Des patrouilles mixtes sur la frontière italo-suisse
Gardes-frontières, police financière et police d'Etat, carabiniers, policiers cantonaux; c'est le cocktail de forces de l'ordre helvétiques et italiennes qui vont bientôt patrouiller la frontière entre les deux pays, pour traquer la criminalité et l'immigration clandestine.
Un garde-frontière valaisan et un carabinier italien à bord d’un même véhicule, traquant des fraudeurs. Un agent de la police d’Etat italienne et un gendarme grison à l’affût d’immigrés clandestins, écumant les deux versants de la frontière. Ou encore un douanier tessinois et un officier de la police financière impliqués dans la même opération: tout ceci sera réalité d’ici le printemps 2009.
Des patrouilles mixtes – tant du point de vue de la nationalité que de celui des services auxquels sont rattachés les agents – qui pourront surveiller le territoire à cheval entre la Suisse et la Péninsule, dans une traque commune contre la criminalité tous azimuts et l’immigration illégale.
Initiative italienne
Submergée par l’afflux de clandestins entrés illégalement sur son territoire, l’Italie multiplie les opérations afin de tenter d’endiguer le phénomène. Mais confrontées à un espace particulièrement vaste dans le nord de la Botte, qui complique les opérations de contrôle, les autorités centrales de l’immigration ont décidé d’appeler la Suisse à la rescousse.
L’idée de patrouiller ensemble sur une partie au moins des quelques 770 kilomètres de frontière que se partagent les deux Etats a été présentée le 7 novembre dernier à Chiasso par une délégation italienne à des homologues helvétiques. Des représentants des polices cantonales tessinoise, valaisanne et grisonne étaient aussi présents.
«D’accord», a dit la Suisse, mais à condition d’étendre le champ d’action à d’autres mesures visant la sécurité territoriale. «Nous voulions aussi que l’aspect du tourisme de la criminalité, dont souffre particulièrement le Tessin, par exemple – tout comme le Nord de l’Italie – soit pris en compte», explique le lieutenant Christophe Cerinotti, de la police judiciaire et coordinateur du Centre commun de coopération policière et douanière à Chiasso (CCPD).
Modèle franco-romand
«Le CCPD sera chargé de saisir, inventorier et documenter les observations faites sur le terrain par les patrouilles mixtes, et de faire remonter les informations vers le haut», précise l’officier.
Une telle opération n’a jamais été conduite au Tessin auparavant. Pourtant, en Suisse romande, les patrouilles mixtes franco-suisses existent depuis un certain nombre d’années. «Nous allons d’ailleurs nous baser sur l’expérience de nos collègues romands pour mettre en place notre dispositif», souligne Christophe Cerinotti.
Légalement, ce déploiement de patrouilles mixtes italo-suisse est possible depuis une dizaine d’années déjà. L’accord bilatéral de coopération policière signé entre la Péninsule et la Confédération, le permet depuis l’entrée en vigueur du texte en 1998.
«Mais les bureaux de liaisons, nécessaires pour ce type d’opération, qui doivent coopérer quotidiennement et planifier ces opérations, n’ont pas été désignés depuis, c’est pourquoi rien a été fait», explique l’officier.
Rayon d’action limité
La mise en place de ces patrouilles, qui devraient se compter au nombre de deux à trois par semaine, selon le CCPD, ne devrait pas requérir de ressources supplémentaires ni engendrer de surcoûts.
Le rayon d’action de part et d’autre de la frontière devra encore être défini. «Il est évident que nous ne verrons pas ces patrouilles débarquer sur les quais de Lugano, ou à Milan par exemple, s’empresse de souligner Christophe Cerinotti. Il s’agira véritablement de se concentrer sur la frontière».
Divergences juridiques
«La balle est maintenant dans le camp de la Suisse, précise le lieutenant. Nous élaborons actuellement une série de contre-propositions que nous allons prochainement soumettre à nos homologues italiens, probablement au ministère de l’Intérieur, à Rome».
Concrètement, il s’agit pour les partenaires de régler une série de divergences juridiques, pénales et civiles, qui portent en particulier sur la question de la responsabilité. «Nos collègues italiens sont très soucieux d’examiner ce point en détail. Comme par exemple de savoir à qui incombe la responsabilité en cas d’accident ou dans le cadre d’une opération commune».
swissinfo, Nicole della Pietra
La coopération Schengen en matière de police, d’entraide judiciaire et de contrôle aux frontières est fondées sur le traité de Schengen de 1985 (et sur celui d’Amsterdam de 1997).
L’élargissement aux dix nouveaux pays membres entrés en 2004 dans l’Union européenne est intervenu le 21 décembre 2007.
Elle implique tous les Etats membres de l’UE ainsi que quatre pays tiers: la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège.
L’espace Schengen, qui vise le visa unique et la libre circulation des personnes est plus restreint. Le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark (dans une moindre mesure) n’ont font pas partie. La Bulgarie et la Roumanie doivent quant à elles encore passer le processus d’évaluation.
Pour la Suisse, Schengen concerne uniquement le contrôle des personnes en matière de police.
La Suisse ne faisant pas partir de l’union douanière de l’UE, rien ne changera aux frontières après le 12 décembre 2008.
Le Centre commun de coopération policière et douanière de Chiasso a été créé en 2003, conformément à l’art. 13 de l’Accord paraphé par la Confédération suisse et la République italienne, relatif à la coopération entre les autorités de police et de douane.
Le CCPD est formé d’agents des deux parties qui se tiennent à disposition des autorités compétentes afin de lutter contre la criminalité dans la région frontalière.
Les opérations qu’il coordonne visent notamment, l’immigration illégale, la traite d’être humains ou le trafic de stupéfiants.
Le CCPD veut s’inspirer du modèle de coopération déjà en place en Suisse romande qui voit les forces de l’ordre françaises et genevoises notamment, coopérer ensemble.
En 2009, le CCPD espèrent relancer et activer les bureaux de liaisons chargés de coopérer et de planifier les opérations communes sur le territoire des deux Etats.
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