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L’armée est priée de mettre ses jets en sourdine

Lorsque l'on parle du bruit des avions de chasse, on pense avant tout au biréacteur FA-18. Keystone

Une organisation écologique demande une limitation des vols des avions de chasse dans les zones touristiques. Le peuple est invité à se prononcer lors des votations fédérales du 24 février.

L’initiative populaire lancée par l’organisation écologiste est rejetée par le gouvernement et la majorité de droite du Parlement. Elle est en revanche soutenue par la gauche.

Les avions militaires modernes ont le désavantage d’être très bruyants. Or dans un pays aussi exigu que la Suisse, les vols des avions de chasse passent difficilement inaperçus. Le problème du bruit s’est même aggravé au cours des dernières années. Deux raisons expliquent cette évolution.

D’une part, le trafic aérien s’est désormais concentré dans seulement trois aérodromes: Payerne (Vaud), Sion (Valais) et Meiringen (Berne). D’autre part, les avions de combat modernes sont de plus en plus bruyants, la palme revenant au biréacteur américain FA-18, en service dans les forces aériennes suisses depuis les années 1990.

Préserver les zones touristiques

La population qui vit aux alentours des aérodromes militaires se montre de plus en plus incommodée par ce bruit. C’est d’ailleurs le mécontentement exprimé près de celui de Meiringen – dans l’Oberland bernois – qui est à l’origine de l’initiative aujourd’hui soumise au peuple.

Baptisée «Contre le bruit des avions de combat à réaction dans les zones touristiques», cette initiative est l’œuvre du célèbre écologiste Franz Weber, qui s’est fait le porte-parole de ce mécontentement, et de son organisation «Helvetia Nostra».

Signée par plus de 103’000 personnes, cette initiative a l’avantage de la simplicité. Son contenu tient en une seule phrase qui serait rajoutée dans la Constitution: «En temps de paix, les exercices militaires impliquant des avions de combat à réaction sont interdit dans les zones de détente touristiques».

Suppression des forces aériennes

Le gouvernement ainsi que la majorité de droite du Parlement demandent au peuple de rejeter cette initiative. Le principal reproche vient du fait que le texte est trop vague. Les auteurs demandent en effet une interdiction des vols dans les «zones touristiques», mais sans préciser quelles sont exactement ces zones.

Or compte tenu de l’exigüité du territoire suisse, les vols touchent de toute manière des zones touristiques. Accepter l’initiative équivaudrait à supprimer pratiquement complètement les vols d’entrainement et donc à supprimer les forces aériennes, dénoncent les opposants.

«C’est une décision de principe: voulons-nous une armée oui ou non, voulons-nous que la Suisse puisse se défendre, voulons-nous une protection aérienne?», déclare le député radical (Parti radical-démocratique / droite) Pierre Triponez.

Ce dernier reconnaît que le bruit des avions pose problème. Mais certaines mesures peuvent être prises pour améliorer la situation. «On peut s’imaginer mieux répartir la cadence des vols», déclare Pierre Triponez.

En revanche, accepter l’initiative telle qu’elle est proposée au peuple ruinerait la crédibilité des forces aériennes suisses. Les vols d’entraînement sont indispensables. «On ne peut pas être prêt pour un engagement réel sans un entraînement de longue durée», conclut le député radical.

Une question de priorité

Pour la députée écologiste Francine John-Calame, cet argument n’enlève rien à la gravité du problème phonique. «Dans des zones comme le Valais, où le bruit des avions est encore répercuté par les montagnes, c’est juste insupportable», dénonce-t-elle.

Selon la députée écologiste, il s’agit finalement d’une question de priorité. Or à ses yeux, le problème du bruit – avec ses incidences sur la santé de la population des zones concernées – est plus important qu’une hypothétique frappe militaire contre la Suisse.

«A l’heure actuelle, on ne craint pas une attaque armée sur la Suisse, argumente-t-elle. On doit donc se poser la question de la pertinence de ces vols d’essai.»

«Même l’armée reconnaît que le réchauffement climatique constitue le principal risque auquel doit faire face la population suisse, poursuit-elle. Ces avions ne sont d’aucune aide face aux catastrophes dues au réchauffement. Finalement, on peut se poser la question de leur utilité.»

Un sondage grandeur nature

Combattue par le gouvernement et la majorité bourgeoise du Parlement, l’initiative ne trouve un soutien que dans les rangs de la gauche. Les chances qu’elle soit acceptée par le peuple sont donc infimes.

Ses partisans sont conscients que le rapport de force leur est défavorable. Ils espèrent toutefois obtenir de bons scores dans les zones directement touchées par les bruits des avions de chasse. Ils comptent également sur la solidarité de la population zurichoise qui souffre pour sa part du bruit du trafic civil de l’aéroport de Kloten.

Quoi qu’il en soit, le vote du 24 février constituera un sondage grandeur nature sur le sentiment de la population face au bruit des avions de chasse. Et selon le résultat, l’armée pourrait être amenée à faire quelques efforts supplémentaires pour mettre son aviation en sourdine.

swissinfo, Olivier Pauchard

L’armée a déjà pris quelques mesures pour limiter les conséquences du bruit des avions.

Les vols sont généralement limités aux jours ouvrables et n’ont pas lieu le week-end.

L’horaire de vol normal va de 8h30 à 12h00 et de 13h30 à 17h00.

Les vols de nuit ne sont autorisés que jusqu’à 22h00. Ils n’ont lieu que pendant le semestre d’hiver et au plus une fois par semaine.

Les entraînements particulièrement bruyants s’effectuent à l’étranger.

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