Droits de l’homme: la Suisse redouble d’effort
Face à une forte opposition des Etats-Unis, la Suisse est montée au créneau mercredi pour défendre la création d'un Conseil des droits de l'homme.
Les USA ont annoncé qu’ils voteraient contre la nouvelle institution, qui devrait voir le jour le 19 juin à Genève. A moins que des négociations soient rouvertes.
«Nous sommes vraiment déçus par le projet présenté jeudi dernier. Nous ne pensons pas qu’il soit acceptable», a décraré lundi John Bolton, ambassadeur américain aux Nations Unies.
Il exige en effet des mécanismes plus durs obligeant les pays où les droits de l’homme ne sont pas appliqués consciencieusement à rester en dehors du futur Conseil.
John Bolton a également indiqué que les USA voteraient contre le projet de résolution sur la création d’un Conseil des droits de l’homme si celui-ci devait passer sous sa forme actuelle devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Le diplomate américain réclame la réouverture des négociations pour corriger «les nombreuses déficiences» du texte.
La Suisse réplique
Pas question réplique la Suisse. Dans un communiqué diffusé mercredi, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) rejette l’idée d’une reprise des négociations et plaide pour l’adoption rapide du projet de résolution à l’ONU.
Même s’il ne reflète pas toutes les exigences initiales de la Suisse, le projet de résolution est un «bon compromis» obtenu après plusieurs mois d’intenses négociations, affirme encore le DFAE.
Même son de cloche à la mission suisse à l’ONU à New York. «A l’heure actuelle, la situation est confuse », a déclaré, mardi à swissinfo, Nathalie Kohli.
Selon cette experte des droits de l’homme «les coups de téléphones se succèdent entre les diverses délégations. Nous sommes convaincus que le texte actuel est la meilleure façon d’aller de l’avant».
Un mauvais coup
Un blocage du projet de Conseil des droits de l’homme serait, selon Nathalie Kohli, un mauvais coup pour les droits de l’homme mais aussi pour l’ensemble des réformes de l’ONU.
Pragmatique, Nathalie Kohli précise qu’il serait imprudent d’aller de l’avant sans l’aval des Etats-Unis. Car, ils contribuent de façon significative à l’existence même des Nations Unies (un quart du budget de l’ONU).
Sur le même bateau
Mais si les USA campent sur leur position, il sera alors très risqué de soumettre la résolution au vote. «Nous voulons que les USA soient sur le même bateau que nous. Nous restons optimistes sur cette question», souligne Nathalie Kohli.
Le Conseil des droits de l’homme, appelé à remplacer l’actuelle Commission des droits de l’homme, repose sur un modèle élaboré par le Suisse Walter Kälin, expert des droits de l’homme.
La Commission des droits de l’homme a été abondamment critiquée pour sa souplesse envers des pays ne respectant pas les droits de l’homme. C’est ainsi qu’elle compte dans ses rangs le Soudan, la Libye et le Zimbabwe.
La résolution finale
Les discussions concernant le nouvel organe se poursuivent depuis l’année dernière avec comme objectif de présenter une résolution finale le 13 mars prochain.
C’est à cette date que l’actuelle Commission va commencer sa session annuelle de six semaines à Genève.
Le président suédois de l’Assemblée générale de l’ONU Jan Eliasson et le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan considèrent que la proposition actuelle reste «la meilleure possible. que nous puissions obtenir vu les circonstances».
Lundi à Genève, Kofi Annan a reconnu les lacunes du texte. Mais il a vivement appelé les membres à l’adopter.
«Il contient assez d’éléments positifs et j’espère que les Américains vont le considérer sous cet angle de vue», a-t-il dit.
Le fonctionnement du Conseil
Le projet prévoit notamment que le futur Conseil est composé de 47 membres (la Commission en comptait 53) élus par l’Assemblée générale à la majorité absolue pour une période de trois ans et non rééligibles après deux mandats consécutifs.
La Suisse fait partie des pays qui se sont battus pour qu’une majorité des 2/3 de l’Assemblée générale puisse suspendre un membre du Conseil en cas de violations graves et systématiques des droits de l’homme.
Le nouvel organe tiendra un minimum de 3 sessions durant au moins dix semaines par an. Il pourra également se réunir en sessions spéciales à l’approbation d’un tiers de ses membres.
Le temps des négociations est fini
Peter Splinter insiste sur le fait que le temps des négociations est désormais révolu.
Pour le représentant d’Amnesty internationale auprès des Nations Unies à Genève, les membres de l’ONU doivent avancer avec ce qui est actuellement entre leurs mains.
«Il y a beaucoup d’imperfections dans ce texte mais nous ne pensons pas qu’il soit possible d’en formuler un meilleur», explique-t-il à swissinfo.
«Si nous remettons l’ouvrage sur le métier, nous risquons fort de revenir avec quelque chose de plus mauvais».
Des critères plus stricts
Cependant, l’organisation non-gouvernementale UN Watch demande que le futur Conseil des droits de l’homme trie ses membres selon des critères plus stricts de respects de ces droits.
Selon le directeur d’UN Watch, Hillel Neuer, la mise en place d’un organe efficace et significatif sur les droits de l’homme est plus important que de respecter une date limite concernant une rencontre de deux semaines.
swissinfo, Adam Beaumont
(traduction et adaptation de l’anglais: Mathias Froidevaux)
La Commission des droits de l’homme a été créée en 1946 et elle est basée à Genève. Elle regroupe les représentants de 53 pays, nommés sur une base régionale.
Elle se réunit une fois par année à Genève, pour une session de six semaines.
Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, avait annoncé son intention de remplacer cet organe en mars 2005. Le nouveau Conseil devait également être basé à Genève.
– La dernière mouture du projet de résolution sur la création d’un Conseil des droits de l’homme déclare que chaque membre doit «confirmer les niveaux plus élevés dans la promotion et la protection des droits de l’homme».
– Ceux-ci devront également avoir un contrôle sur leur manière d’appliquer les droits de l’homme durant les trois ans où ils seront présents dans le Conseil. Les 191 membres de l’ONU pourraient être appelés à effectuer un tel examen.
– Une majorité des 2/3 de l’Assemblée générale pourra suspendre un membre du Conseil en cas de violations graves et systématique des droits de l’homme.
– Le nouvel organe pourra également se réunir en sessions spéciales à l’approbation d’un tiers de ses membres en cas d’urgence.
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