Internet: dialogue de sourds avant le Sommet
Ce qui devait être la dernière réunion préparatoire du Sommet mondial de Tunis sur la société de l'information s'achève sur un constat d'échec.
L’intransigeance américaine sur la gestion d’Internet et les accusations de muselage de la presse en Tunisie obligent les négociateurs à agender une ultime réunion, trois jours avant le plénum.
«Les négociations de ces dix derniers jours n’ont pas été aussi fructueuses que je l’avais espéré», confie à swissinfo Marc Furrer, président de la Commission fédérale de la communication et chef de la délégation suisse au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI).
«Certes, je ne suis pas surpris que nous n’ayons pas fait davantage de progrès sur la gestion d’Internet, poursuit-il. Mais ce qui m’inquiète davantage, c’est que nous n’ayons pas réussi à avoir une vraie discussion avec les Américains sur les points principaux».
Marc Furrer ne doute pas que des discussion au plus haut niveau pourront avoir lieu en Tunisie, mais il se demande tout de même quelle aura été l’utilité de ces réunions préparatoires «si c’est pour en arriver à du concret seulement trois jours avant l’ouverture du Sommet».
Intransigeance.com
Le SMSI doit servir à réduire la fameuse «fracture numérique». Soit trouver des moyens de favoriser l’accès à Internet et aux autres technologies de l’information aux pays les plus pauvres, dans l’optique des Objectifs du Millénaire des Nations Unies
Mais le débat sur la gestion d’Internet est bloqué pour des raisons politiques. Actuellement, c’est l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) qui est chargé de la régulation technique du réseau des réseaux. Et cet organe basé à San Francisco et supervisé par le gouvernement américain.
Or, de nombreux pays demandent que la gestion d’Internet soit «internationalisée» et «démocratisée», alors que les Etats-Unis souhaitent le maintien du statu quo.
«Nous n’accepterons pas de laisser la gestion d’Internet aux Nations Unies, a dit David Gross, coordinateur américain pour la politique des communications et de l’information. Le sujet n’est pas négociable, c’est une affaire de politique nationale».
Face à cette intransigeance, Marc Furrer reste philosophe: «la discussion va se poursuivre, cela ne fait pas de doute. Et je compte bien qu’à Tunis, nous arriverons à des positions communes. Au moins sur certains points».
Pour le chef de la délégation suisse, les blocages viennent du fait que les négociateurs américains ont en fait très peu de marge de manœuvre, car Washington les surveille de très près.
Liberté de la presse
L’autre pierre d’achoppement de cette réunion aura été la liberté de la presse en Tunisie.
Mercredi, les autorités de Tunis ont qualifié un rapport les accusant de museler la presse et de chercher des noises aux journalistes de «biaisé et imprécis».
A ce document, rédigé par un groupe de 14 Organisations non gouvernementales, le gouvernement Ben Ali oppose l’image d’une presse «libre et pluraliste» et qui ne serait soumise à aucune censure.
Pourtant, le rapport fait état de blocages d’accès à des sites internet comme ceux de Reporters Sans Frontières, d’organisations de défense des droits de l’homme, de médias indépendants ou de surveillance policière du courrier électronique et des cybercafés.
Dans ce domaine, Marc Furrer est convaincu que le gouvernement tunisien a compris le message. Il devrait désormais savoir que ces pratiques sont inacceptables.
«Il est clair que les groupes d’opposition vont profiter de l’occasion pour s’exprimer. Le président Ben Ali doit l’accepter, parce que sinon, il n’aurait jamais dû organiser un Sommet sur la société de l’information », plaide le chef de la délégation suisse.
«Ce sera un sommet en Tunisie, et ça ne doit pas être un sommet sur la Tunisie», conclut Marc Furrer.
swissinfo, Thomas Stephens
(traduction et adaptation de l’anglais, Marc-André Miserez)
La troisième réunion préparatoire (PrepCom3) avant le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) s’est tenue à Genève du 19 au 30 septembre.
Le SMSI aura lieu à Tunis du 16 au 18 novembre.
Le but principal du Sommet est de réduire la fracture numérique entre pays riches et pays pauvres
– Au vu de l’échec de PrepCom3 sur des sujets centraux comme la gestion d’Internet, une dernière reunion se tiendra à Tunis trois jours avant l’ouverture du SMSI.
– Pour les autorités américaines toutefois, la question de la gestion d’Internet – actuellement confiée à un organisme supervisé par Washington – est un sujet «non négociable».
– Quant aux autorités tunisennes, elles qualifient de «biaisé et imprécis» un rapport des ONG faisant état de violations de la liberté de la presse dans le pays hôte du SMSI.
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