A Berne, les étrangers resteront muets
Les étrangers résidant dans le canton de Berne ne pourront pas voter au niveau communal. Le parlement bernois a refusé mardi deux propositions de la gauche.
L’une des propositions a été rejetée par 77 voix contre 73 et 5 abstentions, l’autre par 78 voix contre 73 et 4 abstentions.
Pour la seconde fois en l’espace de deux ans, la majorité de droite du législatif a refusé d’accorder aux communes la liberté d’introduire le droit de vote des étrangers. En 2005, elle avait déjà refusé d’entrer en matière sur ce sujet, estimant que l’intégration des étrangers devait passer par la naturalisation.
Ce sont les députés radicaux (PRD / droite) qui ont fait pencher la balance en faveur du rejet des motions. Une attitude qui a suscité la colère du maire autonomiste de Moutier Maxime Zuber à l’origine de l’une des deux interventions. Berne s’inscrit ainsi à contre-courant d’une tendance nationale en faveur des droits des étrangers.
Responsable de l’Unité Administration suisse et politiques institutionnelles auprès de l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de Lausanne, Andreas Ladner n’est pas surpris de cette décision.
«Le droit de vote des étrangers est particulièrement contesté en Suisse alémanique où chaque proposition allant dans ce sens est ponctuellement bloquée», a-t-il déclaré à swissinfo.
Naturalisation privilégiée
Opposés à ce projet, le PRD, l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure) et l’Union démocratique fédérale (UDF / droite chrétienne) ont souligné qu’il fallait accorder la priorité à l’intégration des étrangers et à leur naturalisation qui entraînera de facto le droit de vote. Les opposants ont répété que le sujet n’était pas nouveau.
Pour les auteurs de l’une des deux motions, déposée par le Parti socialiste autonome de Maxime Zuber, «le canton de Berne ne saurait prolonger plus longtemps l’interdiction qui est faite aux communes de procéder à cette extension des droits démocratiques».
Le député socialiste de Bienne Ricardo Lumengo, originaire d’Angola, a estimé que celui qui entretenait une relation forte et étroite avec sa nouvelle patrie devait aussi avoir son mot à dire. Une position partagée par le gouvernement bernois qui recommandait l’adoption des deux motions.
Surtout en Suisse romande
Pour le gouvernement bernois à majorité rose-verte, le droit de vote des étrangers peut en effet favoriser l’intégration et donc aussi la «cohabitation pacifique» des populations étrangère et autochtone. Répondant à la droite, il estime que la naturalisation n’est pas une alternative réelle à l’octroi des droits politiques.
Le gouvernement note par ailleurs qu’au cours des dernières années plusieurs cantons ont introduit le droit de vote communal, parfois cantonal, aux étrangers. Jusqu’à présent, ils sont au nombre de huit, a-t-il indiqué. Le droit de vote des personnes étrangères est à l’étude dans d’autres cantons.
En fait, ce sont surtout les cantons romands qui accordent le droit de vote aux étrangers. Pour Andreas Ladner, cette différence entre Suisse romande et Suisse alémanique est culturelle.
«Cela a à voir avec une autre culture politique, explique-t-il. L’autodétermination dans les communes, la codécision directe et démocratique ont davantage d’importance en Suisse alémanique, alors que la Suisse romande soutient plutôt une culture politique représentative au niveau communal. La Suisse romande est en outre plus favorable à l’intégration des étrangers que la Suisse alémanique.»
swissinfo et les agences
L’octroi de droits politiques aux étrangers est une vieille revendication, principalement de la gauche.
Neuchâtel a été le tout premier canton à leur accorder le droit de vote sur le plan communal en 1850. Mais c’est longtemps resté une exception.
A sa création, en 1978, le Jura a aussi fait œuvre de pionner en accordant aux étrangers le droit de vote communal et cantonal, ainsi que le droit d’éligibilité sur le plan communal.
Le mouvement s’est ensuite développé, surtout à partir de l’an 2000. Dans la plupart des cas, les modifications ont été effectuées dans le cadre de la révision des constitutions cantonales.
Droit de vote au niveau communal: Neuchâtel, Jura, Appenzell Rhodes Extérieures (seulement trois communes sur vingt), Vaud, Bâle-Ville, Grisons (aucune commune ne l’applique), Fribourg et Genève.
Droit de vote au niveau cantonal: Jura, Neuchâtel, Fribourg.
Droit d’éligibilité au niveau communal: Neuchâtel, Jura, Vaud, Fribourg.
Les étrangers n’ont aucun droit politique au niveau fédéral.
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