Après le TPIY, les jeunes de Bosnie face aux séquelles de la guerre
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie vient de clore ses travaux, après 24 ans d’activité pour juger les responsables des pires atrocités commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. A Sarajevo, des jeunes se mobilisent pour surmonter des plaies pas encore cicatrisées.
Ouvert en 1993 au début de la guerre des Balkans, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIYLien externe), a fermé ses portes le 21 décembre dernier à La Haye.
Premier tribunal à juger des criminels de guerre après celui de Nuremberg, le tribunal a jugé 161 personnes, entendu les récits de plus de 4’650 témoins, et ses juges ont siégé plus de 10’800 jours et lu près de 2,8 millions de pages de comptes-rendus.
«Au-delà de ces chiffres, le tribunal a donné une voix aux victimes», a déclaré le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres durant la cérémonie de clôture dans l’imposant Hall des Chevaliers au centre de La Haye. «Après le TPIY, la justice n’est plus une question de si. C’est une question de quand et comment», a souligné John Hocking, dernier greffier du tribunal.
The International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia (@ICTYnewsLien externe) has proved skeptics wrong, says its President https://t.co/EbVxCZlNBhLien externe pic.twitter.com/8Aqye7LTedLien externe
— UN News (@UN_News_Centre) December 22, 2017Lien externe
Ancienne procureure du TPIY, la Suissesse Carla del Ponte tire également un bilanLien externe positif de l’action du tribunal : «On a rempli complètement le mandat du Conseil de sécurité. Tous les hauts responsables politiques et militaires sont passés en justice», a-t-elle estimé, interviewée par la Radio Télévision Suisse (RTS) le 22 novembre dernier.
Établi par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en 1993 au plus fort des combats inter-ethniques, le TPIY a jugé l’ancien président serbe Slobodan Milosevic, décédé en 2006 dans sa cellule à La Haye avant son jugement. Radovan Karadzic, Ratko Mladic (surnommé le « Boucher des Balkans ») ou encore Zdravko Tolimir: ces hommes qui ont répandu la terreur lors des conflits des Balkans de 1991 à 1995 ont été jugés et condamnés à de lourdes peines, notamment pour le génocide de Srebrenica en 1995.
Au totalLien externe, 90 personnes ont été condamnées, dont certaines à la prison à vie, pour avoir élaboré des stratégies cruelles et inhumaines pour morceler le pays le long de fractures ethniques. 19 ont été acquittées et 13 ont vu leur affaire renvoyée devant des juridictions nationales. 37 sont soit décédées, soit ont vu leurs affaires retirées. Enfin deux autres vont être rejugées par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, qui succède au TPIY.
Le TPIY ferme toutefois ses portes sur une note négative: lors de son dernier jugement le 29 novembre, le criminel de guerre croate de Bosnie Slobodan Praljak, âgé de 72 ans, s’est suicidé en avalant du cyanure devant des juges stupéfaits.
Ils venaient de confirmer sa condamnation à 20 ans de prison pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis contre des musulmans bosniaques pendant la guerre en Bosnie (1992-1995).
Amer constat
Spécialiste de cette justice internationale, Pierre Hazan se montre plus critique que les éloges officielles sur l’impact du TPIY pour les communautés concernées, dans un articleLien externe, intitulé La saveur amère de la justice internationale dans les Balkans: «Ce qui frappe avant tout, c’est l’infinie distance entre la vérité judiciaire et l’écho que celle-ci suscite dans les sociétés les premières concernées. Avec courage, mais aussi avec tristesse, le procureur du TPIY est le premier à reconnaître Lien externeque ceux qui sont glorifiés aujourd’hui, ce sont les criminels de guerre et non leurs victimes (…) Cet échec exige une réflexion profonde sur le défi que représente la capacité d’une Cour internationale à faire passer son message dans des sociétés divisées. »
Des jeunes se mobilisent
A leur manière, des jeunes issus des différentes communautés qui se faisaient la guerre tentent de faire passer un tel message, avec le War Childhood MuseumLien externe, ouvert en 2017 à Sarajevo pour présenter l’expérience des enfants qui ont grandi pendant la guerre en Bosnie. Le reportage de la RTSLien externe.
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