5e Suisse: débat autour des élections fédérales
Les représentants des principaux partis ont fait leur pub lors du Congrès des Suisses d’Allemagne afin de recueillir les voix des Suisses de l’étranger aux élections fédérales. Accords bilatéraux et engagement pour les expatriés figuraient au cœur des débats.
Ce fut une vraie campagne électorale, commente un auditeur du podium de discussion organisé dans le cadre de la conférence des présidents des sections allemandes de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), qui se déroulait cette année à Munich.
Les accords bilatéraux que la Suisse a conclus avec l’Union européenne ont constitué le point principal des débats. Et également la question de savoir si ces accords ont eu un effet positif ou négatif sur la vie en Suisse.
Les politiciens présents n’ont pas ménagé leurs efforts pour courtiser les représentants des 70’000 Suisses résidant en Allemagne. Avec des positions et des arguments parfois très éloignés les uns des autres.
Les réactions du public ont montré que les Suisses d’Allemagne suivaient de très près l’actualité politique de leur patrie d’origine. Mais comme en Suisse, beaucoup d’opinions sont déjà faites au sein de ce qu’on appelle la Cinquième Suisse. Et pour les Suisses vivant en Allemagne, l’aspect positif des accords bilatéraux semble l’emporter.
La question des étrangers
Filippo Lombardi s’est exprimé en premier sur la question de l’animateur du débat Peter Kaul, vice-président des Suisses d’Allemagne, portant sur le rapport de la Suisse avec sa population étrangère. L’Etat de droit vaut pour tous, raison pour laquelle les étrangers doivent être punis de la même manière que les citoyens suisses, a déclaré le sénateur démocrate-chrétien (centre droit). Il a par ailleurs estimé que l’immigration était bénéfique pour l’économie.
Le discours sur les étrangers est très déformé, a pour sa part expliqué le député socialiste Hans-Jürg Fehr. On est constamment tenté de parler des abus dans le domaine de la politique sociale. «Mais je m’étonne qu’en matière d’abus, nous n’entendions jamais parler des infractions des employeurs.» Pour Hans-Jürg Fehr en effet, 40% d’entre eux ne respectent pas la loi et versent des salaires trop bas à leurs employés étrangers.
Selon Toni Brunner, président de l’Union démocratique du centre (droite conservatrice), son parti est le seul qui ose parler des véritables abus en Suisse. «330’000 personnes sont arrivées depuis 2004; que faire avec tous ces gens?», s’est-il demandé. Il y a en effet trop peu de logements et l’infrastructure des transports ne suit plus, raison pour laquelle l’UDC entend limiter l’immigration par le biais d’une initiative populaire. Il faut tenter d’arrêter de négocier de nouveaux accords avec l’UE, a encore estimé Toni Brunner.
Député libéral-radical (droite), Markus Hutter voit quant à lui la Suisse comme un pays ouvert. «Le succès de l’économie suisse repose de manière significative sur des étrangers dont nous pouvons être rétrospectivement fiers», a-t-il déclaré. Et le député de citer des sociétés comme Nestlé et Novartis qui ont été fondées par les immigrants venus en Suisse.
Comparativement à d’autres pays, la Suisse a une proportion élevée d’étrangers. «Cependant, existe-t-il en Europe un pays qui a enregistré une croissance économique égale à celle que celle de la Suisse?», a-t-il relevé. Pour Markus Hutter et son parti, la libre circulation des personnes, contenue dans les accords bilatéraux, est un modèle de succès. «La mettre en danger serait de la négligence», a-t-il conclu.
Sortie du nucléaire
Les médias allemands ont jugé positivement la décision du gouvernement helvétique de sortir de l’énergie nucléaire, a rappelé l’animateur du débat Peter Kaul. Mais trois des quatre politiciens présents à Munich ne voyaient pas les choses de cette manière. Seul le socialiste Hans-Jürg Fehr s’est prononcé en faveur d’une sortie du nucléaire, bien qu’à ses yeux, cette décision intervienne 20 ou 30 ans trop tard.
Le président de l’UDC Toni Brunner a critiqué l’action du gouvernement. Il ne fallait pas prendre cette décision en l’absence d’une stratégie de remplacement du nucléaire, selon lui. De plus, il convient de limiter l’immigration, car les étrangers consomment aussi de l’électricité.
Le démocrate-chrétien Filippo Lombardi, dont la ministre Doris Leuthard s’est exprimée en faveur de la sortie du nucléaire, n’est pas pour autant parvenu à s’enthousiasmer. Cette décision a peut-être été un peu précipitée, a-t-il estimé. Quant au libéral-radical Markus Hutter, il a même prophétisé un écroulement économique suite à la hausse nécessaire du prix de l’électricité.
«Nous disposons certes des conditions techniques pour gérer une sortie du nucléaire, mais avons-nous les conditions politiques?», s’est demandé, en guise de conclusion, Hans-Jürg Fehr, qui doute que les bonnes mesures puissent être prises.
Engagement en faveur des expatriés
Après la pause, la Suisse et l’Europe ont été au centre du débat. Les quatre intervenants ont été d’accord pour dire qu’à l’heure actuelle, un vote sur l’entrée de la Suisse dans l’UE ne pourrait pas être gagné. La question de savoir si cette adhésion serait judicieuse ou souhaitable a en revanche été controversée.
En guise de conclusion, Peter Kaul a posé la question – essentielle pour le public présent – de savoir quel parti en fait le plus pour les Suisses de l’étranger.
Toni Brunner a estimé que l’UDC était la plus avancée dans ce domaine, car c’est le parti qui dressé le plus de liste électorales pour les Suisses de l’étranger.
Hans-Jörg Fehr a de son côté demandé une représentation équitable au Parlement des Suisses vivant à l’étranger. Il faudrait, selon lui, que la 5e Suisse dispose de deux sièges à la Chambre haute, comme n’importe quel canton. Il a été soutenu sur ce point par Filippo Lombardi qui a plaidé pour la Loi sur les Suisses de l’étranger, actuellement en cours d’élaboration.
Markus Hutter doute que cette loi soit du goût des Suisses de l’intérieur. Son parti ne travaille d’ailleurs plus avec des listes spécifiques pour les candidats à l’étranger. Selon le député libéral-radical, ceux-ci auraient de meilleures chances d’être élus en étant intégrés sur les listes normales.
Le manifeste englobe les principales revendications politiques de la Cinquième Suisse:
Créer une loi pour les Suisses de l’étranger.
Faciliter l’exercice des droits politiques depuis l’étranger (vote électronique, participation à l’élection de la Chambre haute)
Favoriser la mobilité internationale des expatriés (accords sur la libre circulation des personnes, élimination des obstacles).
Encadrement consulaire adéquat (réseau consulaire suffisant, développement de la cyber administration).
Développer la communication avec la 5e Suisse (Revue Suisse, swissinfo.ch, SwissCommunity).
Consolider le Conseil des Suisses de l’étranger en tant qu’organe représentatif de la 5e Suisse.
Renforcer et développer la présence et la participation internationales de la Suisse.
Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard
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