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Fribourg, pionnier du droit de vote à 16 ans

RDB

Le gouvernement du canton de Fribourg apporte son soutien à une motion populaire qui veut autoriser les jeunes à voter dès 16 ans, aux niveaux communal et cantonal. Cet abaissement de l'âge de voter, bien dans l'air du temps, serait une première en Suisse romande.

Et si l’on permettait aux jeunes de voter dès l’âge de 16 ans? Les vacances d’été donnent de l’audace au Gouvernement fribourgeois qui se dit favorable à un abaissement de l’âge de vote.

«Les jeunes de 16 ans sont capables de discernement et politiquement matures», écrit-il pour justifier son soutien à une motion populaire émanant des Jeunes socialistes fribourgeois.

Déposée en février, celle-ci demande d’introduire le droit de vote à 16 ans aux niveaux communal et cantonal. L’âge d’éligibilité resterait, lui, fixé à 18 ans.

«C’est une ouverture. On serait le premier canton romand à aller dans cette direction», se félicite Pascal Corminboeuf, président du gouvernement fribourgeois.

«On donnerait un signal positif dans la confiance qu’on a envers ceux qui vont s’occuper après nous de la société.» Avant d’ajouter, sur le ton de la plaisanterie: «La démocratie, c’est le contraire des piles Wonder, ça ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.»

De l’information au concret

Au-delà de cette comparaison énergétique, le directeur des Institutions produit d’autres arguments: «Il n’y aurait plus de coupure entre le moment où les jeunes reçoivent les informations et celui où ils peuvent exercer leur droit de vote.»

C’est déjà dans cet esprit que le cours de civisme dispensé en 2e année du Cycle d’orientation a été supprimé en 2005 au profit d’une éducation à la citoyenneté donnée en 3e année.

Reste que l’interruption entre l’école obligatoire et la majorité présente le risque que les jeunes perdent de l’intérêt pour les institutions et la politique, faute de pouvoir y prendre une part active.

Pour le Conseil d’Etat (gouvernement), l’abaissement du droit de vote à 16 ans est «un pas vers une meilleure intégration politique». Il en espère un regain d’intérêt pour la politique et, à long terme, pour la participation aux scrutins, notamment chez les 18 à 30 ans.

A signaler qu’une récente étude sur le plan national montre un fort accroissement de la participation dans la catégorie des 18 à 24 ans. Ils n’étaient que 21% à participer aux élections fédérales de 1995 contre 35% en 2007. Un regain d’intérêt pour la politique qui est aussi perçu chez les plus jeunes par les enseignants d’instruction civique, selon Pascal Corminboeuf.

Déjà le cas pour les Eglises

«Dans de nombreux domaines de la vie quotidienne, on attend aujourd’hui des jeunes de 16 ans qu’ils prennent des responsabilités», soutient aussi le Conseil d’Etat. Et de citer les majorités sexuelle et religieuse qui sont fixées à 16 ans révolus.

Au niveau des Eglises, les jeunes Fribourgeois ont d’ailleurs le droit de voter dès 16 ans tant chez les catholiques que chez les réformés. C’est aussi à cet âge que les jeunes qui ont gagné leur premier salaire commencent à payer des impôts.

Le Conseil d’Etat concède toutefois que les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active. A Fribourg, l’apprenti signe son contrat d’engagement à plus de 17 ans et demi en moyenne.

Autre argument avancé, celui de l’équilibre entre les générations. Même si c’est Fribourg qui a la plus forte proportion de jeunes en Suisse, le vieillissement de la population a pour effet une modification de la composition du corps électoral en termes de classes d’âge. Ce n’est pas sans impact sur les décisions prises.

Ainsi, pour le Conseil d’Etat, donner le droit de vote à 16 ans, c’est «une manière de rétablir un certain équilibre des forces politiques en présence».

6300 électeurs de plus

L’impact resterait toutefois limité. Le droit de vote à 16 ans ferait croître l’électorat de quelque 6300 personnes ou de 3,5%. Quant aux coûts supplémentaires que cela entraînerait, ils seraient fort restreints. Une quinzaine de milliers de francs par scrutin cantonal.

Le Conseil d’Etat y voit donc une mesure «intéressante et utile», un «signe positif à l’intention de la jeunesse». Reste à voir si le Grand Conseil (législatif) suivra ces arguments cet automne.

Quand bien même les formations n’en ont encore pas discuté, un premier tour auprès des chefs de groupes montre que le résultat pourrait être serré.

A droite, le chef du groupe UDC Jean-Claude Rossier et celui des radicaux Jean-Denis Geinoz s’y déclarent opposés. Jean-Louis Romanens, chef du groupe PDC y est plutôt favorable, mais pense que les siens seront partagés.

A gauche, Pierre Mauron, chef du groupe socialiste, clame son enthousiasme et compte sur un soutien unanime des siens. Du côté des Jeunes socialistes (JSF), on se déclare évidemment «très satisfait» du soutien du Conseil d’Etat.

Un chemin encore long

«C’est une bonne surprise», reconnaît Nicolas Buntschu, secrétaire politique des JSF. «Mais quand on a lancé cette motion populaire, on savait qu’on ne partait pas nécessairement au casse-pipe.»

Il est toutefois conscient que le chemin est encore long. En cas d’acceptation par le Grand Conseil de la motion cet automne, le projet retournerait devant le Conseil d’Etat puis au parlement avant que le peuple n’ait le dernier mot, car l’abaissement du droit de vote à 16 ans implique une modification de la Constitution. Signalons qu’il y a cinq ans la Constituante avait repoussé cette idée à deux contre un.

swissinfo, Philippe Castella/La Liberté

S’il décide d’abaisser le droit de vote à 16 ans, le canton de Fribourg ferait oeuvre de pionnier en Suisse romande. Mais la question est dans l’air.

Les jeunes Glaronnais sont les premiers en Suisse à pouvoir voter dès 16 ans, après une décision prise en Landsgemeinde l’an dernier.

Le canton de Berne pourrait suivre puisqu’une motion dans ce sens a été acceptée par le Grand Conseil. Idem à Bâle-Ville.

D’autres parlements cantonaux ont en revanche rejeté l’idée, à l’image du Jura, de Zurich et d’Argovie.

D’autres encore vont devoir s’exprimer prochainement sur la question, comme Genève ou le Tessin.

En Suisse, le droit de vote et d’éligibilité a été abaissé de 20 à 18 ans en 1991.

L’abaissement du droit de vote à 16 ans a été rejeté une première fois en 2000 par le Parlement fédéral.

Une nouvelle initiative parlementaire de la députée Evi Allemann, déposée l’an dernier, devrait suivre la même voie.

L’Autriche est le premier des pays européens à avoir introduit le droit de vote à 16 ans au niveau fédéral, l’an dernier.

Les jeunes Slovènes jouissent aussi de la capacité civique active dès 16 ans, mais dans la mesure où ils exercent une activité lucrative.

En Allemagne, le mouvement se répand. Plusieurs Länder ont abaissé ces dernières années le droit de vote à 16 ans à l’échelon communal.

Au niveau du Land, c’est aussi le cas notamment à Berlin, en Basse-Saxe et dans le Schleswig-Holstein.

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