«Je devrais pardonner, mais je ne peux pas»
Ils étaient onze, les premiers candidats à la naturalisation «devant le peuple», à Emmen, en septembre 1999. Les huit personnes d’ex-Yougoslavie ont échoué.
Zoran Gajic se souvient de l’humiliation et de la colère ressenties.
Les onze candidats étaient dûment recommandés par la commission de naturalisation. Il y avait Zoran Gajic et son fils de quatre ans Michael, une autre famille serbe avec quatre enfants, une adolescente espagnole et une jeune femme italienne avec sa fille.
Seules ces trois dernières ont été acceptées par les habitants d’Emmen.
Zoran Gajic, lui, a fait ses bagages en une semaine. Dégoûté, blessé, déçu, ce tailleur d’origine serbe de 44 ans a trouvé en quelques jours un logement dans une autre commune.
Bien intégré
Car il y avait cru. Un de ses clients, député de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure) de la commune, lui avait assuré qu’avec lui, «il n’y aurait aucun problème».
Il était membre du club de foot et son fils aîné, né d’un premier mariage, venait d’obtenir le passeport, avec la dernière volée naturalisée sous l’ancien système.
2040 oui, 3101 non: le résultat l’a humilié. «Les gens se sont moqués. Certains me lançaient: ‘vous ne savez même pas combien il y a de cantons!’ Je leur demandais s’ils savaient qui était président de la Confédération. J’ai perdu de nombreux clients.»
Des lettres de soutien
Zoran Gajic montre ses rares lettres de soutien. Une dame d’Emmen écrit avoir «honte d’être suisse» et un jeune homme de St-Maurice exprime sa colère.
«Je me suis remis, mais ça a pris du temps, dit-il près de quatre ans plus tard. Je ne peux pas oublier. Je devrais pardonner, mais je ne peux pas.»
Zoran Gajic a retrouvé un emploi dans un magasin d’habillement. Il se sent parfaitement bien dans sa nouvelle commune et envisage de refaire une demande de naturalisation, les trois ans nécessaires ayant passé.
«Pour moi, me naturaliser, c’est comme le mariage. J’ai besoin d’aller jusqu’au bout de mon engagement, de me sentir complètement là.»
Une pirouette, pour finir: «Le seul élément positif, sourit-il, c’est qu’un jour mes petits-enfants diront «grand-papa y était, il était le premier des refusés!»
swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Emmen
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