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«Nous ne voulons pas mettre sous cloche une partie du territoire suisse»


L’initiative sur la biodiversité permettra-t-elle de mieux protéger la nature ou va-t-elle créer trop de contraintes pour l’agriculture suisse? Les deux invités de notre débat filmé Let’s Talk ont débattu du texte au menu des votations fédérales du 22 septembre.

Le territoire suisse est peuplé de quelque 56’000 espèces animales et compte 230 types de milieux naturels. Une partie de cette diversité biologique est cependant menacée, met lui-même en garde l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).  

Pour y remédier, l’initiative sur la biodiversité veut obliger les pouvoirs publics à consacrer davantage de moyens et d’espace à la nature, en ajoutant un article à la Constitution. Les Suisses votent le 22 septembre sur la recette des associations de protection de la nature et de l’environnement pour préserver la biodiversité.

La nécessité d’agir n’est pas contestée

«Personne ne le conteste: la biodiversité doit être protégée. L’initiative va toutefois trop loin et aura d’importants effets collatéraux», affirme Simone de Montmollin, députée du Parti libéral-radical (PLR / droite), dans notre débat filmé Let’s Talk.

La Confédération s’est dotée d’une stratégie biodiversitéLien externe en 2012. Le Conseil fédéral a ensuite adopté un plan d’action pour la mettre en œuvre, qui prévoit une liste de mesures concrètes, par exemple pour assurer la conservation de certaines espèces.

Ces efforts ne suffisent toutefois pas, aux yeux du député vert Christophe Clivaz. «Une première évaluation a montré que la quasi-totalité des objectifs fixés dans la stratégie n’a pas été atteinte», souligne-t-il.

Le recul de la biodiversité en Suisse est encore plus marqué que dans la plupart des pays d’Europe, comme le montre le graphique ci-dessous. «Ce sont des signaux qui doivent être pris au sérieux», reconnaît Simone de Montmollin. Elle constate cependant que certaines espèces se portent aussi mieux, à l’image de certaines libellules.

Contenu externe

Christophe Clivaz salue les projets existants pour préserver la biodiversité, qui ont un impact positif sur la nature. «Malheureusement, nous ne sommes pas en train d’inverser la tendance. Chaque année, nous perdons des espèces et des milieux naturels», regrette-t-il.

Suisse de France et étudiant à l’Université des Sciences de Nice, Mathis Steinmann a apporté une perspective extérieure sur le débat autour de la biodiversité en Suisse. «La Suisse est un petit pays densément peuplé avec un biotope alpin. La pression sur l’écosystème est donc plus importante qu’en France, qui a davantage de biotopes différents. La France a aussi élaboré des lois pour protéger davantage de terres», analyse-t-il, dans Let’s Talk.

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Désaccord sur les solutions

Les adversaires de l’initiative ne contestent pas les objectifs du texte, mais critiquent les mesures proposées pour les atteindre. «Nous ne voulons pas qu’une partie du territoire suisse soit mis sous cloche, comme le veulent les initiants», critique Simone de Montmollin.

Une affirmation contestée par Christophe Clivaz. «Ce n’est pas l’idée et ce n’est absolument pas ce qui est écrit dans le texte», assure-t-il. Le député écologiste rappelle que des aires protégées existent déjà et qu’elles laissent également la place à des activités touristiques, agricoles ou de production d’énergie.

Un argument qui ne convainc pas Simone de Montmollin, qui estime que l’initiative va créer des conflits d’utilisation du territoire. «Nous avons un territoire déjà très dense et petit, où nous devons aussi remplir des objectifs en matière d’urbanisation, de production d’énergie renouvelable, de production alimentaire», énumère-t-elle.

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Modéré par: Katy Romy

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La députée PLR reproche aussi au camp qui défend l’initiative de ne pas tenir compte des efforts réalisés jusqu’à aujourd’hui. «L’agriculture s’est déjà améliorée depuis les années 1990», relève-t-elle. Elle préconise de faire preuve de patience. «Les choses qui ont été détruites pendant 150 ans, entre 1850 et la fin du 20e siècle, ne pourront pas être restaurées en 50 ans. Nous avons besoin d’un peu de marge», affirme la politicienne.

De son côté, Christophe Clivaz affirme que la Confédération n’a pas pris conscience de l’importance du problème. «Le problème est que nous continuons à détruire. Aujourd’hui, nous sommes prêts à construire des autoroutes à six pistes en mangeant des hectares de terres agricoles pour les besoins de la mobilité. Ce sont trop souvent les intérêts de certains secteurs de l’économie qui priment sur les intérêts de la nature et du paysage», déplore le député écologiste.

La ville et la campagne divisées

Une partie du monde agricole est fermement opposée à l’initiative sur la biodiversité, craignant qu’elle ne limite fortement la production de denrées alimentaires. De leur côté, les agglomérations y sont majoritairement favorables, comme l’a montré le premier sondage de l’institut gfs.bern publié à la mi-août.

Christophe Clivaz rappelle cependant que quelque 8000 paysans pratiquent déjà l’agriculture biologique en Suisse. «Ces derniers sont donc tout à fait compatibles avec les exigences de l’initiative», note-t-il. L’écologiste reconnaît d’ailleurs que le monde agricole a déjà fourni de nombreux efforts, mais il estime qu’il faut aller plus loin pour améliorer la compatibilité entre agriculture et biodiversité.

«Aujourd’hui, les agriculteurs ont un sentiment de ras-le-bol, car ce sont eux qui sont ciblés alors que le problème est plus général. Cela s’est déjà produit en 2021 avec le scrutin sur les deux initiatives anti-pesticides», réplique Simone de Montmollin. Elle décrit l’initiative sur la biodiversité comme «la goutte d’eau qui fait déborder le vase» pour les agriculteurs suisses. «Ils ne supporteront pas davantage de diktat en tout genre», affirme la députée PLR.

Un décalage entre urbanité et ruralité

S’ils sont adversaires politiques, Christophe Clivaz et Simone de Montmollin ont tous les deux des liens personnels avec le monde agricole. Le premier est fils de vigneron, la seconde œnologue de profession. Les deux députés constatent un décalage croissant entre population urbaine et rurale.

«En ville, on ne sait souvent plus d’où vient une tomate ou un litre de lait», remarque Christophe Clivaz. Il relève toutefois que les agriculteurs effectuent un travail de vulgarisation important pour réexpliquer les enjeux aux citadins.

«Le clivage entre ville et campagne est un des grands défis de ce siècle», estime, pour sa part, Simone de Montmollin.  Elle salue également le travail de communication fourni par les paysans ces dernières années, mais regrette que leur message ne soit pas suffisamment entendu.

Mathis Steinmann constate, pour sa part, que le clivage entre ville et campagne est plus criant en France qu’au sein de la Confédération. «Les citadins qui ont grandi en ville, même au sein de ma faculté de biologie, ont d’énormes problèmes à comprendre le monde dans lequel ils vivent», remarque-t-il, dans l’émission. Il attribue cela a la centralisation importante de l’Hexagone, mais identifie également un problème d’éducation.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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