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Un café avec le gardien de la paix en Europe

Ein Mann mit Brille sitzt an einem Tisch, auf dem ein Fähnchen mit der Aufschrift OSCE steht.
En ce qui concerne le conflit en Ukraine, Thomas Greminger parle d'une « lumière au bout du tunnel ». OSCE/Micky Kroell

Premier Suisse à occuper le poste de secrétaire général de l’OSCE, Thomas Greminger a beaucoup à faire. La coopération et le dialogue ont déjà connu des temps meilleurs: le conflit non résolu en Ukraine alimente la crise de confiance entre la Russie et les États-Unis, des acteurs clés de la sécurité euro-atlantique.

Par une matinée ensoleillée, des bruits de chantier retentissent dans le centre-ville de Berne. Après un jogging de 40 minutes le long de l’Aar, Thomas GremingerLien externe a profité de son petit-déjeuner à l’hôtel pour répondre à ses e-mails. Il s’est ensuite rendu à la Direction du développement et de la coopération (DDC) pour y rencontrer les responsables de la coopération avec l’Europe centrale et orientaleLien externe. « Nous avons la même zone d’action : l’Europe de l’Est, l’Asie centrale et les Balkans occidentaux », m’explique-t-il dans un café près du Palais fédéral.

Thomas Greminger commande un Coca Cola Zéro. Ses journées de travail sont chronométrées, et il sort rarement sans sa tenue de fonctionnaire.

Le haut diplomate suisse occupe le poste de Secrétaire général de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)Lien externe basée à Vienne. La plus grande organisation régionale de sécurité au monde offre avant tout une plateforme de dialogue sur les questions de sécurité au sens large. Compte tenu de la situation mondiale actuelle, il s’agit d’un forum unique: en effet, la Russie, les États-Unis, l’Europe, soit tous les pays «de Vancouver à Vladivostok » s’assoient à la même table une fois par semaineLien externe

Avec 57 États participants en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est la plus grande organisation régionale de sécurité au monde. En tant que forum de dialogue et plateforme d’action, l’OSCE vise à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit, à surmonter les différences entre les États et à instaurer la confiance par une coopération étroite. La Suisse est membre de l’OSCE depuis sa fondation en 1975. Tous les États participants ont des droits égaux et les décisions sont prises par consensus.

Source : OSCELien externeet DFAELien externe

Capitaine à l’instinct politique

Depuis près de 30 ans, ce père de quatre enfants place l’engagement en faveur de la paix, de la sécurité, des droits de l’homme et du développement au cœur de sa carrière. Thomas Greminger se décrit lui-même comme un «homme d’action» ouvert d’esprit et curieux. En tant que gardien suprême de la paix en Europe, il doit être capable d’écouter et de développer de l’empathie envers son interlocuteur. Cependant, Thomas Greminger ne se considère pas comme un médiateur: «Je manque de patience pour cela ».

C’est plutôt un manager «avec une certaine sensibilité politique». Les deux qualités sont nécessaires pour diriger une organisation internationale comme l’OSCE, qui compte environ 4000 employés. Thomas Greminger doit, entre autres, créer les meilleures conditions-cadres possible pour les 16 opérations de terrain de l’OSCELien externe, mais aussi veiller à ce que l’organisation dispose des ressources financières nécessaires.

Il se compare lui-même au capitaine d’équipe de football. «Je ne suis pas celui qui marque les buts, mais je tire les ficelles et crée les conditions pour que les autres le fassent». Son caractère avenant lui permet d’établir facilement des liens avec tous les joueurs, y compris les adversaires.

«Le passeport suisse a joué en ma faveur»

Lorsque les 57 États participants de l’OSCELien externe l’ont nommé Secrétaire général en juillet 2017, l’organisation se trouvait dans une situation délicate. Le conflit ukrainien, qui a éclaté au début de l’année 2014, a fait resurgir de vieux clivages Est-Ouest et a engendré une profonde crise de confiance – nommer un Secrétaire général en provenance d’un pays favorable à l’OTAN ou pro-russe était donc inconcevable.

Le bilan personnel de Thomas Greminger a largement contribué à son élection. En tant qu’ambassadeur, il avait déjà dirigé la représentation suisse auprès de l’OSCE et était perçu comme un expert de l’organisation. De plus, la Suisse avait fait bonne impression avec sa présidence de l’OSCE en 2014, en pleine crise ukrainienne. « Il s’agit là de mon atout majeur », estime Thomas Greminger, lui qui avait dirigé le Conseil permanent de l’OSCE à cette époque.

Quelle est l’importance d’un passeport suisse pour ce poste? « La Suisse est considérée comme impartiale et compétente dans la gestion de conflits. Ma nationalité a donc joué en ma faveur ».

Prévenir l’escalade et reconnaître les signaux

L’OSCE s’est également fait un nom en tant que gestionnaire compétente de conflits, estime cet homme de 58 ans. « Nous sommes efficaces pour éviter que les tensions ne dégénèrent et que les incidents locaux se transforment en incendies de forêt. Cela s’est vérifié, par exemple, avec le conflit en Ukraine, où l’OSCE mène actuellement sa plus grande opération sur le terrainLien externe».

Évidemment, nous pourrions dire que ce n’est pas suffisant. «Je le pense aussi », affirme Thomas Greminger. Mais sans volonté politique, l’OSCE ne pourrait plus rien faire non plus. L’organisation n’a aucun pouvoir de coercition. Elle ne peut pas non proposer de grandes mesures d’incitation: «Nous ne pouvons promettre à qui que ce soit l’adhésion à l’UE».

Ce que l’OSCE s’efforce toutefois de faire, c’est de reconnaître très tôt les signaux positifs des parties en conflit et de les interpréter correctement. La deuxième étape consiste alors à leur proposer des actions qui leur permettent de sauver les apparences. Il est important que tous les acteurs puissent rentrer chez eux la tête haute et se présenter comme des vainqueurs.

Conflit en Ukraine: la lumière au bout du tunnel?

En ce qui concerne le conflit en Ukraine, Thomas Greminger parle d’une « lumière au bout du tunnel ». Pour l’instant, les signaux sont plutôt positifs. Des progrès dans la mise en œuvre des accords de Minsk sont envisageables et les relations bilatérales entre Kiev et Moscou pourraient s’améliorer. Il est effectivement un peu plus confiant qu’en mai lorsqu’il décrivait la situation comme « totalement bloquée » lors d’un discours à Berne.

La crise ukrainienne est un « tueur de confiance » dans les relations entre l’est et l’ouest du continent. Sans progrès, tout le reste resterait très difficile. Thomas Greminger affirme qu’en ce moment, les États n’utilisent que les forums de dialogue officiels de l’OSCE, principalement pour s’attaquer mutuellement, comme s’il s’agissait de plateformes de diplomatie publique.

Dépasser le clivage Est-Ouest avec d’autres sujets

Dans certains domaines, la communauté internationale ne peut, à moyen terme, se passer de la coopération. Par exemple, pour les questions liées au terrorisme ou à la cybersécurité, Thomas Greminger essaie de permettre aux États membres d’« enlever leurs lunettes Est-Ouest, et de prendre un peu de recul pour trouver des solutions communes. Nous pouvons ainsi rétablir la confiance à d’autres niveaux ».

S’agit-il d’optimisme de circonstance ? «Pour l’instant, la situation est très préoccupante et nous devons empêcher une escalade incontrôlée », estime le Secrétaire général de l’OSCE. Doit-on en conclure qu’aucune menace immédiate de guerre ne plane sur l’Europe? Selon Thomas Greminger, aucun État n’a vraiment intérêt à ce que tout devienne incontrôlable.

De plus, aucun pays ne peut résoudre, à lui seul, les défis actuels. Les États-Unis et la Russie ne font pas exception. Selon Thomas Greminger, l’instabilité de ces dernières années prouve de manière éloquente la nécessité d’une plus grande coopération.

Terminer la journée avec un livre, au lit

La mi-journée approche, Thomas Greminger doit se rendre à l’aéroport de Zurich pour un vol en direction de Vienne. Il pourra peut-être savourer sa pause déjeuner préférée dans le train: «Si je n’ai pas de repas professionnel à midi, je préfère manger un sandwich et lire le journal».

Le lendemain, il retrouvera le «sérieux de la vie viennoise », selon ses termes. Les jours ouvrables ordinaires, Thomas Greminger arrive chez lui au plus tard à 20 heures. « Mon grand défi consiste alors à trouver la paix et le calme nécessaires pour m’endormir». Pour y parvenir, il lit une demi-heure, juste avant de se coucher. Il n’éteint jamais son portable, mais il le laisse à l’extérieur de la chambre. « L’OSCE est une grande machine, avec l’avantage, en tant que patron, de pouvoir dormir sans que l’organisation s’arrête ». 

Traduction de l’allemand par Lucie Donzé

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