Coronavirus: les bonnes relations franco-suisses mobilisées pour sauver des vies
Face à l’arrivée massive de malades du Covid-19 dans les hôpitaux de la région française du Grand Est, une élue locale s’est adressée aux cantons suisses voisins pour obtenir de l’aide. Sa demande a été très bien accueillie et a fait tache d’huile: une trentaine de patients français sont désormais soignés en Suisse.
La solidarité transfrontalière se révèle particulièrement précieuse en cette période de pandémie. Plusieurs cantons suisses ont accepté d’accueillir des patients français atteints du Covid-19, afin d’aider les hôpitaux surchargés de la région du Grand Est et de Franche-Comté. Une trentaine de malades en provenance de l’Hexagone ont été transférés jusqu’à présent. L’Allemagne et le Luxembourg ont également pris en charge des patients français.
Tout est parti de l’initiative d’une élue locale: Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-RhinLien externe, décide de mettre à contribution la bonne coopération qui s’est établie avec les régions voisines de Suisse et d’Allemagne. Le samedi 21 mars, elle écrit un courriel aux gouvernements de Bâle-Ville, Bâle-Campagne et du Jura, ainsi qu’au Premier ministre français pour lancer un appel à la solidarité au-delà des frontières nationales.
Tous estiment que l’idée est excellente et les cantons suisses acceptent le jour même de mettre des lits à disposition. Le dimanche matin, les accords sont validés par le gouvernement suisse et les transferts commencent à s’organiser directement entre les responsables des hôpitaux. «Cette coopération a été mise sur pied de manière très spontanée. Nos relations d’amitié et la solidarité transfrontalière ont joué», confie Brigitte Klinkert.
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Aucune contrepartie
Ce premier élan a fait tache d’huile: l’Agence régionale de santé du Grand Est a pris le relais et a contacté d’autres cantons suisses, avec l’aide des consulats généraux de France à Genève et à Zurich. Davantage de lits ont été mis à disposition, également dans des régions comme Saint-Gall ou la Thurgovie qui n’ont pas forcément l’habitude de coopérer avec l’Alsace.
Pas de patients italiens
La Suisse n’a reçu aucune demande de prise en charge de patients de la part de l’Italie. C’est la raison pour laquelle aucun malade italien n’est actuellement soigné dans les hôpitaux helvétiques, ont indiqué à swissinfo.ch les autorités du canton du Tessin ainsi que le Département fédéral des Affaires étrangères.
Giuliano Gallera, responsable de la cellule de crise en Lombardie, a confirmé qu’aucune démarche de ce type n’avait été entreprise et que la Lombardie avait préféré se tourner vers les autres régions de l’Italie.
Plusieurs patients italiens ont pourtant été transférés ces derniers jours vers l’Allemagne. L’Italie est le pays le plus durement touché en Europe par la pandémie de Covid-19, avec plus de 12’000 morts.
Les demandes de transfert de patients en provenance de l’étranger sont désormais centralisées à l’Office fédéral de la santé publique (OFSPLien externe). Mais aucun accord spécifique n’a été conclu entre le gouvernement suisse et le gouvernement français et aucune contrepartie n’a été négociée, assurent l’Ambassade de France en SuisseLien externe ainsi que le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAELien externe).
«La Suisse est en contact permanent avec ses pays voisins afin de coordonner les mesures de lutte contre le coronavirus et de résoudre rapidement les problèmes spécifiques, explique le DFAE. Grâce à son approche concertée, la Suisse a pu garantir, entre autres, que les frontières restent ouvertes pour les frontaliers, ce qui est particulièrement important pour les hôpitaux de certaines régions de notre pays.»
Le Réseau hospitalier neuchâteloisLien externe indique que 60% des soignants actifs aux soins intensifs sont des frontaliers. À l’Hôpital du JuraLien externe, 30% du personnel médical et soignant réside en France voisine. Au total, ce sont plus de 30’000 frontaliers français qui travaillent dans le domaine de la santé en Suisse. «La situation des frontaliers était entièrement réglée depuis le 19 mars. L’accueil de patients d’Alsace pour répondre à l’urgence sanitaire dans cette région n’a été engagé que sept jours après», souligne Frédéric Journès, ambassadeur de France en Suisse.
La solidarité va dans les deux sens
Une bonne collaboration est donc bénéfique des deux côtés: la Suisse profite d’une main-d’œuvre qualifiée et la France d’une infrastructure en cas d’urgence. Un accord-cadreLien externe sur la coopération sanitaire transfrontalière a d’ailleurs été conclu entre les deux pays. Il est entré en vigueur le 1er octobre dernier. Ce document souligne notamment que les coûts des soins sont assumés par le pays de provenance du patient.
Et si les lits venaient à manquer en Suisse également? Durant la pandémie, les cantons doivent informer régulièrementLien externe la Confédération du taux d’occupation de leurs hôpitaux. L’OFSP affirme se baser sur ces chiffres pour évaluer les capacités d’accueil de patients depuis l’étranger. Il se concerte ensuite avec les autorités cantonales pour déterminer si un transfert est possible.
Cette vision globale à l’échelle de la Suisse n’est toutefois pas encore optimale, relève l’Hôpital du Jura: «Pour l’instant, une plateforme nationale pour évaluer les capacités en soins intensifs fait défaut et tout repose sur les relations entre hôpitaux.»
Si la pandémie continue de s’intensifier en Suisse et que les structures ne parviennent plus à suivre, la Confédération pourrait à son tour demander l’aide de ses voisins. «Nous sommes convaincus que, face à la pandémie, la solidarité européenne est indispensable pour faire reculer le Covid-19», conclut Frédéric Journès.
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