mesures qui pourraient prévenir les morts et couper court au trafic d’êtres humains.»
(Source: AFP)
Elle joue un rôle fondamental, notamment dans le cadre de l’EPU. Certains Etats, dont la Suisse, sont favorables à un rôle renforcé de la société civile. Un grand nombre de résolutions sont adoptées chaque année pour la protéger sur le terrain. Par contre, il n’y a pas beaucoup de propositions concrètes pour renforcer encore plus le rôle de la société civile au sein du CDH. En raison de l’opposition de plusieurs Etats, il s’agit actuellement surtout de préserver les acquis.»
Des mécanismes régulièrement attaqués
Pour les victimes et leurs défenseurs, les procédures spécialesLien externe restent donc l’un des meilleurs moyens pour donner l’alerte. «Pour chaque pays, l’EPU n’a lieu que tous les quatre ans et demi. Les enquêteurs indépendants des procédures spéciales peuvent, eux, faire des appels urgents, des communications aux gouvernements concernés», souligne Adrien-Claude Zoller, fondateur en 1984 du Service international pour les droits de l’Homme (soutien aux défenseurs des droits humains).
Et ce avant d’énumérer les autres options offertes aux défenseurs des droits humains: les comités de révision de traités relatifs aux droits de l’Homme à même de réagir rapidement ou le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, basé également à Genève.
«Depuis le mandat de Navi Pillay, le haut-commissaire tire la sonnette d’alarme face aux situations de crise. Une ligne poursuivie par son successeur, le Jordanien Zeid Ra’ad Zeid al-Hussein, nommé en 2014», confirme Peter Splinter.
Et d’avertir: «Mais il ne faut pas rêver en couleur. Les régimes autoritaires cherchent toujours à limiter l’ensemble de ces instruments. Et dans les pays occidentaux, monsieur et madame tout-le-monde semblent oublier l’importance des droits de l’homme. Comme l’ont montré les politiques et les débats sur le terrorisme, les migrants et les réfugiés.»
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