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Le fatalisme domine au lendemain des attentats de Bruxelles

L'Etat islamique, qui a revendiqué les attentats de Bruxelles, a visé le coeur de l'Europe. Keystone

Bandeaux noirs, visages ensanglantés, scènes de chaos à la Une: les principaux titres de la presse helvétique sont une nouvelle fois sous le choc après les attentats djihadistes qui ont fait au moins 30 morts et 200 blessés à Bruxelles mardi. Pour la majorité des éditorialistes, cette vague de terreur sera malheureusement très difficile à endiguer.

Beaucoup de questions ouvertes mais surtout un grand sentiment d’impuissance. C’est le ton qui prédomine dans les éditoriaux de la presse helvétique au lendemain de la vague d’attentats qui a frappé la capitale belge et européenne. «L’Etat islamique a toujours les moyens de semer la terreur en Europe, sur le même schéma qu’à Paris. La main-d’oeuvre de la multinationale du terrorisme a cette fois frappé au cœur de la maison européenne», constate ainsi La Liberté de Fribourg.  

«Lorsque l’Etat islamiste a décidé de frapper, personne n’est aujourd’hui en mesure d’arrêter ses soldats fanatiques»
Le Temps

«Et si les terroristes étaient en train de gagner la guerre?» se demande même Le Temps, qui constate depuis un an et l’attaque contre Charlie Hebdo l’échec des forces de sécurité, malgré un état d’alerte et une coopération accrue. «Lorsque l’Etat islamiste a décidé de frapper, personne n’est aujourd’hui en mesure d’arrêter ses soldats fanatiques», écrit, pessimiste, le quotidien édité à Genève.

En écho, 24heures de Lausanne estime que «le cancer de la déviance islamiste est là pour durer, et ses éclatements de haine, ses bombes, ses fusillades, ses tueries se reproduiront ailleurs».

«Bruxelles et Molenbeek sont partout»

Même sentiment d’impuissance dans Le Courrier, un quotidien de gauche édité à Genève. «Si ces actions requièrent un minimum de savoir-faire, d’accès à certaines armes, sans oublier une bonne dose de pulsions suicidaires, elles n’impliquent pas un grand degré de compétence ou d’intelligence. Le jour où un commando bien entraîné et doté d’armements modernes s’attaquera, au hasard, au Stade de France en plein match, le résultat sera autrement plus dévastateur.»

«La terreur s’insinue à chaque attaque un peu plus dans la vie quotidienne, elle devient une triste normalité»
Tages-Anzeiger

Le Tages-Anzeiger de Zurich se montre lui aussi fataliste: «Bruxelles et Molenbeek sont partout. Pratiquement chaque pays a sa scène islamiste, ses rapatriés syriens et un énorme besoin de rattrapage dans ce domaine. Avant Bruxelles, il y a eu deux fois Paris, Londres, Madrid, et plusieurs fois Ankara et Istanbul. Les islamistes s’attaquent à des cibles dites molles. Il ne sera cependant jamais possible de protéger chaque station de métro, chaque lieu public ou chaque cinéma. Les Européens devront s’habituer à une plus grande présence policière et à davantage de fouilles. La terreur s’insinue à chaque attaque un peu plus dans la vie quotidienne, elle devient une triste normalité».

Certes, les experts prophétisent que l’Europe devra encore vivre des années avec le terrorisme, remarque pour sa part le quotidien de boulevard alémanique Blick, «mais nous ne nous habituerons jamais à ces images de morts, de blessés et de destructions. Et nous ne devons jamais nous y habituer».

En finir avec l’angélisme

Si le constat est partagé par tous, les quotidiens helvétiques sont divisés sur les recettes à apporter pour mettre fin à cette spirale infernale. Le Temps estime qu’il est temps d’en finir avec un certain angélisme: «Il n’est pas raciste, ni anti-musulman, de dire qu’il y a des problèmes dans certaines parties de la population. Que la misère à Molenbeek et dans certaines banlieues françaises entraîne des phénomènes de radicalisation chez des jeunes désœuvrés. Que certains d’entre eux, même plus intégrés au départ, choisissent de basculer dans le terrorisme par romantisme et besoin d’absolu.»

Et le quotidien francophone d’en appeler à un sursaut citoyen: «Une bonne partie de la population – y compris en Suisse – devrait se réveiller et arrêter de croire que la meilleure manière de lutter contre le terrorisme consiste à être tolérant quand des comportements témoignant d’une radicalisation apparaissent»

«L’Europe est truffée de cellules dormantes prêtes à être activées et loin d’être neutralisées»
La Liberté

Le ver est dans le fruit depuis longtemps, souligne pour sa part La Liberté. «Ce sont les nationaux bien implantés, issus de ghettos comme celui de Molenbeek, qui passent le plus souvent à l’action. L’Europe est truffée de cellules dormantes prêtes à être activées et loin d’être neutralisées. En janvier dernier, Europol, organe de coopération policière, estimait à 5000 le nombre de terroristes circulant librement sur le continent».

Tirer un bilan dépassionné

Le problème ne sera résolu à long terme qu’en privant les islamistes de leurs terreaux fertiles en Europe et dans le monde, avance pour sa part la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). «En Occident, il faut empêcher la constitution de sociétés parallèles et la formation de nouveaux ghettos. Cela ne pourra se faire qu’en surpassant le principe de laisser-faire qui prédomine dans la politique d’intégration. (…) C’est une tâche qui prendra du temps. Mais il semble que ce soit la meilleure façon d’éviter que l’islam politique ne continue de prospérer et ne mette en danger notre ordre libéral. L’échec du Printemps arabe a malheureusement montré que la fin de l’islamisme en Orient semble encore très lointain».

«Il faut tirer un bilan dépassionné d’un interventionnisme occidental qui impose la paix à coups de bombes dans trop de pays»
Le Courrier

Pour le Courrier, il faut se donner les moyens de penser en profondeur et de déconstruire les raisons conduisant à ce type de radicalisation meurtrière. Cela nécessite de «tirer un bilan dépassionné d’un interventionnisme occidental qui impose la paix à coups de bombes dans trop de pays. Avec à l’arrivée des ruines et une désespérance qui alimentent les extrémismes. Sans oublier les compromissions, comme la récente décoration par François Hollande – en toute discrétion – de Mohammed ben Nayef, prince héritier d’Arabie saoudite, pays qui incarne pourtant le fondamentalisme islamique et la négation des droits humains, et qui s’inscrit dans cette perte de repères politiques.»

Le quotidien genevois estime également que la question de l’islam devrait pouvoir être abordée de manière «plus sérieuse et surtout plus apaisée que les anathèmes vengeurs et essentialistes assénés à longueur de journée dans un discours fleurant bon l’extrême droite. A cela, ce sont bien les valeurs de la démocratie – libertés publiques, tolérance, laïcité – qui doivent être opposées.»

Plus grande solidarité en Europe

Aux yeux de la Neue Lüzerner Zeitung, les attentats perpétrés en Europe témoignent de l’échec de la coordination entre les services de renseignement européens. «Les Etats sont appelés à collaborer plus étroitement dans la lutte anti-terroriste. Ils ne doivent pas se contenter d’adopter des législations plus strictes et instaurer davantage de vidéo-surveillance dans l’espace public, mais surtout mieux utiliser les lois qui existent déjà».

«Le terrorisme renforce les forces centrifuges en Europe et donne des cartes en mains à tous les nationalistes et populistes»
Bund

24 heures en appelle également à une plus grande solidarité entre les Etats européens: «Même dans ce combat vital contre le cancer du terrorisme, où le contrôle des frontières est sans doute utile, la réponse ne peut être que collective», estime le quotidien vaudois. «Les attentats de Paris ont montré que les gouvernements possédaient l’information pour déjouer les attentats mais que cette dernière n’était pas, ou que partiellement partagée. L’Europe n’a d’autre chance de faire face qu’en rassemblant ses forces et ses moyens», poursuit la Tribune de Genève.

Le Bund de Berne, enfin, souligne que ces attentats arrivent à un moment critique pour l’Union européenne: «L’attaque devrait donner une impulsion aux partisans du Brexit. Le terrorisme renforce les forces centrifuges en Europe et donne des cartes en mains à tous les nationalistes et populistes. (…) Une radicalisation des deux côtés est dans l’intérêt des islamistes, qui peuvent ainsi espérer recruter de nouveaux soldats à Bruxelles, Paris ou Londres». 

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