Pas de plafond pour les écarts de salaire
Le peuple suisse a balayé dimanche les trois thèmes qui lui étaient soumis. Il n'a notamment pas voulu d'une initiative qui réclamait une limitation des écarts de salaires au sein d'une même entreprise.
La hausse du prix de la vignette autoroutière, dont le prix serait passé de 40 à 100 francs par an, a été refusé par tous les cantons et par 60,5% des citoyens.
C’est également à l’unanimité des cantons qu’a été refusée l’initiative populaire 1 : 12 de la Jeunesse socialiste, qui demandait que le dirigeant le mieux payé ne puisse pas gagner plus de douze fois plus que le collaborateur le moins bien rémunéré au sein d’une même entreprise. Cet objet a été refusé par 65,3% de votants.
La correction a été légèrement moins sévère pour l’initiative pour les familles qui demandait que les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants bénéficient des mêmes déductions fiscales que ceux qui les font garder par des tiers ou une crèche. Le texte de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) a été refusé par 58,5% des citoyens, mais accepté par trois petits cantons conservateurs: Uri, Schwytz et Appenzell Rhodes-Intérieures.
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Encore deux fronts ouverts dans la guerre des salaires
Les salaires minimaux, le nouveau front
Les partisans de l’initiative 1 : 12 ne se montrent guère surpris par le résultat du vote. En effet, les derniers sondages laissaient clairement entrevoir cette issue.
Les Verts relèvent cependant que le vote a permis de mettre en évidence qu’une partie importante de la population trouvait injustifiée les salaires versés à une minorité de top managers. Les écologistes veulent maintenant se concentrer sur les salaires minimaux. Ils trouvent «choquant» que des personnes en Suisse puissent ne pas vivre du fruit de leur travail, parce qu’ils ont des salaires inférieurs à 3500 francs par mois.
Même son de cloche du côté des socialistes. «Avec l’initiative 1:12, la JS a suscité un débat absolument nécessaire et est parvenue à inscrire dans l’agenda politique, dans les discussions, dans les débats médiatiques et dans l’espace public durant des mois la thématique de la répartition des richesses», écrit le parti dans un communiqué.
A droite, c’est au contraire la satisfaction qui domine. Elle juge en effet que l’initiative 1 : 12 aurait constitué un danger pour la réussite économique du pays. Les partis bourgeois annoncent d’ores et déjà qu’ils continueront à se mobiliser contre toute intervention intempestive de l’Etat dans la bonne marche de l’économie.
C’est notamment le cas du Parti libéral-radical. «A l’avenir, il importera de combattre de manière conséquente les futures attaques de la gauche contre le modèle de réussite suisse, comme l’initiative des salaires minimums, le revenu de base inconditionnel et l’initiative sur l’imposition des successions», écrit-il dans un communiqué.
S’exprimant au nom du gouvernement, Johann Schneider-Amman a estimé que «le rejet de l’initiative permettra à l’économie suisse de rester compétitive et attrayante». Le ministre de l’Economie a cependant appelé les grands patrons à entendre la colère des Suisses faces à certaines dérives salariales.
Les trois objets soumis au vote dimanche ont fortement mobilisé les Suisses. Quelque 53,6% des citoyens ont participé aux votations fédérales. Il faut remonter à 2010 pour retrouver un taux dépassant les 50%.
Pas de taxe abusives
Les opposants à la hausse du prix de la vignette autoroutière affichent leur satisfaction. «Le peuple a clairement exprimé son avis: il ne veut pas de hausses abusives des taxes et exige un financement des transports équitable», indique le député UDC Walter Wobmann, président du comité référendaire.
Satisfaction également du côté de clubs automobiles, qui combattaient la hausse. «Le Touring Club Suisse se félicite du refus par le peuple de la hausse de la vignette à 100 francs. Ce résultat montre que les citoyens demandent plus de transparence sur l’utilisation des fonds perçus au travers des impôts et des taxes», a déclaré Moreno Volpi, porte-parole du plus grand club automobiliste de Suisse. Pour sa part, l’ASTAG estime que ce refus est «un signe très clair contre l’extorsion dont sont victimes les automobilistes». L’association des transports routiers veut désormais une séparation claire des financements de la route et du rail.
Les mouvements écologistes sont également satisfaits, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. «Au lieu de la vignette à 100 francs, les Verts vont défendre le principe du pollueur-payeur pour financer le trafic. Il faut désormais tarifer la mobilité sur la base des kilomètres parcourus et de la consommation d’énergie. Ce qui, contrairement à la vignette forfaitaire, permettrait de canaliser intelligemment la mobilité en la réduisant au profit du climat», écrivent les Verts.
Très impliquée en faveur de l’augmentation, Doris Leuthard a indiqué prendre acte mais regretter ce refus. La ministre des transports a par ailleurs estimé que différents projets de contournements d’agglomérations étaient désormais «dans une situation difficile».
Un modèle de société «libérale et ouverte»
Pratiquement l’ensemble de la classe politique suisse – à droite comme à gauche – salue le rejet de l’initiative pour les familles. Ainsi, pour le comité libéral (Parti démocrate-chrétien, Verts libéraux, Parti libéral-radical et Parti bourgeois démocratique), «en rejetant ces subventions pour un modèle de famille en particulier, la population fait preuve de clairvoyance. Les coûts supplémentaires engendrés auraient dû être compensés par des réductions de prestations ou des augmentations d’impôts».
Le son de cloche est le même pour Eveline Widmer-Schlumpf. «Une acceptation de l’initiative aurait privilégié les familles traditionnelles en leur accordant une déduction fiscale sans qu’elles affrontent de frais effectifs. Cela aurait aussi encouragé les femmes à renoncer à prendre part à la vie active», a relevé la ministre des Finances devant la presse.
De son côté, l’UDC ne peut que déplorer l’échec de son initiative. «La discrimination des familles gardant elles-mêmes leurs enfants persiste», constate amèrement le parti.
Des quelque 158’000 électeurs autorisés à voter par voie électronique, 24’486 ont fait usage de cette possibilité. Dans les cantons participant aux essais, la proportion des votants ayant utilisé le vote électronique au sein des groupes autorisés à le faire, a atteint jusqu’à 59,19%.
De même que lors des derniers essais, les cantons de Genève et de Neuchâtel ont laissé des Suisses de l’intérieur participer aux essais (73’178 dans le canton de Genève et 21’215 dans le canton de Neuchâtel) en plus de leurs électeurs suisses de l’étranger.
S’agissant des dix autres cantons (Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure, Bâle-Ville, Schaffhouse, Saint-Gall, Grisons, Argovie et Thurgovie), seuls les Suisses de l’étranger ont pu participer aux essais.
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