L’Union européenne préfère le calme à la tempête
Plus préoccupée par la mise au point d’un plan de sauvetage financier de l’Irlande, l’Union européenne s’est réfugiée dans l’attentisme, après l’acceptation dimanche de l’initiative de la droite conservatrice suisse pour le renvoi des étrangers criminels.
A Bruxelles, l’acceptation de l’initiative de l’Union démocratique du centre sur l’expulsion des criminels étrangers n’était vraiment pas le sujet du jour pour les Vingt-Sept Etats membres de l’Union européenne, concentrés sur le sort de l’Irlande
Durcissement attendu
La seule conséquence immédiate de ce vote pourrait être un durcissement de la position communautaire dans les discussions institutionnelles que Berne et Bruxelles ont engagées.
Aucune institution européenne n’a cloué la Suisse au pilori. On sait en effet, à Bruxelles, que des lois d’application des modifications constitutionnelles réclamées devront être adoptées et on espère que le Parlement suisse pourra corriger le tir.
Ce ne sera pas facile, mais la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a assuré à la Commissaire européenne aux affaires judiciaires, Viviane Reding, que la Suisse respectera toutes ses obligations internationales, lorsqu’elles se sont rencontrées à Lausanne, à la mi-novembre.
Une automaticité du renvoi à problème
De même, la ministre suisse de la Justice, Simonetta Sommaruga, tiendra sans doute le même discours le 2 décembre à Bruxelles, où elle rencontrera ses homologues européens.
Le texte de l’initiative approuvée viole certaines dispositions, calquées sur la législation européenne, de l’accord sur la libre circulation des personnes que la Suisse et l’Union ont conclu en 1999. C’est en particulier l’automaticité du renvoi des criminels étrangers qu’il prévoit qui pose problème.
«L’expulsion de citoyens de l’Union européenne équivaut à une restriction à la libre circulation, qui ne devrait intervenir que si elle est fondée sur des motifs d’ordre public ou de sécurité publique», souligne Christine Kaddous, professeur de droit européen à l’Université de Genève.
Implosion du «paquet bilatéral I» ?
«Des mesures d’expulsion fondées sur l’ordre public ou la sécurité publique ne peuvent être prises que si elles respectent le principe de proportionnalité et qu’elles sont exclusivement fondées sur le comportement personnel de l’individu concerné », ajoute-t-elle. «En outre, le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.»
Si rien n’est entrepris pour remédier à la situation, l’UE pourrait en théorie dénoncer l’accord sur la libre circulation, ce qui provoquerait l’implosion du «paquet bilatéral I» de 1999 – les sept éléments qui le composent sont reliés entre eux par une «clause guillotine».
L’UE respecte le vote suisse
On n’en est pas là, tant s’en faut. Mais le vote du 28 novembre ne restera pas pour autant sans conséquence. «L’absence de réaction vigoureuse de l’Union ne signifie pas que le résultat de la votation va passer inaperçu», affirme l’avocat suisse Jean Russotto, l’un des meilleurs spécialistes des relations entre la Suisse et l’UE à Bruxelles. «Elle témoigne du respect que nourrit l’UE pour le vote suisse démocratique suisse. Mais ce vote est vraiment tombé à un moment peu propice.»
Nombreux sont ceux qui craignent qu’il raidisse la position de l’Union dans les délicates discussions institutionnelles qui ont été engagées, sur l’avenir du bilatéralisme. «Cela ne va pas améliorer le climat, c’est sûr», confirme-t-on du côté de l’UE.
Un 13 décembre important
Bruxelles pourrait être tenté d’imposer à la Suisse un mécanisme de sanctions automatiques, au cas où elle bafouerait encore à l’avenir le droit communautaire. L’Union milite déjà en faveur d’une adaptation plus rapide des accords existants aux développements de la législation européenne ainsi que de l’établissement d’un système de surveillance de leur application et de règlements des différends.
Le 13 décembre, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept sont censés adopter de nouvelles conclusions sur les relations entre l’UE et la Suisse.
Le projet de texte qui circule depuis quelques semaines est déjà sévère pour Berne; le résultat du 28 novembre, dont débattront le 29 novembre les experts des Etats membres de l’UE en charge des relations avec la Suisse, n’incitera probablement pas l’Union à arrondir les angles.
L’initiative «Pour le renvoi» a été acceptée par 52,9% des votants.
Seulement cinq cantons l’ont refusée: Genève, Vaud, Jura, Neuchâtel et Bâle-Ville.
Le contre-projet à l’initiative a été refusé par 54,2% des citoyens. Tous les cantons l’ont refusée.
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