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L’UDC a bien cherché sa gifle du 14 décembre

Conciliabule au sommet de l’UDC. L’œil avisé y reconnaîtra les trois «B» (Baader, Blocher, Brunner) qui font la ligne du parti et le vaillant Jean-François Rime, battu six fois ce matin-là. Keystone

Défaite pour des stratèges de l’UDC qu’on avait connu mieux inspirés, la réélection au premier tour des six sortants du gouvernement marque également une rupture dans la concordance arithmétique. Mais le parti de la droite conservatrice l’a bien cherché, estime la presse suisse.

«Une débâcle», «Une gifle», «Une chute dans la crise»: la presse, particulièrement en Suisse alémanique n’est pas tendre avec l’UDC ce matin. Si les commentateurs admettent que le parti a arithmétiquement droit à deux sièges au gouvernement, ils ne sont pas moins unanimes à estimer qu’il porte l’entière responsabilité de sa défaite.

Une analyse assez bien résumée par la formule du quotidien valaisan Le Nouvelliste: «L’UDC a réussi l’exploit de se faire marginaliser et gifler, alors même que personne ne contestait véritablement sa prétention à un deuxième siège au gouvernement».

Plus radical, à son habitude, le Blick parle de «Débâcle brutale» et choisit de ne consacrer que 17 lignes aux «perdants», cette UDC qui a désormais «un sérieux problème», qui se nomme Blocher, et qu’elle doit régler, au risque «de se déchirer».

«Mais ne parlons plus des perdants, parlons des gagnants», enchaîne le tabloïd alémanique, pour qui cette journée aura été faste au moins pour le Parlement, pour le Conseil fédéral, pour le pays, et naturellement pour Eveline Widmer-Schlumpf, la future président de la Confédération, exclue de l’UDC il y a quatre ans et désormais portée par le petit Parti bourgeois démocratique (PBD)..

Malaise

A Berne, le Bund relève cette situation curieuse, où «l’année prochaine, la représentante d’un parti qui représente 5% des voix va présider le gouvernement. Ce qui n’a jamais existé jusqu’ici dans la Suisse moderne».

Pour le Tages Anzeiger de Zurich, cette élection laisse un sentiment de malaise aux démocrates. «Car avec le mépris de la prétention de l’UDC à un second siège, ce n’est pas seulement le parti qui se trouve humilié, mais aussi plus d’un quart des électrices et des électeurs».

La Neue Zürcher Zeitung souligne quant à elle l’imprudence d’une représentation asymétrique des rapports de force au sein du gouvernement «parce que fondamentalement, deux sièges reviennent à l’UDC». Le quotidien zurichois juge la nouvelle configuration «risquée», un avis partagé par une grande partie des titres alémaniques.

L’impossible concordance

«Sous le couvert d’une journée sans surprise, la concordance arithmétique est morte», écrit le quotidien vaudois 24 heures. Et La Tribune de Genève abonde dans ce sens. Pour elle, «en validant cette configuration exotique où le plus grand des partis et le minuscule PBD pèsent d’un même poids au gouvernement, les parlementaires ont brisé les lois élémentaires de l’équilibre».

Et alors? semble dire Le Quotidien Jurassien: «Pour résoudre les multiples équations à multiples inconnues qui l’attendent, l’exécutif a d’avantage besoin de cohérence et de stabilité que de concordance arithmétique».

Avis similaire du Corriere del Ticino, qui admet que certes, l’UDC, plus grand parti du pays, a droit à deux sièges, mais juge que «la concordance n’est pas une simple formule de représentation au gouvernement, mais aussi la capacité concrète de trouver des compromis constructifs et des solutions concertées».

Les bricoleurs

Au-delà de ces considérations politiques, la manière dont l’UDC a orchestré sa défaite prête également à commentaires, parfois sarcastiques.

«Ce parti n’a en fait réussi qu’à se mettre à dos tous ses partenaires potentiels avec ses candidatures bricolées au lendemain de sa défaite électorale du 23 octobre», constatent les Neuchâtelois de L’Express et de L’Impartial dans leur éditorial commun.

Pour Le Temps, l’UDC «a donné d’elle-même une image de poulet sans tête, lançant Jean-François Rime dans un combat pathétique et perdu d’avance».

«On attendait la manœuvre du grand stratège, on n’a vu que l’artilleur bigleux de La Grande Vadrouille», écrit La Liberté. A se demander si l’UDC voulait vraiment ce fauteuil, ou si elle «souhaitait préserver son capital de protestation et d’opposition».

Caliméro

La question est posée: et si l’UDC, qui annonce vouloir décider en janvier de son maintien ou non au gouvernement, n’avait offert ce triste spectacle que pour se victimiser un peu plus ?

«Le parti s’est exclu lui-même de la course, en donnant l’impression dès le départ de ne pas du tout la prendre au sérieux», note le St. Galler Tagblatt. «Les cadres de l’UDC, avec leur impuissance tactique, donnent l’impression qu’ils ne voulaient pas vraiment ce deuxième siège», renchérit le Bieler Tagblatt.

De nombreux commentateurs attribuent cette défaite à Christoph Blocher lui-même, dont le règne comme idéologue et stratège en chef du parti semble toucher à sa fin.

«Autant l’UDC dans ses meilleures années a beaucoup tiré profit de Christoph Blocher, autant elle souffre aujourd’hui du processus de séparation aussi douloureux que fatal d’avec son sponsor principal», écrit ainsi la Neue Luzerner Zeitung.

Et pour La Regione, en réélisant tous les sortant, «la majorité du parlement a voulu dire ‘stop’ à un parti qui pratique la politique de la rançon, un parti en campagne électorale permanente».

«Et si les alliances qui se sont formées ces dernières semaines perdurent, le blocherisme pourrait bien être sur le chemin de son déclin», ajoute le journal italophone

Les Romands et les Tessinois

Quant à l’élection du socialiste fribourgeois Alain Berset, au détriment de son collègue vaudois Pierre-Yves Maillard, elle passe largement au second plan des commentaires, mis à part évidemment dans le quotidien de son canton.

La Liberté salue ainsi «deux jumeaux politiques», Chrisitian Levrat et Alain Berset, issus de la constituante fribourgeoise, élus à Berne pour y faire «chambre à part», l’un au National, l’autre aux Etats, avec «au milieu l’ascenseur: le premier monte à la présidence du PS, le second à celle du Sénat, avant l’ultime étape, atteinte hier».

«Et c’est ainsi que deux jeunes surdoués de la politique ont changé le visage de Fribourg, devenue place forte du socialisme helvétique», ajoute le journal.

Autre préoccupation régionale, La Regione, justement, évoque la non représentation des italophones dans le nouveau gouvernement. «Pour un représentant de la Suisse italienne, le parcours pour accéder au Conseil fédéral est un labyrinthe d’obstacles et les chances sont à peu près aussi grandes que celles de gagner à l’Euromillions», estime carrément le journal tessinois.

Les six sortants sont réélus au premier tour:

 

Doris Leuthard

(PDC) 216 voix (majorité: 114), voix éparses 11.

Eveline Widmer-Schlumpf

(PBD) 131 voix (majorité: 120), Hansjörg Walter (UDC) 63, Jean-François Rime (UDC) 41, voix éparses 4.

Ueli Maurer

(UDC) 159 voix (majorité: 114), Hansjörg Walter (UDC) 41, Luc Recordon (Verts) 13, voix éparses 13.

Didier Burkhalter

(PLR) 194 voix (majorité 117), Jean-François Rime (UDC) 24, voix éparses 14.

Simonetta Sommaruga

(PS) 179 voix (majorité: 122), Jean-François Rime (UDC) 61, voix éparses 2.

Johann Schneider-Ammann

(PLR) 159 voix (majorité: 118), Jean-François Rime (UDC) 64, voix éparses 11.

Pour le septième siège, laissé vacant par la socialiste Micheline Calmy-Rey, il a fallu deux tours:

1er tour

(majorité: 122): Alain Berset (PS) 114, Pierre-Yves Maillard (PS) 59, Jean-François Rime (UDC) 59, Marina Carobbio (PS) 10, voix éparses 1.

2e tour

(majorité: 123): Alain Berset (PS) 126, Pierre-Yves Maillard (PS) 63, Jean-François Rime (UDC) 54, voix éparses 2.

Alain Berset est élu

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