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Plus de 20 kilomètres de mémoire des conflits

Transport de blessés pendant la Première guerre mondiale. ICRC

Dès sa fondation, le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a soigneusement conservé les archives de sa mission dans le monde. Un patrimoine exceptionnel, en partie encore inexploré, composé de documents écrits, photographies, films et témoignages sonores.

En un siècle et demi, le CICR a rassemblé des millions de documents. Il a constitué au cours des décennies une documentation unique sur son histoire, sur la naissance et le développement du droit humanitaire international, ainsi que sur son action humanitaire en général. «La mémoire est une manière de faire revivre le passé, de l’analyser de manière critique et exhaustive et aussi de réfléchir sur le présent», relève Fabrice Bensi.

Cet archiviste et historien travaille depuis vingt-trois ans à la Division des archives. Il est en quelque sorte la mémoire vivante de l’institution. «Un humble apprenti qui a encore très envie d’apprendre», corrige-t-il. Ce qui le motive, jour après jour, c’est sa grande passion pour l’histoire contemporaine.

«Je ne suis pas un rat d’archives, ajoute le Tessinois avec un petit sourire. Je suis un expert qui continue de nourrir son savoir et qui s’efforce de le transmettre aux visiteurs et spécialistes, en les orientant dans la jungle des documents. Quand ces gens trouvent un témoignage écrit intéressant, je suis très satisfait.»

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Plus de 150 ans au service des victimes de la guerre

Ce contenu a été publié sur A côté de son action sur les champs de batailles, le CICR a poussé les Etats à adopter des traités protégeant les victimes de la guerre, soldats et populations civiles : les conventions de Genève, dont la Suisse est l’Etat dépositaire. Sur le terrain, le CICR a quelques fois montré son impuissance et ses limites,…

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Pas seulement des écrits

Depuis 1863, le CICR a méticuleusement conservé ses documents. Au début, il s’agissait de garder des témoignages de l’œuvre philanthropique de cette institution humanitaire. Aujourd’hui, l’ouverture au public des archives offre une source inépuisable pour la recherche historique et en sciences sociales. «La période la plus étudiée se situe entre 1930 et 1960. La Seconde Guerre mondiale suscite encore un intérêt constant. Mais aussi les conflits armés d’avant ou d’après, comme la Guerre d’Ethiopie, la Guerre civile espagnole, la Décolonisation et la Guerre froide», précise Fabrizio Bensi.

Les archives ne recèlent pas seulement des millions de documents sur papier, mais aussi plus de 100’000 photographies, près de 3500 films et 6000 heures d’enregistrements sonores. Il a créé une plateforme sur Internet pour mettre en valeur et rendre accessibles ces sources aux internautes.

Une section des archives est occupée par l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), avec des millions de fiches de renseignements sur les victimes: prisonniers de guerre, civils internés, disparus, réfugié, etc. «Créés à partir de 1870, ces énormes fichiers permettent au CICR d’accomplir sa mission humanitaire et favorisent la réunion des familles. Par exemple, ils comptent 9 millions de fiches rien que sur l’Allemagne de la Seconde Guerre.» L’archiviste rappelle que l’UNESCO a intégré en 2007 les annotations recueillies entre 1914 et 1923 dans le registre de la Mémoire du monde.

L’histoire commence en 1859, quand l’homme d’affaires genevois Henry Dunant est témoin de la bataille de Solferino. Profondément bouleversé, il écrit Un souvenir de Solferino, publié en 1862.

1863: un groupe de citoyens genevois fonde le Comité international de secours aux militaires blessés, rebaptisé en 1876 Comité international de la Croix Rouge (CICR).

Son emblème a été créé en même temps: la croix rouge sur fond blanc ou l’inversion du drapeau suisse. Le Croissant rouge et le Cristal rouge se sont ajoutés ensuite.

1864: douze États signent le traité pour le respect et la protection des soldats blessés et du personnel chargé de les secourir. C’est la naissance de la première Convention de Genève.

1901: Henry Dunant reçoit le Prix Nobel de la paix. Il s’éteindra à Heiden (Appenzell Rhodes Extérieures), en 1910.

1949: adoption des quatre Conventions de Genève visant à protéger les victimes de la guerre, complétées en 1977 par des Protocoles additionnels pour défendre les combattants des mouvements de libération.

(Source: CICR)

Plus rien à cacher

Pendant des décennies, les archives du CICR étaient entourées d’une aura de mystère qui a alimenté bien des polémiques sur le rôle de l’institution dans certaines circonstances particulières, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet, jusqu’en 1996, les archives n’étaient accessibles que dans des cas exceptionnels. «Un des moments les plus importants de mon travail a été l’ouverture au public d’une partie des archives générales. En prenant cette décision, l’organisation a accepté de se soumettre à l’examen critique et indépendant des historiens et, plus généralement, des spécialistes en sciences sociales. Pour moi, cela a amorcé une collaboration active et intéressante avec le monde académique extérieur», raconte Fabrizio Bensi.

Le Comité international de la Croix Rouge a voulu s’ouvrir au monde pour répondre à l’intérêt croissant des historiens et surtout des personnes en quête de données biographiques ou de témoignages sur les victimes de conflits. Mais avant cela, l’institution a dicté quelques règles précises: 40 ans pour les documents de caractère général et 60 pour ceux qui concernent les victimes. «Ces échéances ont été fixées pour que l’activité des chercheurs ne gêne pas l’accomplissement de la mission du CICR sur le terrain des conflits», explique l’archiviste.

Pour le moment, les chercheurs peuvent consulter les documents de la période 1863-1965. En janvier 2015, l’accès à 1966-1975 sera ouvert. «C’est une époque riche en événements, comme la Guerre des Six jours ou celle du Kippour au Moyen-Orient, celle du Biafra, la dictature des colonels en Grèce, la Guerre américaine au Vietnam, le coup d’État de Pinochet au Chili ou la fin de l’empire colonial portugais. La prochaine étape relancera les études et le débat sur cette décennie du XXe siècle», indique Fabrizio Bensi.

Si vous alignez côte-à-côte tous les cartons contenant les divers documents de ces cent cinquante ans de mémoire du CICR, ils atteindraient une longueur supérieure à 20 kilomètres, une ligne ininterrompue tracée à travers les conflits, les guerres et les tragédies de l’humanité.

Les documents sonores conservés dans les archives du CICR remontent surtout à la période 1950-2000. Produits au siège de Genève, les enregistrements étaient destinés à la radiodiffusion via Radio-Inter-Croix-Rouge, par la suite Red Cross Broadcasting Service (RCBS).

Pour élargir la diffusion des messages et des informations du CICR, l’institution a notamment collaboré avec Radio suisse internationale, devenue aujourd’hui swissinfo.ch.

Au début des années 2000, le CICR a décidé d’archiver ce patrimoine sonore sous forme numérique pour garantir sa conservation dans le futur. Soutenu par la Phonothèque suisse, grâce au financement de Memoriav (Association pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel suisse), ce projet se terminera à la fin de 2013.

À l’occasion de ses 150 ans, le CICR a créé une plateforme en ligne sur laquelle il est possible d’écouter ou de télécharger une sélection de témoignages sonores, de documents écrits, de films ou de photographies.

(Source: CICR)

(Adaptation de l’italien: Isabelle Eichenberger)

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