En Suisse, l’antipathie à l’égard des personnes d’un autre bord politique reste stable depuis 20 ans
Dans de nombreuses démocraties, les citoyennes et citoyens semblent faire preuve de toujours plus d'antipathie à l'égard de leurs adversaires politiques. Une équipe de chercheurs de l'Université de Bâle a analysé ce phénomène, appelé «polarisation affective», dans le cas de la Suisse. Conclusion: aucun fossé émotionnel de ce genre ne s'est approfondi entre 2003 et 2023 dans le pays, même si la Suisse est dans une situation politique clivante.
Dans de nombreux pays, des signes indiquent que les individus sont de plus en plus hostiles envers leurs adversaires politiques, en particulier aux États-Unis. Dernièrement, la Slovaquie a été sous le feu des projecteurs en raison de la tentative d’assassinat contre le Premier ministre Robert Fico, attentat lié au climat politique délétère qui règne dans le pays.
Et en Suisse? Divers indices suggèrent que la «polarisation affective», c’est-à-dire le fait d’être moins empathique avec les personnes d’autres bords politiques, s’est également approfondie dans notre pays. La pandémie de coronavirus en particulier, mais aussi les guerres en Ukraine et à Gaza ont en effet suscité des débats très émotionnels – et continuent de le faire. Et tout cela alors que, selon un article du Tages-AnzeigerLien externe qui se base notamment sur une étude américaineLien externe et l’étude électorale SELECTS de l’UNILLien externe, la Suisse serait déjà une des démocraties les plus polarisées d’Occident et que cette polarisation s’accentue.
Constant depuis 2003
Cependant, une équipe de chercheurs de l’Université de Bâle arrive aujourd’hui à la conclusion qu’en Suisse, la «polarisation affective» n’a guère changé au cours des deux dernières décennies. Il s’agit de la première étude scientifique Lien externemenée récemment sur ce thème en Suisse. Pour ce faire, l’équipe d’Alois Stutzer, professeur d’économie politique à l’Université de Bâle, s’est notamment appuyée sur les données récentes du sondage d’opinion de la SSR «Comment ça va, la Suisse?» datant du printemps 2023.
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Pour la Suisse et sa démocratie, c’est une bonne nouvelle. «Si la polarisation émotionnelle est très prononcée, nous avons un problème dans la démocratie, défend Alois Stutzer. Un pays aussi diversifié politiquement et culturellement ne peut exister à long terme qu’avec des partis politiques qui se disputent certes, mais qui sont aussi capables de s’écouter et de trouver un compromis».
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Selon l’étude, il y a eu une courte phase pendant laquelle la polarisation affective a nettement augmenté, entre 1999 et 2003. Mais depuis, elle se maintient. «Dans l’ensemble, les clivages politiques ne se sont pas élargis en Suisse», telle est la conclusion d’Alois Stutzer.
Moins de sympathie pour les partis
L’économiste ne peut qu’émettre des hypothèses sur les raisons de ce phénomène. Les fréquentes votations populaires sont certainement un facteur de stabilité. Les thèmes polarisants peuvent en effet toujours être traités. Une autre raison est le système électoral. Ce dernier «oblige les groupes politiques à se recomposer sans cesse dans des constellations changeantes», explique le professeur. Et il tire la conclusion suivante de son étude: «Les mécanismes de résolution des conflits semblent ainsi toujours fonctionner en Suisse».
Autre résultat de l’étude: les sympathies des Suisses envers les partis ont généralement diminué. Elles ont atteint un point bas en 2023.
Dernièrement, l’attention s’est portée sur la polarisation à gauche de l’échiquier politique, en raison des protestations contre la guerre à Gaza dans les universités suisses. L’étude permet-elle de déterminer si la polarisation émotionnelle provient plutôt de la gauche ou de la droite? «Non, répond Alois Stutzer. Il faut toujours les deux côtés. On ne peut blâmer personne».
Répondez à quelques questions et comparez-vous avec toute la Suisse:
Texte traduit de l’allemand par Julien Furrer (RTS)
En collaboration avec la SSR, l’équipe d’Alois Stutzer a mesuré le phénomène de la polarisation affective en Suisse en se basant sur l’enquête «Comment ça va, la Suisse?» (réalisée entre le 3 avril et le 8 mai 2023), avec les réponses de plus de 10’000 Suisses – car les 57’000 participants du sondage n’ont pas répondu aux mêmes blocs thématiques. Les chercheurs ont relié ces nouvelles données d’enquête aux données antérieures de l’étude SELECTS de 1995, 1999, 2003, 2007 et 2011 réalisée par l’UNIL.
L’équipe d’Alois Stutzer a complété les données de l’enquête par des séries chronologiques sur le «comportement de panachage» (le fait d’intégrer à une liste partisane des politiciens qui ne sont pas du même parti que la liste) lors des élections du Conseil national depuis 1983.
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