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La presse suisse entre surprise et inquiétude

Donald Trump a accepté son élection lors d'une allocution tenue à New York. Keystone

Donald Trump sera le 45e président des Etats-Unis. Le candidat républicain a remporté une majorité de grands électeurs face à sa rivale démocrate Hillary Clinton. La presse suisse se montre surprise de ce résultat qui contredit tous les sondages. Mais inquiète aussi face au populisme de l’élu républicain. 

Donald Trump est assuré de devenir président. Il a obtenu au moins 288 des 538 grands électeurs du Collège électoral, alors qu’il ne lui en fallait que 270 pour succéder à Barack Obama.  

S’exprimant pour la première fois en tant que futur président, il a promis d’être «le président de tous les Américains». Le moment est venu pour les Etats-Unis de panser les plaies de leurs divisions, a-t-il déclaré devant ses partisans. 

Donald Trump a assuré que les laissés-pour-compte ne seraient plus oubliés. Annonçant de grands travaux et promettant de se mettre au travail pour le bien du peuple américain, il a aussi confirmé que la candidate démocrate, Hillary Clinton, lui avait téléphoné pour reconnaître sa défaite. 

Surprise et amertume 

Le résultat de cette élection constitue une véritable surprise. Les sondages avaient en effet pratiquement toujours prédit la victoire d’Hillary Clinton. Pour la presse suisse, largement favorable à la candidate démocrate, le réveil a donc été douloureux mercredi matin. 

Et c’est peut-être en raison même de cette surprise que cette presse suisse se montre dans l’ensemble particulièrement amère. 

La «Neue Zürcher Zeitung», qui titre son commentaire «Le faux président», donne le ton: «Avec Donald Trump, on a élu président un homme qui n’a aucune expérience politique et qui s’est jusqu’à présent fait connaître dans le pays comme un magnat de l’immobilier et une star de la TV réalité. Ces derniers mois, Trump a surtout fait les gros titres pour avoir insulté les femmes, les handicapés, les musulmans, les hispaniques et les anciens combattants, et il n’a pas hésité à propager des mensonges et à remettre en question l’intégrité de la justice.» 

«Avec Trump est justement devenu président l’homme dont les pères de la constitution américaine ont toujours eu peur: le populiste sans retenue, qui n’a pas le sens des équilibres ni de vertus civiques. Reste à voir maintenant si le système d’équilibrage, qui limite le pouvoir du président, va vraiment tenir», dénonce pour sa part le grand quotidien populaire alémanique «Blick». 

Le journal économique «Handelszeitung» fait pour sa part le deuil du résultat qu’il aurait espéré. «Ça aurait pu devenir un triomphe. Le triomphe d’une politique progressiste éclairée face à la démagogie, à la misogynie, à la xénophobie, à une politique qui ne correspond pas aux faits. Une reconnaissance tardive pour la vie politique d’une femme engagée et brillante. Le couronnement d’un mouvement d’émancipation de plusieurs décennies. Aurait pu.» 

En Suisse romande, le ton n’est généralement pas beaucoup plus aimable pour le futur président. Dans son commentaire, le quotidien Le Temps qualifie même Donald Trump de «fléau pour l’économie mondiale». 

Contre les élites 

Mais pour les commentateurs, cette élection américaine montre aussi une fois de plus la fracture grandissante qui existe entre le peuple et les élites. Si Donald Trump a gagné, c’est qu’il a su trouver les mots justes pour parler aux petites gens. 

«Les inégalités, créées par un système qui engendre de la croissance sans être capable de la répartir équitablement, ont laissé trop de monde sur le bord de la route. Les exclus, les petits blancs et les minorités, qui ont envie de s’intégrer plus profondément quitte à accepter le côté sombre de l’âme américaine, ont donné leur voix au démagogue, au menteur, au tricheur qu’est Donald Trump», écrit «Le Temps». 

Sur les ondes de la radio publique francophone, le rédacteur en chef de l’actualité Patrick Nussbaum a pour sa part déclaré: «Trump a gagné, au nez et à la barbe de tous, des élites, des politologues et des sondeurs. Il a magistralement réussi à conquérir, à vampiriser des dizaines de millions de votes contestataires, des Américains qui ne se reconnaissent plus dans un système dont l’ascenseur social connaît une panne magistrale alors même que la mondialisation continue de créer de considérables richesses.» 

«Fermeture, égoïsme rejet: dans des discours au vocabulaire de 700 mots, le magnat de l’immobilier a su saisir l’ampleur des frustrations et des colères de l’Amérique profonde, loin des préoccupations des élites culturelles», note pour sa part le quotidien vaudois «24 heures». 

Contre Hillary 

Mais les Américains n’ont pas seulement voté pour Donald Trump. Ils ont aussi – et peut-être surtout – voté contre Hillary Clinton et ce qu’elle représente. 

«Avoir perdu contre un candidat aussi absurde représente une défaite totale pour Hillary Clinton. D’autant plus qu’elle avait derrière elle un Parti démocrate uni, les principaux médias, Wall Street, Hollywood et tous ceux qui comptent. Mais c’était justement le problème. Le triomphe de Trump est un vote massif de défiance, une révolte populaire: contre le clan Clinton, contre la coopération internationale, contre la migration, contre Washington, contre les élites, contre la politique en tant que telle», note l’«Aargauer Zeitung». 

Le journal économique «Handelzeigung» relève que cette défaite est d’autant amère pour le Parti démocrate que ce sont justement les couches pour lesquelles il élabore une politique qui lui ont tourné le dos: «les personnes faiblement qualifiées avec de mauvaises chances sur le marché du travail, les démunis sans couverture de santé décente.» 

Wait and see 

Reste à voire maintenant ce que fera effectivement le nouveau président. «Les prochaines semaines et les prochains mois montreront qui est vraiment Donald Trump. D’ici là, la grande question est de savoir dans quelle mesure le candidat et le président diffèrent l’un de l’autre», estime la «Neue Zürcher Zeitung». 

Le rédacteur en chef de l’actualité de la RTS exprime lui un certain optimisme. «Trump a promis à ces Américains une rupture autant conservatrice que salvatrice. Mais ira-t-il au bout de ses promesses? Va-t-il réellement déclencher une marée conservatrice, protectionniste, abaisser drastiquement la régulation étatique, poursuivre la stigmatisation des minorités, des immigrés? On peut en douter. Tout cela n’aura peut-être été que beaucoup de poudre aux yeux, il semble déjà avoir changé un peu». 

Quel que soit le résultat, les relations avec les Etats-Unis devront de toute façon se poursuive. S’exprimant lui aussi sur la RTS en début de matinée, alors que la tendance donnait déjà Donald Trump vainqueur, le ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter a d’ailleurs réagi en assurant que la Suisse pourra travailler avec n’importe quelle administration. 

«Le monde change, les Etats-Unis changent, la Suisse ne change pas tellement. Nous regardons toujours les choses du point de vue de l’intérêt de la Suisse», a-t-il déclaré.

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