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Ecoles privées: scrutin inédit à Bâle-Campagne

L'école privée ne doit pas être un privilège de riche. Keystone

L'association Lobby Parents est active dans toute la Suisse pour instaurer ce qu'elle appelle un véritable choix de l'école. Entre mécontentement face au système étatique et volonté de coup de pouce financier, l'association ratisse large. Premier test dimanche à Liestal.

Parents et écoles: rien ne va plus. Le constat n’est pas nouveau mais les comptes-rendus de conflits se multiplient. Et que veulent des parents mécontents, le plus souvent? Que leur enfant change d’école ou d’enseignant. Ce qui n’est pas possible dans l’école publique. Pour autant qu’ils en aient les moyens financiers, les parents se tournent alors vers une école privée.

Ceux qui payent ainsi de leur poche la scolarité de leurs enfants se disent victimes d’une injustice, car leurs impôts contribuent au financement du système public. Ils réclament donc une compensation. Mais ils ont aussi trouvé davantage que le portemonnaie pour tenter de convaincre leurs concitoyens.

«Le droit au libre choix de l’école est un droit fondamental mais, en Suisse, il n’est accessible qu’aux riches, clame la Bâloise Pia Amacher, présidente de l’association suisse Lobby Parents, mère de trois enfants ayant fréquenté l’école privée. Or la scolarité ne doit pas être achetable.»

«Les décisions ne doivent pas venir d’en haut»

Autre leitmotiv: «Les décisions ne doivent pas venir d’en haut, répète la présidente, car il n’y a pas une seule bonne école pour tous les enfants. Les parents sont les mieux placés pour déterminer quelle école et quelle pédagogie répond le mieux aux besoins de leur enfant, et aussi comment l’école doit se développer, selon des objectifs généraux fixés par l’Etat.»

Avec son forfait correspondant aux coûts moyens par enfant dans l’école publique, Lobby Parents dit «ne pas vouloir soutenir les écoles élitaires et visant le profit». La Fédération suisse des écoles privées ne soutient du reste pas formellement l’initiative.

«De nombreux établissements privés ne veulent pas ou ne peuvent pas satisfaire les conditions formulées par l’Etat, ou alors leur offre de formation ne trouve pas d’équivalent dans le droit suisse». Elles ne voudront donc pas s’inscrire dans un système de libre choix guidé et surveillé par l’Etat, a-t-elle écrit dans une prise de position publiée le 24 septembre.

Lucien Criblez, professeur à l’Institut pédagogique de l’Université de Zurich, spécialiste du système scolaire, rappelle que la discussion sur le libre choix de l’école est née dans les années 90 avec la vague néo-libérale. «La formation, un bien économique comme les autres», «la concurrence, source de qualité»: ces concepts se retrouvent jusque dans le vocabulaire des initiants.

Ainsi, selon Pia Amacher, «s’ils étaient confrontés à la concurrence, les enseignants seraient mieux à même de se battre pour garder leur clientèle». Des clients, les écoliers? Petit silence de la présidente, qui se reprend: «C’est volontairement un peu provocateur.»

Améliorer la qualité?

Lucien Criblez émet des réserves sur le potentiel d’amélioration qualitative grâce à la concurrence. «Peut-être cela est-il vrai pour une partie des écoles, dit-il. Mais dans les faits, cela aura plutôt l’effet inverse.»

Explication: «Les bonnes écoles seront encore plus recherchées, poursuit le professeur, et pourront donc s’améliorer, tandis que les établissements moins bons ne recevront aucune impulsion positive. Or il s’agit d’améliorer les écoles qui ont des problèmes et, partant, la situation du plus grand nombre d’élèves.»

La «ségrégation» actuelle, avec des parents aisés qui déménagent pour choisir leur école, n’en sera donc pas diminuée, selon les opposants au texte. Qui estiment aussi qu’un véritable choix ne sera possible qu’en ville et dans les agglomérations, car il n’y a pas grand choix dans les campagnes.

Enfin, le professeur regrette le fait que l’insatisfaction manifestée par de nombreux parents envers l’école publique soit récupéré pour favoriser les écoles privées. «Certes, il y a des défis et c’est à l’école publique de trouver des solutions, d’autant plus qu’elle joue traditionnellement un rôle de garant de la cohésion sociale. Mais on ne règlera rien en permettant aux gens de partir…»

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Fondée en automne 2002, l’association Lobby Parents suisse est la cheville ouvrière du mouvement pour un libre choix de l’école. Des initiatives cantonales, au contenu identique, sont en cours un peu partout.

Des signatures sont actuellement récoltées dans les cantons de Soleure et de Thurgovie.

L’initiative est déposée pour examen préalable par les autorités dans les cantons de Bâle-Ville, St-Gall et Zurich.

Le comité vaudois est en train de finaliser les listes de signatures.

Ailleurs, l’association cherche à créer des comités, y compris au Tessin où une initiative avait été refusée en votation en 2001.

Bâle-Campagne est le 1er canton à voter sur le libre choix de l’école, le 30 novembre. Le projet de nouvel article constitutionnel prévoit le choix entre différentes écoles publiques et entre ces dernières et les écoles privées.

L’enseignement privé partout en Suisse doit être financé pour les habitants du canton par un montant équivalent aux coûts moyens du secteur public, versé à l’école choisie, pour autant que celle-ci garantisse un libre accès.

Bâle-Campagne connaît déjà un système très généreux en versant un écolage de 2000 francs par écolier aux écoles privées, comme lorsqu’un enfant fréquente l’école publique d’un canton voisin. Le montant total atteint 2,5 millions.

La proximité de la France et de l’Allemagne joue aussi un rôle. «Des villages français, Neuwiler par exemple offrent la gratuité aux élèves suisses pour conserver leur école», selon la présidente de Lobby Parents Pia Amacher.

A Bâle-Campagne, les démocrates du centre (droite nationaliste, UDC), les jeunes radicaux (droite) et les Verts libéraux soutiennent l’initiative.

Selon Pia Amacher, la présidente de Lobby Parents Suisse, 5% des enfants fréquentent une école privée.

Si l’initiative est acceptée, il en résultera pour le demi-canton de Bâle-Campagne des frais supplémentaires de 16,4 millions de francs pour l’école obligatoire, 30 millions avec le gymnase et le secondaire II.

«Ce sera peut-être plus cher dans un premier temps, souligne Pia Amacher, mais ensuite, toutes les mesures de soutien aux enfants diminueront, ce qui entraînera des économies.»

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