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Jean-Luc Addor: «Les Suisses de l’étranger méritent d’être mieux représentés au Parlement»

Jean-Luc Addor
Le député UDC Jean-Luc Addor défend la création d'une circonscription spécifiquement dédiée aux Suisses de l'étranger pour l'élection au Conseil national. KEYSTONE / ALESSANDRO DELLA VALLE

Le Conseil national a balayé lundi une motion du député UDC Jean-Luc Addor, qui réclamait la création d’une circonscription électorale pour la diaspora. Une idée également défendue par l’Organisation des Suisses de l’étranger, mais qui ne trouve pas de majorité politique.

L’idée de créer une circonscription spécifique dédiée aux Suisses de l’étranger pour l’élection au Conseil national ne séduit pas. Le Conseil national (Chambre basse) a refusé lundi par 30 voix contre 152 un texteLien externe en ce sens du député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Jean-Luc Addor.

Le Conseil fédéral était également contre la proposition. Il soulignait que sa mise en place nécessiterait une modification de la Constitution et remettrait en cause le lien des personnes expatriées avec leur canton d’origine, ainsi que leurs droits politiques à l’échelle cantonale. Pour Jean-Luc Addor, ce n’est cependant pas la véritable raison des réticences au sein du Parlement.  

swissinfo.ch: Votre motion visant à créer une circonscription pour les Suisses de l’étranger a été refusée. Les parlementaires ne sont-ils pas prêts à modifier la Constitution pour la diaspora?

Jean-Luc Addor: Ne pas vouloir modifier la Constitution, c’est un argument de juriste. Quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve tous les arguments pour ne pas le faire. Le véritable motif qui a conduit certains collègues à refuser cette proposition est ailleurs. Si on crée une circonscription pour les Suisses de l’étranger, ils auront droit à des sièges au Parlement. Certains parlementaires craignent ainsi de perdre leur place au profit de représentants de la diaspora.

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J’ai donné un exemple à mes collègues qui craignent de perdre leur place: lors de la création du canton du Jura, on a ajouté deux sièges pour les réunions de l’Assemblée fédérale. Pourquoi n’augmenterait-on pas l’effectif des membres du Conseil national pour donner une petite place aux Suisses de l’étranger?

Plus de 800’000 Suisses vivent à l’étranger. Cela représente presque 10% de la population résidente. 227’000 d’entre eux sont inscrits sur les registres électoraux et souhaitent donc exercer leurs droits politiques au pays. Un Suisse de l’étranger [le socialiste Tim Guldimann] avait réussi à être élu au Conseil national en 2015 et y avait brièvement siégé. Toutefois, le reste du temps, ces personnes ne sont quasiment jamais représentées au parlement.

Mais pourquoi est-il important que les Suisses de l’étranger soient représentés physiquement au parlement à vos yeux?

Parce que ce sont des Suisses à part entière. Personne n’ose dire que ce sont des demi-Suisses. La vie les a simplement amenés à s’expatrier durablement ou temporairement. Ne doit-on pas apporter une réponse institutionnelle au défi de leur représentation? C’est la question que je me posais, mais le Parlement estime que non. Sa réponse est implacable.

Ce qui me frappe, c’est que l’Organisation des Suisses de l’étranger ne s’est pas mobilisée. Personne ne veut bouger, personne ne veut rien faire. Donc, il faut croire que ce n’est pas une aspiration.

On a plutôt l’habitude que vous défendiez les valeurs suisses, les Suisses de Suisse. Avec cette motion, vous défendez les Suisses qui ont quitté le pays. Pourquoi?

Justement, je défends les Suisses. Est-ce que les Suisses de l’étranger sont moins Suisses que vous et moi parce qu’ils ont quitté la patrie? Nous sommes heureux qu’ils défendent les intérêts de la Suisse. Est-ce que les retraités suisses qui ont travaillé toute leur vie dans le pays et sont contraints d’émigrer parce qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts ne sont pas Suisses? Ils méritent d’être mieux représentés au Parlement.

Les retraités suisses établis à l’étranger ont été attaqués par votre parti au cours de la campagne sur la 13e rente de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS). Certains de vos collègues les ont traités de profiteurs. Vous n’êtes donc pas d’accord avec cela?

À l’assemblée des délégués de l’UDC, je suis le seul à m’être levé pour défendre la 13e rente AVS. Au lieu de stigmatiser les retraités suisses qui ont travaillé toute leur vie et qui n’arrivent pas à vivre décemment chez nous, on ferait mieux de se demander comment faire pour qu’ils ne doivent pas partir.

Vos collègues de parti ont peu soutenu votre motion. Cette fois-ci non plus, vous n’avez pas réussi à les convaincre.

Je n’ai pas non plus eu de succès dans les autres groupes. J’ai pensé que c’était une idée intéressante. Le Parlement pense le contraire. Maintenant, je pense qu’il faut laisser reposer la problématique et la reprendre plus tard d’une autre manière. Ce qui m’intéresse est de savoir ce que pensent les Suisses de l’étranger. Je ne vais pas m’engager pour eux contre leur volonté.

Concrètement, que changerait la création d’une circonscription pour les Suisses de l’étranger?

Dans les Parlements des pays qui nous entourent, il y a par exemple des représentants de la circonscription des Italiens ou des Français de l’étranger. Certes, ces élus ne représentent pas tous les citoyens de l’étranger, mais au moins il y a une réponse institutionnelle à la représentation de ces personnes. Ici, nous avons certes un intergroupe parlementaire Suisses de l’étranger, dont je fais partie. Mais est-ce que nos compatriotes à l’étranger se sentent correctement représentés par le Parlement suisse? Je ne suis pas sûr.

Vous avez l’impression que la diaspora n’a pas assez de poids politique au sein de la Confédération?

Je pense que c’est un sujet de réflexion. Si telle est leur impression, ces personnes doivent se manifester plus massivement à l’occasion des prochaines élections et mieux faire passer leur message, en particulier par l’intermédiaire de l’Organisation des Suisses de l’étranger.

Estimez-vous que le lobby de la Cinquième Suisse n’est pas assez influent?

Il obéit à sa logique propre, mais je ne suis pas persuadé qu’elle réponde aux aspirations d’une majorité de Suisses de l’étranger.

L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) est en faveur de la création d’une circonscription électorale pour les Suisses de l’étranger. «Avoir une représentation directe au Parlement constituerait une véritable plus-value. En plus, avec une circonscription spécifique, il serait probablement plus facile d’introduire le vote électronique pour la diaspora», estime sa directrice Ariane Rustichelli.

Au sein de l’organisation, un groupe de travail étudie d’ailleurs, depuis plusieurs années, la possibilité de mettre en place cette idée. Il rendra ses conclusions le 11 juillet prochain. «Toutefois, comme nous avons déjà pu le constater par le passé, le vote du Parlement montre qu’aucune majorité politique ne se dessine en faveur d’une circonscription électorale pour la Cinquième Suisse», déplore Ariane Rustichelli.

Elle estime que la crainte de rompre le lien des personnes émigrées avec leur canton d’origine, les coûts et la difficulté de modifier le système électoral jouent en défaveur de projet. «Nous n’avons pas eu de contact avec Jean-Luc Addor, mais nous soutenons sa démarche, même si elle a malheureusement peu de chance d’aboutir», relève encore Ariane Rustichelli.

>> Regarder notre débat sur le poids politique des Suisses de l’étranger:

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Relu et vérifié par Samuel Jaberg

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