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Une élection qui aura surpris tout le monde

Elisabeth Baume-Schneider et Albert Rösti
Les nouveaux membres du Conseil fédéral Elisabeth Baume-Schneider et Albert Rösti. © Keystone / Marcel Bieri

Surprise: c’est un peu l’idée dominante de la presse suisse après l’accession d’Élisabeth Baume-Schneider au gouvernement. Tous les commentaires insistent sur le fait que la socialiste jurassienne a déjoué tous les pronostics. Mais, si surprise il y a, elle n’est pas forcément bonne, à en croire la lecture des principaux médias du pays.

L’actualité récente est aux surprises. Mardi soir, personne n’aurait imaginé l’ampleur de la déroute de l’équipe nationale de football face au Portugal. Et quelques heures plus tard, rebelote: personne n’avait réellement pensé qu’Élisabeth Baume-Schneider serait élue au Conseil fédéral.

Certes, la candidature de la Jurassienne était devenue de plus en plus crédible au fil des jours. Mais de là à prédire qu’elle supplanterait la candidate bâloise Eva Herzog, donnée comme grande favorite, soyons honnêtes, personne n’y croyait vraiment.

Les commentaires qui suivent cette élection vont donc tous dans le même sens. Élisabeth Baume-Schneider a surpris tout le monde. 20 Minuten résume bien le sentiment général en écrivant: «En tant qu’outsider, Élisabeth Baume-Schneider a réussi un coup est s’est imposée face à la favorite Eva Herzog». Pour Le Temps, la nouvelle conseillère fédérale «crée la sensation».

Plusieurs commentaires soulignent également le caractère «historique» de cette élection. C’est en effet la première fois que le canton du Jura, né le 1er janvier 1979, est représenté au sein du collège gouvernemental.

«L’atout du caractère ouvert»

Le constat étant posé, reste à comprendre comme une telle surprise a pu se produire. Comme pour l’autre élection du jour, celle du démocrate du centre (UDC / droite conservatrice) Albert Rösti, c’est avant tout l’aspect sympathique et accessible des deux candidats qui est mis en avant.

«On loue sa fraîcheur, tout comme on loue la rondeur et la bonne humeur d’Albert Rösti. Dans un Exécutif aux interactions souvent tendues ces derniers temps, nul doute que la personnalité des deux nouveaux candidats entrants peut compter», estime le quotidien vaudois 24 heures.

«Avenante, joviale, elle contraste avec Eva Herzog, décrite comme froide et austère. Pour de nombreux élus, il s’agit manifestement d’un atout non négligeable», écrit de son côté Le Temps, pour qui Elisabeth Baume-Schneider présentait «l’atout du caractère ouvert».

Tout comme pour Albert Rösti, l’origine agricole d’Élisabeth Baume-Schneider – ses parents étaient agriculteurs – a également attiré la sympathie. «En outre, ses origines paysannes l’ont vraisemblablement favorisée. Ayant grandi dans une exploitation où l’on parlait le dialecte bernois, la lauréate a séduit l’influent lobby agricole au parlement», note encore Le Temps.

Manœuvres

Mais selon plusieurs commentaires, cette élection surprise s’expliquerait aussi par des manœuvres de politique politicienne à quelques mois des élections fédérales de 2023. Quelques jours avant l’élection déjà, L’Agefi voyait dans une éventuelle élection d’Élisabeth Baume-Schneider un choix tactique. «Celui de préparer l’éventuel départ l’an prochain d’un Alain Berset qui en irrite plus d’un, au profit d’un Alémanique», analysait le journal économique.

On retrouve cette même analyse du choix tactique dans plusieurs médias, notamment dans la Neue Zürcher Zeitung. «Certains camarades voulaient empêcher le successeur naturel de Berset, Pierre-Yves Maillard, de devenir le prochain conseiller fédéral du PS. Pour certains bourgeois, Herzog était trop forte et trop pro-européenne. D’autres espéraient qu’une candidate accessible serait aussi une conseillère fédérale influençable», écrit le quotidien zurichois.

Le Temps partage cette analyse. «En élisant une Romande, le parlement s’offre une marge de manœuvre. Il pourra par exemple remplacer, lorsqu’il estimera avoir fait son temps, le ministre socialiste francophone Alain Berset par un Alémanique (Daniel Jositsch?) et ainsi barrer la route au camarade syndicaliste et eurosceptique Pierre-Yves Maillard. Ou alors, porter un Alémanique à la succession de l’UDC Guy Parmelin, ce qui signerait le glas des ambitions de la Genevoise Céline Amaudruz. Enfin, le parlement met la pression sur Alain Berset, doyen du Conseil fédéral, et l’invite tacitement à ne pas rester encore trop longtemps au gouvernement.»

Pas un bon jour pour la Suisse

Beaucoup de commentaires soulignent enfin que la double élection de mercredi provoque un déséquilibre au sommet de l’État fédéral, étant donné que la Suisse latine et la Suisse rurale sont surreprésentées.

«Rösti et Baume-Schneider sont tous deux des personnalités qualifiées. Malgré tout, ce mercredi n’a pas été un bon jour pour la Suisse. Le nouveau Conseil fédéral comptera désormais trois Romands et un Tessinois; Albert Rösti et Viola Amherd représentent les cantons bilingues de Berne et du Valais. La radicale Karin Keller-Sutter reste la seule Saint-Galloise. Jamais dans l’histoire la Suisse alémanique, où vit 70 pour cent de la population, n’a été aussi sous-représentée au Conseil fédéral qu’après cette élection», relève le quotidien alémanique Tages-Anzeiger.

Cette vision n’est d’ailleurs pas propre à la Suisse alémanique. Dans son analyse, le responsable de la rubrique politique de la RTS remarque également ce déséquilibre. «Avec cette majorité latine, il n’est pas impossible que ce débat prenne de l’ampleur ces prochaines heures», note Rouven Gueissaz.

Contenu externe

Des voix demandent d’ores et déjà que cette situation soit corrigée lors de prochaines élections au Conseil fédéral. «À cette occasion, le Parlement devra aider la Suisse alémanique urbaine à retrouver une représentation adéquate. En tant qu’autorité électorale pour le Conseil fédéral, le législatif a une grande responsabilité. Mercredi, il ne l’a pas suffisamment assumée», estime le Tages-Anzeiger.

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