Chanvrier valaisan lourdement condamné
Le chanvrier valaisan Bernard Rappaz a été condamné à 5 ans et 8 mois de réclusion par le Tribunal d'arrondissement de Martigny.
Les juges n’ont pas suivi le Ministère public qui avait requis 10 ans de réclusion. La défense avait plaidé l’acquittement.
Bernard Rappaz a également été condamné à verser une créance compensatrice de 500’000 francs. Le tribunal l’a notamment reconnu coupable de blanchiment d’argent et violation grave de la loi fédérale sur les stupéfiants. Il l’a en revanche acquitté de la prévention de gestion déloyale.
Les frais de justice ont été mis à la charge du chanvrier pour près de 145’000 francs, communique vendredi le Ministère public. Les considérants du jugement seront connus d’ici la fin de l’année, et c’est dès ce moment que courront les délais de recours.
En attendant les considérants
«La sanction prononcée n’est pas légère en soi et montre déjà la gravité de cette affaire», déclare le procureur Olivier Elsig. Ce dernier attendra lui aussi les considérants du jugement pour se déterminer sur le dépôt d’un éventuel recours.
Même attitude dans le camp de Bernard Rappaz. «A chaud j’ai envie de vous dire que je me battrai jusqu’au bout en espérant avoir un vrai procès», lâche le condamné, passablement abattu.
Son avocate considère quant à elle la peine infligée comme «démesurée». Pour Dominique von Planta, il s’agit d’une «banale affaire de chanvre»: rien à voir avec une affaire de drogue dure ou un crime.
Sursis pour les co-accusés
Le Ministère public avait requis 10 ans de réclusion contre le Valaisan âgé de 53 ans qui a vendu du chanvre cultivé en grande quantité dans sa ferme de Saxon.
Entre 1997 et 2001, il a ainsi écoulé illégalement 5 tonnes de chanvre pour 5 millions de francs. En outre, les 50 tonnes de marchandise saisies chez lui en novembre 2001 représentaient une valeur marchande d’environ 35 millions de francs.
La défense avait présenté l’accusé comme un idéaliste désintéressé et plaidé l’acquittement.
Le Ministère public avait également requis des peines de 2 ans de réclusion et 18 mois de prison avec sursis contre son ancien associé, âgé de 44 ans, et son ancienne compagne de 33 ans. Le Tribunal a prononcé contre eux deux peines assorties du sursis: 18 et 12 mois.
Une longue histoire
Le chanvrier est en outre sous le coup d’une autre enquête pour trafic de haschich et blanchiment d’argent. Le juge a refusé de joindre les deux affaires, comme l’avait demandé la défense. Pionnier de l’agriculture biologique, Bernard Rappaz a déjà eu à plusieurs reprises maille à partir avec la justice valaisanne.
En 1999, il a été condamné à 16 mois de prison pour avoir vendu des coussins remplis de chanvre. Il avait purgé cette peine en 2002 après plusieurs mois passés en détention préventive dans le cadre de l’affaire pour laquelle il vient d’être jugé.
Il a également passé plus de 70 jours en détention préventive pour l’affaire encore pendante. Durant ces deux périodes de détention, il a entamé une grève de la faim qui a duré à chaque fois plus de 70 jours. Toutes deux se sont terminées à l’hôpital.
swissinfo et les agences
Selon l’Office fédéral de la santé publique, 46% des 13 à 29 ans ont fumé au moins une fois du cannabis et 1% d’entre eux sont des consommateurs réguliers.
Ces chiffres placent la Suisse parmi les pays européens les plus touchés.
Depuis 1991, la Confédération applique la politique dite des 4 piliers: prévention, thérapie, réduction des risques et répression.
En 2004, le parlement fédéral a rejeté un projet gouvernemental de décriminalisation du cannabis.
En janvier 2006, le comité «Protéger la jeunesse contre la narco-criminalité» (PJCN) a transmis l’initiative populaire fédérale «pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse». D’ici à janvier 2007, le gouvernement présentera au parlement un message recommandant d’accepter ou de rejeter – avec ou sans contre-projet – l’initiative sur le chanvre.
Un projet de révision partielle de la loi sur les stupéfiants, qui date de 1951, devrait être discuté en décembre par la chambre du peuple.
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