L’immobilisme du gouvernement sous le feu de la critique
Manque d'ambition, reculade, gâchis... La presse suisse est à peu près unanime pour dénoncer le peu de courage dont le gouvernement suisse a fait preuve en décidant de renoncer à réformer les départements fédéraux.
Après plus de deux ans de tergiversations, le Conseil fédéral (gouvernement) a finalement abandonné hier l’idée d’une réorganisation des départements fédéraux. Le collège gouvernemental «n’était pas convaincu que les options considérées apporteraient des avantages d’ordre politique et organisationnel», s’est contenté de préciser un communiqué.
Lors de la précédente législature, plusieurs propositions de réforme avaient été avancées, au premier rang desquelles figurait le regroupement de tous les aspects liés à la formation et à la recherche au sein d’un seul ministère.
Autre idée ambitieuse du Parlement, celle de créer un «super-département» de la sécurité, regroupant l’armée, la police et les tâches de renseignement.
Un gâchis
Soulignant à quel point la réforme était demandée par le parlement et attendue tant par les milieux de l’éducation que de la sécurité, l’éditorialiste du quotidien Le Temps n’a qu’un seul mot: «Quel gâchis!».
Et d’expliquer qu’en jetant l’éponge, le Conseil fédéral «démontre son incapacité à s’adapter au monde qui l’entoure», alors même que la réforme aurait permis de répondre au nombreux défis nouveaux posés par les domaines de la sécurité et de la formation.
La décision est d’autant plus regrettable, que par le passé, le gouvernement s’était montré enclin à plus de courage, par exemple lors de la création du grand département des infrastructures en 1998, souligne encore Le Temps: «Aujourd’hui, le gouvernement n’a plus la volonté d’entreprendre une telle mue».
Plus nuancée, la commentatrice de 24 Heures et de la Tribune de Genève estime que «ce statu quo n’est pas dramatique» et que «les grands départements de la sécurité et de la formation peuvent attendre». Mais il y a tout de même un échec derrière cette décision, qui se situe selon elle au niveau du manque d’esprit d’équipe du Conseil fédéral.
Une occasion manquée pour la formation
Parmi les deux grandes idées de réforme qui flottaient dans l’air, c’est l’abandon du regroupement de la formation et de la recherche qui suscite les plus vives déceptions.
«Rares sont les pays dans lesquels le domaine de la formation est réparti entre plusieurs ministères», commente ainsi le quotidien bernois Berner Zeitung à propos d’une situation qui n’est, à son avis, bonne qu’à générer «de la bureaucratie et des rivalités».
De son côté, Le Temps estime que la non-décision du Conseil fédéral va surtout fâcher les cantons. La réunion de la formation et de la recherche aurait en effet apporté «le complément nécessaire aux articles constitutionnels votés en 2006 et aux réformes initiées par les cantons».
Interrogée par le quotidien basé à Genève, la présidente de la Conférence des directeurs de l’Instruction publique Isabelle Chassot a d’ailleurs regretté «que le Conseil fédéral ne donne pas un signal politique clair par rapport au paysage national des hautes écoles».
Les raisons de la décision
Reste à expliquer les raisons de cette non-décision. Pour la commentatrice de 24Heures et de la Tribune de Genève, l’explication réside essentiellement dans une conjoncture difficile marquée par la politique d’opposition de l’UDC et de grandes échéances dans la politique européenne.
Plus prosaïquement, la Berner Zeitung met le doigt sur les vanités personnelles au sein du gouvernement: «Ni Pascal Couchepin, ni Doris Leuthard n’ont voulu lâcher de morceaux». Une situation sérieuse susceptible de bloquer pour longtemps toute velléité de réforme au sein du gouvernement, à laquelle le commentateur propose une échappatoire: «Il faut légiférer pour enlever au Conseil fédéral sa prérogative exclusive de répartition des tâches de l’administration».
swissinfo, Laurent Andrey
Les partis gouvernementaux se sont tous déclarés déçus par la décision du Conseil fédéral. Très virulent, le président du Parti socialiste, Christian Levrat, a déclaré que le gouvernement «se moque comme de colin-tampon de la volonté des partis».
Pour l’Union démocratique du Centre (droite nationaliste – UDC), le gouvernement a démontré qu’il n’a ni la volonté ni la force de réaliser ces réformes.
Le Parti démocrate-chrétien a déclaré vouloir attendre des changements au gouvernement pour espérer voir le Conseil fédéral se ressaisir du dossier.
Enfin, le Parti radical-démocratique ne désespère pas non plus de voir le gouvernement revenir sur sa décision. Comme dans une entreprise, il faut sans cesse se poser la question de la manière dont on travaille, selon son porte-parole.
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