«A Renens, j’ai retrouvé un peu du Locle»
A la question de savoir si un maire doit ressembler à sa ville, Marianne Huguenin répond qu'il est en tout cas absolument nécessaire d'être «en phase» avec elle.
Surnommée ‘Marianne la rouge’, cette élue au verbe franc dirige l’une des communes du canton de Vaud qui compte le plus de chômeurs et d’étrangers.
Quand elle parle de ‘sa’ ville, c’est le pronom fusionnel ‘on’ que Marianne Huguenin utilise le plus souvent. De quoi renforcer son propos lorsqu’elle corrige les éventuelles idées reçues: oui, «on est une ville de banlieue», mais «question sondage sur l’insécurité, on n’est pas du tout mauvais comparé par exemple à Yverdon. On a une intégration qui se fait bien».
Au centre de Renens, les magasins aux vitrines aussi colorées que les produits qu’ils vendent ont en partie remplacé le commerce traditionnel. Tout comme la future école cantonale d’art de Lausanne va remplacer dès 2007 les machines textiles de l’usine Iril, fermée en 2002 avec 140 licenciements à la clé.
Sur la place du Marché où se trouve aussi un centre commercial, un vendeur de kebabs fait aujourd’hui face à un bureau de Western Union. Quant au panneau d’affichage officiel, il signale que la commune engage un/e délégué/e à la jeunesse.
‘Marianne la rouge’
«On sait qu’une partie des jeunes ne va pas au centre de rencontres. Or nous voulons prévenir les situations de délinquance», explique la cheffe de l’exécutif, que les journaux alémaniques ont surnommée ‘Marianne la rouge’.
Une couleur politique qu’elle a choisi justement parce que «tout n’est pas rose», à Renens comme ailleurs. Même si elle se dit optimiste de nature, Marianne Huguenin, qui est aussi députée à Berne depuis 2004, avoue avoir vu quelques-unes de ses certitudes datant de l’époque où elle étudiait la médecine à Lausanne perdre de leur aplomb.
«Ce qu’il y a de compliqué aujourd’hui, c’est que les jeunes ont un sentiment d’impuissance. Ils ne pensent pas que le monde va aller mieux. Moi-même, je n’en suis plus sûre du tout. Je ne suis même pas sûre que les jeunes vivront aussi bien que nous».
Née un 1er mai au Locle
Et Marianne Huguenin de citer les assurances sociales, le droit aux vacances, autant de conquêtes pour lesquelles il a fallu se battre. «Les jeunes n’en sont plus forcément conscients», ajoute-t-elle, elle qui a grandi dans un climat très politisé.
Née un 1er mai au Locle, dans le haut du canton de Neuchâtel, elle a eu des parents engagés – même si son père, patron, était «d’un autre bord politique» – et a vécu un mai 1968 inoubliable au gymnase de La Chaux-de-Fonds.
De quoi ancrer de solides racines et susciter une compréhension sincère à l’égard de ceux qui n’auraient pas eu le temps de les planter. De quoi aussi voir l’histoire de la Suisse d’un autre œil et y reconnaître l’apport économique et culturel des étrangers.
A la tête d’une ville à la population aussi diversifiée que Renens, Marianne Huguenin fait ainsi remarquer que les premiers émigrés à s’y installer ont été des confédérés.
La valeur d’un billet de 100 francs
L’église catholique, qui a joué un rôle important dans l’intégration des Italiens ou des Portugais hier et des Sud-Américains ou des Africains aujourd’hui, a en effet commencé par accueillir des Tessinois, des Valaisans et des Fribourgeois.
D’ailleurs, Marianne Huguenin le souligne avec fierté, son parti doit son succès à la participation des étrangers aux élections communales, possible depuis 2006 dans le canton de Vaud.
Les mêmes qui, en guise de discussion de bistrot cet après-midi-là à Renens, s’inquiètent d’un sujet aussi technique que la révision à la baisse du taux de conversion du 2ème pilier.
«Cela représente un petit capital qu’ils pourront emporter chez eux à leur retraite. C’est un gros souci des émigrés de la première génération», explique la maire, pour qui la conscience politique et la reconnaissance dont ils font preuve est une invitation à ne pas oublier la valeur d’un billet de 100 francs.
Femme de convictions
Entière, Marianne Huguenin? Oui, même si «son côté ‘bon docteur’ a pu rassurer la droite, tout comme son côté pragmatique», note un ancien du POP. Quant à ses voisins socialistes à la Chambre basse, ils la disent «chaleureuse», «loyale», «assidue», «déterminée».
Et s’ils lâchent le fatal qualificatif de «dogmatique», c’est pour préciser qu’elle l’est à leurs yeux moins que Josef Zisyadis et Pierre Vanek, les deux autres représentants de l’extrême-gauche à la Chambre du peuple.
La socialiste Maria Roth-Bernasconi peut bien regretter que ‘Marianne la rouge’ ne se soit pas engagée dans les rangs de la gauche modérée, avoir été imprégnée de culture ouvrière au Locle marque un destin. Marianne Huguenin le confirme : «J’ai retrouvé un peu du Locle en Renens. Je ne me serais pas vue dans des villes plus riches ou moins mélangées socialement».
swissinfo, Carole Wälti
Les premières traces historiques de Renens remontent au Xème siècle sous les dénominations de Runens, Rugnens ou encore Regnens.
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, Renens n’est qu’un village à vocation agricole et viticole.
L’histoire moderne de la ville de Renens est intimement liée aux chemins de fer.
En 1875 y est créée une grande gare de triage. Le trafic y devient considérable dès 1903, année où la Confédération a racheté le réseau ferroviaire.
La municipalité de Renens est majoritairement à gauche.
Deux élus, dont Marianne Huguenin, appartiennent à la formation Fourmi rouge, section locale du Parti ouvrier populaire (POP) vaudois.
La municipalité compte en outre deux socialistes, une écologiste et un élu du Rassemblement du Centre et de la Droite de Renens.
Dans le canton de Vaud, la nouvelle Constitution a ouvert le droit à l’éligibilité et au vote à l’échelle communale aux personnes domiciliées dans le canton depuis trois ans et vivant en Suisse depuis 10 ans.
Ces personnes ont pu participer aux élections pour la première fois en mars 2006.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.