Controverse sur l’aide aux pays pauvres de l’UE
Pour les œuvres d'entraide, la contribution de la Suisse à la cohésion de l'Union européenne ne doit pas se faire sur le dos de l'aide au développement.
Le montant en question est d’un milliard de francs. Il alimente un fonds d’aide aux régions les moins riches de l’UE. Et c’est le prix payé pour la conclusion des Bilatérales II.
«La contribution à la cohésion de l’UE n’a rien à voir avec de l’aide au développement», lance mardi Bastienne Joerchel, d’Alliance Sud (la communauté de travail des oeuvres d’entraide), à l’heure de présenter un appel au gouvernement et au Parlement signé de 319 personnalités.
Si le milliard de francs promis par Berne à Bruxelles comme prix à payer pour la conclusion des Bilatérales II devait être prélevé sur l’aide aux pays les plus pauvres, «les pauvres paieraient alors pour les riches», dénonce Alliance Sud.
«C’est une situation inimaginable pour nous. Nous espérons que le Parlement aura la sagesse de corriger cette décision», conclut Bastienne Joerchel.
Selon une décision gouvernementale prise en mai 2004, ce milliard doit être fourni par les deux ministères des Affaires étrangères et de l’Economie.
Or dans ces deux ministères, seule l’aide au développement n’est pas liée ou légalement obligatoire. «C’est donc elle qui va faire les frais des coupes budgétaires» redoute Franz Schüle, secrétaire central de l’EPER, une des composantes d’Alliance Sud.
Revenus des Bilatérales II
Plutôt que de prendre cet argent sur le budget de l’aide au développement, le financement doit être assuré par les revenus et les économies qui seront générés par les Bilatérales II, plaide Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud. Selon ses calculs, ces montants sont amplement suffisants.
Ils proviendront de l’accord sur la fiscalité de l’épargne, qui prévoit que la retenue d’impôt ira dans les caisses fédérales, et des recettes fiscales supplémentaires que l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est devrait engendrer. L’accord de Dublin permettra en outre des économies par la suppression des deuxièmes demandes d’asile.
Parmi les 319 personnalités qui ont signé l’appel d’Alliance Sud figurent notamment l’ancien président du Comité international de la Croix- Rouge Cornelio Sommaruga, le scientifique Bertrand Piccard et l’ancien ministre des finances Otto Stich.
La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a aussi plaidé récemment pour un financement par les revenus générés par les Bilatérales II.
Pas aux pauvres de payer
Selon le texte de l’appel, la Suisse ne doit pas faire payer la contribution de cohésion aux pays les plus pauvres du monde. Le Mali ou le Mozambique ne tirent en effet aucun bénéfice du fait que la Suisse ait pu préserver le secret bancaire à l’égard de l’UE. «Comment pourrions-nous expliquer une telle attitude au reste du monde?», interroge le texte.
D’ailleurs, aucun pays membre de l’UE ne met ses contributions de cohésion sur le compte de l’aide au développement – c’est contraire aux lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) -, souligne Bastienne Joerchel.
Jeudi, la commission de politique extérieure du Conseil des Etats (Chambre haute du parlement) se penchera sur la contribution de cohésion. L’objet devrait être adopté durant les sessions d’été et d’automne 2006 et l’accord sur la cohésion pourrait entrer en vigueur en novembre 2006.
swissinfo et les agences
– La Suisse a promis un milliard de francs à l’Union européenne (UE) au titre de la contribution à la cohésion. Berne entend payer ce montant sur cinq ans.
– L’UE veut que cette contribution soit réglée par un accord contraignant, alors que la Suisse veut se contenter d’une simple déclaration d’intention.
– Le deuxième point de litige porte sur les pays bénéficiaires de l’aide suisse. Berne veut la limiter aux dix nouveaux pays, alors que Bruxelles souhaite l’étendre également à l’Espagne, au Portugal et à la Grèce, qui bénéficient actuellement des fonds de cohésion.
– A la veille du débat parlementaire sur la contribution à la cohésion, Alliance Sud et 319 personnalités demandent que ces fonds ne soient pas pris sur les budgets de l’aide au développement.
– Alliance Sud est la communauté de travail de six grandes œuvres d’entraide suisses: Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et EPER (Entraide protestante).
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