Un nouvel acte dans la tragédie européenne
La répétition des élections législatives en Grèce débouchera-t-elle sur la nomination d’un gouvernement capable de sortir le pays de la crise? La presse suisse en doute, et souligne le rôle de l’Europe pour aider son maillon faible.
«La Grèce reste dans l’Euro». Le parallèle était tentant et pratiquement tous les journaux suisses le tirent ce lundi, entre la victoire de l’équipe nationale samedi face à la Russie, qui lui assure sa place en quarts de finale de l’Eurofoot et la victoire dans les urnes dimanche du parti de droite Nouvelle Démocratie, qui prône la rigueur et le maintien du pays dans la zone euro.
Pour autant la Grèce n’est pas sortie de l’auberge, comme en jugent les commentateurs helvétiques, qui titrent tour à tour sur «une tragédie européenne», «une élection dans la peur et sous la pression», «un pays profondément déchiré» ou «des élections qui n’apportent aucune stabilité».
«Chaos est aussi un mot grec»
Pour le Bündner Tagblatt, il était clair dès le départ que «ces nouvelles élections «n’allaient pas apporter de solution immédiate aux problèmes de la Grèce». La Grèce que le quotidien grison voit «déchirée en deux camps. Les uns qui veulent malgré tout essayer de combattre le fardeau du passé, et, avec l’aide de l’UE, de rester dans le système européen. Et les autres, qui refusent de payer pour les fautes de la caste politique et qui veulent chercher le salut dans une nouvelle politique de gauche ou de droite, contre les banques, les marchés financiers, l’UE et les Allemands».
Dans cette situation, Nouvelle Démocratie devra essayer de former un gouvernement avec les socialistes et d’autres forces du centre. Mais attention, avertit le Bündner Tagblatt «chaos est aussi un mot grec».
Et si toutes ces difficultés ne devaient pas suffire, la Südostschweiz rappelle que le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, «devra composer avec une opposition extrêmement forte». Un gouvernement que le quotidien ne voit de toute façon pas tenir très longtemps.
Le retour de la drachme
Analyse partagée par la Basler Zeitung, pour qui la gauche radicale, arrivée dimanche en deuxième position, n’a pas dit son dernier mot. «Car la montée spectaculaire du club révolutionnaire d’Alexis Tsipras est la conséquence d’une vérité inavouée, mais que les Grecs comprennent fort bien: personne ne peut plus garantir au pays son maintien dans la zone euro».
Et si, dans quelques mois, l’UE perdait patience et que la bombe vienne à éclater entre les mains d’un Antonis Samaras (chef de file de Nouvelle Démocratie) devenu Premier ministre, alors l’heure de la gauche radicale aurait sonné.
«Tsipras est toujours là, renchérissent le Bund et le Tages-Anzeiger. Il porte l’espoir et la promesse que les Grecs peuvent continuer à rêver. Ou se faire à l’idée du retour de la drachme».
«Les jeux politiques ne sont donc pas faits, écrivent les deux quotidiens. Le résultat des élections montre un pays profondément divisé, mais la concentration des voix sur deux grands blocs montre aussi que les Grecs veulent maintenant enfin un gouvernement qui fonctionne».
Réformes urgentes
La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) se demande si «les forces anciennes peuvent sauver la nation». Et remarque qu’après ces deuxièmes législatives, «la question qui se pose est exactement la même qu’il y a six semaines: les partis grecs sont-ils en mesure de former un gouvernement qui fonctionne?»
«Car même un gouvernement dominé par les conservateurs n’offre pas de garantie que le pays puisse rester dans la zone euro, poursuit le quotidien zurichois. Pour cela, Nouvelle Démocratie devrait mettre en œuvre des réformes qu’elle a toujours différées».
C’est qu’en Grèce, «des générations entières ont grandi dans la conviction que l’Etat finirait par arranger les choses. Durant des décennies, les politiciens de gauche comme de droite ont proclamé que la vraie richesse du pays, c’était les entreprises d’Etat. Et Nouvelle Démocratie n’a pratiquement rien fait non plus pour épurer un appareil d’Etat pléthorique et inefficace», rappelle la NZZ.
Dans le même registre, le St Galler Tagblatt écrit qu’en plus d’un gouvernement, qu’il faudra former le plus rapidement possible, «le pays a besoin de réformes urgentes: moderniser le système des impôts, stopper enfin l’évasion fiscale, combattre énergiquement la corruption et le clientélisme et réduire la taille de l’appareil d’Etat».
Mais les Grecs ne s’en sortiront pas seuls, ajoute le quotidien. L’UE, le FMI et la Banque centrale européenne ont aussi leur rôle à jouer. Ils devront prêter la main, au moins pour la réunification de la dette et pour offrir une sorte de pacte pour la croissance et pour l’emploi.
Le secours qui viendrait de France
«Pour les leaders européens, note de son côté Le Temps, l’équation électorale grecque a dans l’immédiat l’avantage de ne pas conduire à une confrontation directe avec Athènes, voire pire encore à l’activation de plans pour sa sortie de la monnaie unique, au moment où la crise bancaire espagnole et l’envolée des taux obligataires italiens fragilisent de nouveau la zone euro».
«Est-il besoin de le rappeler, la tragédie grecque est aussi européenne, dans la mesure où c’est toute la zone euro qui est menacée par la défaillance toujours possible d’Athènes», notent 24 heures et La Tribune de Genève.
«Pour la Grèce, le secours viendra peut-être de France, estiment les deux quotidiens lémaniques. Disposant depuis hier soir d’une solide majorité, le président Hollande va en effet pouvoir mettre en œuvre sa politique et peser de tout son poids à Bruxelles. La ligne proposée par le nouveau locataire de l’Elysée vise à relancer l’économie européenne par de grands travaux et à mutualiser la dette. Si Paris – qui a l’appui de Rome en la matière – parvient à convaincre ses partenaires de la zone euro, la Grèce ne pourra que bénéficier de ce changement de paradigme».
Selon des résultats encore partiels, les conservateurs de Nouvelle Démocratie (ND), qui soutiennent l’ancrage de la Grèce à la zone euro, ont remporté les législatives de dimanche en Grèce, aux dépens de la gauche radicale de Syriza. Ce parti veut rester dans l’opposition alors que ND entend former un gouvernement de coalition dès que possible.
D’après la dernière projection officielle du ministère grec de l’Intérieur, ND obtiendrait au total 130 sièges devant la Coalition de la gauche radicale (70 sièges) et le Pasok (socialiste) 34 sièges.
Six semaines après les premières élections législatives, qui n’avaient donné aucune majorité stable en Grèce, ND et le Pasok, qui soutient aussi l’austérité en échange d’une aide financière de l’Union européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne, auraient donc une majorité absolue de 164 sièges.
Le parti néo-nazi Aube Dorée se tasse légèrement avec 16 sièges au lieu de 21 lors du premier scrutin, où il avait fait son entrée au parlement pour la première fois de l’histoire moderne du pays.
Surprise, le parti communiste grec KKE, dernier parti stalinien d’Europe qui bénéficiait jusqu’ici d’une base très stable, a perdu la moitié de ses électeurs et décroche 12 sièges, contre 26 le 6 mai.
(source: ats)
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