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Du rififi au sein du plus grand parti suisse

Un jeu de chaises musicales qui illustre la crise qui couve au sein de la droite conservatrice. Reuters

Soupçonné de détournement de fonds, le candidat principal de la droite conservatrice (UDC) à l’élection au gouvernement a été contraint de jeter l’éponge. Un scandale qui anéantit quasiment les chances du parti de récupérer le siège perdu en 2007, estiment les observateurs.

«Jours de chaos à l’UDC», titre le Blick, «Coup de tonnerre sous la coupole fédérale», renchérit 20 Minutes,  «L’UDC en crise après l’explosion en vol de son joker, Bruno Zuppiger», affiche Le Temps sur sa Une. A moins d’une semaine de l’élection au Conseil fédéral (gouvernement), les déboires de l’Union démocratique et de son candidat Bruno Zuppiger font les choux gras de la presse suisse de vendredi.

La bombe a été posée jeudi matin dans la Weltwoche, un hebdomadaire proche de l’UDC, qui révélait des irrégularités dans la gestion d’un héritage par l’entreprise de Bruno Zuppiger. Candidat officiel du parti de la droite conservatrice pour l’élection au Conseil fédéral du 14 décembre, aux côtés du Fribourgeois Jean-François Rime, l’avocat zurichois aurait gardé pour lui 265’000 francs légués par la défunte à des organisations d’utilités publiques, avant de reverser la somme plusieurs années plus tard en concluant un accord lié au secret avec les autres parties.

Mais l’affaire a ressurgi à moins d’une semaine de la date fatidique, provoquant une petite tornade sous la Coupole du Parlement. Jeudi après-midi, le candidat Zuppiger, sous pression, annonçait le retrait de sa candidature. L’UDC annonçait dans la foulée avoir choisi le Thurgovien Hansjörg Walter, l’actuel président de la Chambre basse, pour le remplacer sur le ticket qui sera présenté aux parlementaires.  

D’un flop à l’autre

Ce scandale marque l’apothéose de mois difficiles pour le premier parti du pays, s’accordent les gazettes de ce vendredi. «L’UDC court d’un flop à l’autre, rappelle ainsi la Basler Zeitung. Il y a d’abord eu la défaite douloureuse lors des législatives d’octobre, puis la débâcle des têtes d’affiche du parti dans la conquête avortée du Conseil des Etats (Chambre haute) et, enfin, pour couronner le tout, le retrait par la petite porte du candidat Bruno Zuppiger à moins d’une semaine de l’élection au Conseil fédéral.»

«Depuis son recul aux élections d’octobre, les catastrophes se sont enchaînées pour l’UDC selon un scénario digne du burlesque», commente l’éditorialiste du Temps, évoquant un «festival d’incompétences et de petites combines entre amis dans la désignation du candidat au poste suprême du pays». Le quotidien romand y voit une explication: «la culture de la soumission au chef», qui interdit toute initiative et responsabilité personnelle.  

La direction du parti, qui était au courant de l’affaire mais qui n’en a pas informé le groupe parlementaire avant la désignation des candidats, en prend pour son grade dans quasiment tous les quotidiens du pays. «Roulée dans la farine par son poulain et se contentant d’informations partielles, la direction de l’UDC a grandement sous-estimé la gravité de l’affaire», écrit ainsi Le Matin.

«Une incroyable légèreté»

Même écho dans le Bund de Berne et le Tages Anzeiger de Zurich: «Rarement les pontes de l’UDC sont apparus aussi mortifiées. La chute prématurée de leur candidat phare montre à quel point le cercle décisionnel autour de Christoph Blocher a improvisé l’élection au Conseil fédéral de la semaine prochaine».

Durant tout l’automne, le parti a sorti d’innombrables lapins de son chapeau, ce qui laisse comme une impression d’amateurisme et de précipitation à La Liberté de Fribourg. «Le trio qui dirige l’UDC a agi avec une incroyable légèreté en renonçant à toute analyse sérieuse du passé de ses poulains. La direction du parti ne s’est préoccupée que d’une seule chose: dénicher le plus vite possible un candidat éligible par les autres formations.»

24heures n’est pas plus tendre: «S’il n’était pas aussi pathétique, le spectacle donné par l’UDC hier après-midi nous aurait presque émus». Le journal vaudois souligne que le parti veut faire croire que rien n’a changé, si ce n’est un nom sur un ticket, celui d’Hansjörg Walter, appelé en dernière minute pour tenter de récupérer le deuxième siège de son parti après la non-réélection de Christoph Blocher en 2007.

24heures souligne toute la cocasserie de la situation par une jolie métaphore: «Une bombe artisanale a détruit l’immeuble, les pompiers sont encore en train de s’activer. Ils arrosent les bâtiments annexes pour que tout le quartier ne brûle. Et sur le trottoir, les apprentis pyromanes, à peine remis de leurs émotions, discutent déjà du réaménagement de la cuisine».

Un deuxième siège très improbable

Parmi les éditorialistes, rares sont ceux à penser que l’UDC soit encore en position de récupérer son deuxième siège le 14 décembre prochain. «En dépit du candidat surprise qu’ils ont désigné hier, l’option du statu quo prend toujours plus d’ampleur car la brillante élection de Hansjörg Walter au perchoir du Conseil national ne préjuge en rien de son éligibilité au Conseil fédéral. Eveline Widmer-Schlumpf devrait être réélue et le PLR conserver ses deux sièges», analyse La Liberté. «Après ce changement embarrassant de candidat, l’UDC ne doit pas s’étonner si elle échoue une fois de plus en raison de sa propre impuissance», souligne la Neue Zürcher Zeitung.

Le tabloïd alémanique Blick s’interroge sur les motivations réelles du parti. «L’UDC veut-elle véritablement un deuxième siège au Conseil fédéral. Ou plus précisément: l’entier de l’UDC le souhaite-t-elle? A la façon dont la direction du parti a préparé cette élection, on ne peut pas la prendre au sérieux».

La seule voix discordante se manifeste dans la presse italophone. «De manière surprenante, l’UDC a réussi jeudi en l’espace de quelques heures à retourner en sa faveur une situation déplaisante et imprévue. (…) L’UDC a changé de poulain avec une incroyable rapidité. (…) A sept jours seulement de l’élection, les cartes sont remises sur la table et la partie est à nouveau ouverte», écrit le Corriere del Ticino.

Estimant pour sa part la partie déjà jouée et perdue pour l’UDC, le Tages Anzeiger émet ses recommandations à l’égard de la droite conservatrice: «Si l’UDC veut récupérer un deuxième siège au Conseil fédéral à l’avenir, elle devra rattraper ce qu’elle a négligé de manière impardonnable ces dernières années: bâtir des candidats intelligents et capables de trouver des majorités pour occuper des postes à influence».

1959-2003. C’est la longue ère de la «formule magique»: 2 sièges au Parti socialiste (PS), 2 au Parti libéral-radical (PLR), 2 au Parti démocrate-chrétien (PDC) et 1 à l’Union démocratique du centre (UDC).

2004-2007. L’UDC, grâce à Christoph Blocher, prend un siège au PDC: 2 sièges PS, 2 PLR, 2 UDC et 1 PDC.

2008. Eveline Widmer-Schlumpf et Samuel Schmid lâchent l’UDC et rejoignent le nouveau Parti bourgeois démocratique (PBD): 2 sièges PS, 2 PLR, 2 PBD et 1 PDC. En fin d’année, le président de l’UDC Ueli Maurer succède à Samuel Schmid.

2010. Le 22 septembre, Simonetta Sommaruga (PS) et Johann Schneider-Ammann (PLR) sont élus au gouvernement pour remplacer les ministres démissionnaires Moritz Leuenberger (PS) et Hans-Rudolf Merz (PLR).

2011. Le 14 décembre, le Parlement est appelé à remplacer la ministre socialiste sortante Micheline Calmy-Rey et à réélire les six autres ministres pour la nouvelle législature: Doris Leuthard (PDC), Ueli Maurer (UDC), Eveline Widmer-Schlumpf (PBD), Simonetta Sommaruga (PS), Didier Burkhalter et Johann Schneider-Ammann (PLR).

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