«Le président Erdogan veut créer une dictature constitutionnelle en Turquie»
A l'occasion de sa visite en Suisse, Selahattin Demirtas, bête noire du président turc, a accordé une interview à l'émission Forum de la Radio-télévision suisse (RTS). Le chef du parti d'opposition prokurde HDP accuse Recep Tayyip Erdogan de dérive autoritaire.
Le député turc Selahattin Demirtas, coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), s’oppose de manière farouche à la modification constitutionnelle voulue par Recep Tayyip Erdogan, qui souhaite instaurer un régime présidentiel en Turquie.
Pour lui, le chef de l’Etat «n’a pas l’intention d’adopter un modèle présidentiel», comme cela existe aux Etats-Unis. «Ce qu’il veut, c’est instaurer en Turquie une sorte de dictature constitutionnelle, de monarchie, et c’est contre cela que nous nous opposons», accuse-t-il.
«Recep Tayyip Erdogan veut tout contrôler: les pouvoirs judiciaire, législatif, exécutif, les médias, la bureaucratie, les universités, la société civile… Et il veut que cela se fasse sous l’égide de la Constitution», affirme Selahattin Demirtas.
Une opposition turque désunie
Le leader du HDP, qui s’est vu récemment retirer son immunité parlementaire comme 137 autres députés, reconnaît que la majorité de la population turque soutient le président islamo-conservateur. Il explique cette situation surtout par le manque d’union de l’opposition.
«L’opposition n’a jamais réussi à proposer un leader alternatif ou n’a jamais été en situation de diriger le pays. Le principal parti d’opposition, le CHP, n’a fait qu’apporter de l’eau au moulin d’Erdogan», notamment dans ses relations avec la minorité kurde, regrette Selahattin Demirtas.
Immunité levée pour 138 députés
Le 20 mai 2016, plus de deux tiers des députés turcs ont approuvé une réforme constitutionnelle controversée levant l’immunité de 138 députés visés par des procédures judiciaires. Parmi eux se trouvent 50 des 59 élus HDP, dont Selahattin Demirtas.
Recep Tayyip Erdogan appelait à la levée de cette immunité, car il accuse le HDP d’être la « vitrine politique » du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit). Des accusations rejetées par le HDP.
Les élus du HDP sont désormais exposés à des poursuites pour « propagande terroriste ». Le parti a annoncé être prêt à se rendre à se rendre jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour empêcher la levée de l’immunité de ses députés. (ats)
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