«Les étrangers devraient vraiment avoir un conseiller fédéral»
Avant l’élection complémentaire au gouvernement de mercredi, l’écrivain suisse Lukas Bärfuss lance une idée iconoclaste: comme presque un tiers de la population de la Suisse a un passeport étranger, un des sept ministres devrait être étranger.
Lukas Bärfuss est connu pour ne pas mâcher ses mots quand il s’agit de critiquer son pays. Personne n’a oublié Die Schweiz ist des WahnsinnsLien externe («La Suissesest folle»), son essai coup de gueule, paru dans un journal allemand, où il réglait ses comptes avec la Suisse, juste avant les élections législatives de 2015.
Aujourd’hui, l’écrivain refait parler de lui avec une thèse explosive. Mercredi, le parlement doit élire un nouveau conseiller fédéral pour succéder au démissionnaire Didier Burkhalter. Le débat porte entre autres sur le fait que la partie italophone de la Suisse soit à nouveau représentée au gouvernement. Dans une interviewLien externe parue dans plusieurs quotidiens alémaniques, Lukas Bärfuss déclare: «Il est naturellement légitime que les Tessinois veuillent un conseiller fédéral. Mais avant cela, ce sont en fait les étrangers qui devraient avoir un conseiller fédéral».
Lukas Bärfuss
Le fameux écrivain et dramaturge suisse Lukas BärfussLien externe est né à Thoune en 1971. Il est l’auteur de nombreux romans et pièces de théâtre, dans lesquels il empoigne des thèmes actuels et dérangeants comme le rôle de l’aide au développement dans le génocide rwandais, le suicide de son frère, le harcèlement ou la vie sexuelle d’une jeune femme handicapée mentale – une pièce traduite dans une douzaine de langues et adaptée au cinéma, sous le titre «DoraLien externe, ou les névroses sexuelles de nos parents». Bärfuss vit avec sa famille à Zurich.
Un tiers de la population de la Suisse est étrangère et n’aura pour cette raison jamais la chance de même s’approcher d’un siège au Conseil fédéral. Selon Bärfuss, il est important que l’ensemble de la population soit représentée au gouvernement. «Pourquoi une personne qui vit et travaille ici, envoie ses enfants à l’école et paye des impôts n’a-t-elle pas son mot à dire en politique?», demande l’écrivain.
A l’objection des journalistes, qui lui font remarquer que la nationalité est une forme de loyauté, Bärfuss répond: «D’accord, mais on ne m’a jamais questionné sur cette loyauté. J’étais Suisse avant même d’avoir un nom». Le lien avec la société est certes essentiel, mais il ne dépend pas du passeport.
Le demande de Lukas Bärfuss est passablement utopique: la Constitution fédérale précise que seuls les citoyennes et les citoyens suisses peuvent être élus au Conseil fédéral. Dans quelques cantons, les étrangers ont un droit de vote et d’éligibilitéLien externe au niveau communal et partiellement au niveau cantonal. Au niveau fédéral par contre, la double nationalité de deux candidats au gouvernement a déjà fait polémique, la droite nationaliste mettant en question leur loyauté à la Suisse. Autant dire qu’un conseiller fédéral étranger est tout simplement politiquement impensable dans la Suisse d’aujourd’hui.
Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez
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