Giorgio Fonio: la famille au cœur de son engagement
Du Tessin, Le Centre amène à Berne un politicien à la sensibilité sociale évidente. Avec une histoire à raconter, même dramatique, Giorgio Fonio, bientôt 40 ans, est un syndicaliste qui place l’humain et la famille au centre de ses préoccupations. Portrait.
«Papa, qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui? J’ai participé à l’élection du Conseil fédéral!». C’est avec une certaine émotion que Giorgio Fonio se souvient du coup de téléphone qu’il a passé à ses fils ce mercredi 13 décembre 2023 depuis Berne, lors de sa première session de député fédéral.
À bientôt 40 ans (il fêtera son anniversaire le 1er juillet), momò dans l’âme [habitant de la région du Mendrisiotto, NDLR], mari, père, syndicaliste et arbitre à ses heures perdues, Giorgio Fonio est le nouveau conseiller national tessinois du Centre.
Il nous accueille dans la salle de réunion du siège du syndicat OCST (Organisation chrétienne-sociale tessinoise) à Lugano, qui, comme par hasard, se trouve à quelques mètres du Corso Elvezia et des rues dédiées aux conseillers fédéraux tessinois Giovanni Battista Pioda et Stefano Franscini. Une prédestination pour la politique fédérale, donc.
En réalité, non. Son histoire personnelle parle de toute autre chose. Durant la campagne électorale pour le renouvellement du gouvernement et parlement tessinois, début 2023, Giorgio Fonio avait publiquement raconté, non sans émotion, son enfance et son adolescence dans une famille dysfonctionnelle, ou presque: «dès la 4e année, j’ai été placé dans une institution pour mineurs, le Von Mentlen à Bellinzone. Lorsque je suis rentré chez moi, à la fin de l’école secondaire, ma mère est décédée et mon séjour à l’institut s’est prolongé jusqu’à ma majorité».
C’est là, un peu par hasard, qu’est née sa passion pour la politique. En raison de travaux d’entretien, l’établissement dans lequel il vivait a été déplacé pendant un certain temps dans un autre bâtiment, juste à côté du siège du journal Il Dovere. «Je dévorais ce journal. J’allais chercher un exemplaire dans la benne où finissaient ceux qui n’étaient pas imprimés correctement. Je lisais. J’aimais la politique. J’étais un fan inconditionnel d’Alex Pedrazzini [alors conseiller d’État tessinois du Parti démocratique chrétien, devenu le Centre après avoir fusionné avec le Parti bourgeois démocratique en 2020, NDLR]. Il était pour moi ce que sont les footballeurs pour les enfants d’aujourd’hui. Une sorte de Roberto Carlos».
Mais ce n’est pas le charisme d’Alex Pedrazzini, quand bien même il restait son idole, qui a rapproché le jeune Giorgio du PDC de l’époque. Il a effectué des recherches, lu les programmes des diverses formations, et a été frappé par les idées du PDC qui mettait la personne et la famille au centre. Des thèmes qui lui tenaient à cœur, probablement en raison de son passé, de son histoire.
La confession publique de Giorgio Fonio est un manifeste de résilience. Un message d’espoir pour celles et ceux qui n’ont pas de famille ou qui traversent des périodes difficiles. «Les gens pensent souvent que derrière quelqu’un qui a réalisé un certain parcours professionnel et politique se cache une famille influente ou je ne sais quelle richesse. Mais non. Les écueils auxquels j’ai dû faire face prouvent que chacun, en se battant, peut réussir à gagner sa place dans le monde. Il suffit d’y croire», dit Giorgio Fonio.
Un ami proche, l’entraîneur du Football Club Lugano Mattia Croci Torti, momò également, ne manque pas de souligner la constance de son caractère: «Giorgio est resté le même, quelqu’un d’attachant, de rassembleur, et toujours prêt à donner un coup de main en cas de besoin». Les deux amis partagent certaines caractéristiques qu’ils mettent à profit dans leur travail, que ce soit sur un terrain de football ou au Palais fédéral: ils sont passionnés, enthousiastes et tenaces. «Parfois, ajoute Mattia Croci Torti, il faut freiner son ardeur, mais en toute honnêteté, je dois reconnaître que Giorgio n’a pas changé, c’est un doux combattant qui, grâce à son tempérament, a réussi à obtenir des résultats et des succès en politique, au travail et dans sa famille».
La famille au centre de tout
Avec sa femme Nicole, qu’il a épousée en 2012, Giorgio Fonio a construit ce qu’il n’avait jamais eu: une famille nombreuse et unie. Aujourd’hui, le couple a quatre enfants âgés de 3 à 10 ans.
La famille occupe une place centrale dans sa vie, «ma plus grande joie» comme il la nomme. Il devient néanmoins difficile de concilier toutes ses activités. Maintenant que l’engagement politique à Berne s’est ajouté à ses tâches, les choses sont plus compliquées. Pour pouvoir tout faire, dit-il, «il faut une grande complicité familiale, et en ce sens, je dois dire que mon épouse Nicole joue un rôle très important».
Le conseiller national fraîchement élu souligne notamment le fait que ses enfants sont encore très jeunes: «il faut bien expliquer aux enfants que papa va à Berne et qu’il rentrera plus tard. Le plus petit dit, en rigolant, que papa va à Belna… ce que je souhaite, c’est enseigner et montrer à mes enfants que la politique, c’est un service, un service rendu au pays».
Politique et travail
Lors des élections fédérales d’octobre 2023, Giorgio Fonio est le deuxième candidat du Centre à avoir reçu le plus de suffrages, derrière Fabio Regazzi de Locarno. Au Tessin, le parti n’a droit qu’à un seul siège au Conseil national. Mais Fabio Regazzi est aussi dans la course pour les États, et accède à la Chambre haute au second tour, grâce au soutien du Mendrisiotto. Le message des momòs est donc très clair: nous voulons Giorgio Fonio au National.
«Pour moi, être élu au Conseil national représente quelque chose d’extraordinaire, d’indicible. Quand je pense au chemin que j’ai parcouru, en partant vraiment de zéro, c’est un sentiment indescriptible, une émotion forte qui m’accompagne encore aujourd’hui».
Pour pouvoir participer à la politique fédérale, Giorgio Fonio a dû revoir son activité de syndicaliste. Réduction du temps de travail, réorganisation interne, collaboration avec les collègues. «Seul, on n’arrive à rien et on ne va nulle part», reconnaît Giorgio Fonio qui, depuis février 2021, assume la responsabilité du secrétariat régional de Mendrisio de l’OCST, un organisme qui compte 27 employées et employés, et quelque 12’000 membres.
Politique de gauche
Avec Giorgio Fonio, le Centre dispose à Berne d’un politicien à la sensibilité sociale claire. Contrairement à son prédécesseur Fabio Regazzi, le momò syndicaliste se situe à gauche de l’échiquier de son parti, mais se reconnaît pleinement dans le Centre: «lors du premier congrès du Centre, nous avons voté les lignes directrices: nous sommes un parti qui met l’humain au centre de la vie politique, qui veut combiner une économie de marché sociale et responsable. Un parti qui veut avoir une approche différente de celle des formations qui se concentrent uniquement sur l’économie».
Ce n’est pas un hasard si Giogio Fonio considère, sans hésitation, Meinrado Robbiani comme un modèle. Le conseiller national PDC, qui a siégé à Berne de 1999 à 2011, est bien connu au Tessin et en Suisse pour sa sensibilité sociale. «Meinrado Robbiani, mon premier secrétaire cantonal du syndicat OCST, a été et est toujours une référence politique importante». Giorgio Fonio admire le respect qu’il a réussi à susciter au sein de toute la classe politique, de la droite à la gauche. «C’est un exemple dont je m’inspire».
Ce glissement à gauche du Centre tessinois n’est pas nouveau: la composante chrétienne sociale n’a cessé d’occuper une place essentielle au sein du parti cantonal. «Je dois dire qu’après les premiers votes au Conseil national, ajoute Giorgio Fonio, j’ai réalisé que nombreux étaient mes collègues de parti à partager la même sensibilité politique».
Thèmes politiques
Les thèmes qui tiennent à cœur à Giorgio Fonio, en tant que syndicaliste, sont certainement ceux qui touchent au monde du travail. Il est originaire du Mendrisiotto, la région la plus méridionale de Suisse, qui connaît depuis quelque temps des difficultés économiques notables et doit vivre avec un nombre croissant de travailleurs et travailleuses frontaliers italiens.
Le trafic et les liaisons ferroviaires occupent également une place de choix parmi ses priorités.
Son origine géographique doit aussi y être pour quelque chose. Le politicien insiste sur la nécessité de compléter les NLFA, les nouvelles liaisons ferroviaires alpines, au sud de Lugano. «Jusqu’ici, je voyageais très peu en train. Mais maintenant que je l’utilise régulièrement pour me rendre à Berne, je mesure son importance».
De plus, la carrière politique de Giorgio Fonio a commencé en 2009, précisément par un blocage du trafic ferroviaire. Avec une centaine de personnes, il était monté sur les rails pour paralyser le train Cisalpino à la gare de Chiasso afin de protester contre la décision de supprimer l’arrêt dans la ville frontalière. Une bataille gagnée même si, ajoute-t-il, «le Mendrisiotto est encore objectivement oublié par les CFF et la politique fédérale des transports».
La politique, mais encore
Famille et politique mises à part, Giorgio Fonio nourrit une autre grande passion: il est un fan inconditionnel du FC Chiasso, relégué en quatrième division en raison de problèmes financiers (il est le speaker du club!) et du FC Internazionale di Milano, ce qui lui procure un peu plus de satisfaction.
À ses heures perdues, de moins en moins, il revêt également le maillot d’arbitre. «Les gens qui aiment aider les autres, comme Giorgio, ont du mal à être aussi stricts qu’ils devraient l’être sur un terrain de football!» Des mots de Mattia Croci Torti, qui en connaît un rayon sur ce sport. Pourtant, ajoute Giorgio Fonio, «l’arbitrage est riche d’enseignements. Il faut pouvoir décider en très peu de temps et surtout apprendre à gérer les critiques. Parce que vous êtes sur la pelouse contre tout le monde, vous savez que vos choix ne sont pas toujours acceptés, et que vous prenez parfois de mauvaises décisions. Comme dans la vie».
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg, traduit de l’italien par Lucie Donzé/op
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