L’Union européenne se dote d’un nouveau traité à Lisbonne
Les chefs d'Etats et de gouvernements ont approuvé au Portugal un accord réformant l'Union européenne (UE). La crise institutionnelle, qui a duré plus de deux ans, semble dépassée.
Acharnées, les négociations ont abouti aux premières heures vendredi, après qu’Italiens et Polonais ont obtenu gain de cause sur leurs dernières revendications.
«C’est une victoire de l’Europe. Avec ce traité nous sommes en mesure de sortir de l’impasse», a déclaré le Premier ministre portugais José Socrates, dont le pays préside pour l’instant l’UE. «L’Europe sort plus forte de ce sommet.»
«C’est un accord qui donne à l’Union européenne la capacité d’agir au XXIe siècle», a renchéri le président de la Commission, le Portugais José Manuel Barroso.
La Suisse ne fait pas partie de l’Union mais elle entretient des rapports privilégiés avec elle. «La Suisse salue la conclusion de l’accord de réforme qui devrait rendre l’UE plus efficace et plus démocratique», indique Lars Knuchel au nom de la Présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey.
Selon le porte-parole, «la Suisse a intérêt à avoir comme partenaire sur le chemin des bilatérales une UE stable, capable de fonctionner et de négocier.»
Professeur à l’Institut européen (IEUG) et au Département de science politique de l’Université de Genève, René Schwok rappelle que l’accord était attendu par les observateurs.
«C’est un compromis moins bon que le Traité constitutionnel, lequel était déjà un compromis, affirme-t-il à swissinfo. Il s’agit en fait d’un gros rafistolage. Rien d’enthousiasmant, même si c’est mieux que rien. Il s’agit d’un petit pas dont personne ne peut tomber amoureux.»
Réformettes de bon sens
Pour René Schwok, «les trois objectifs étaient: plus d’efficacité, plus de transparence, plus de démocratie. Avec ce rafistolage, on aboutit à autant d’efficacité qu’avec le Traité constitutionnel. Notamment en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense.»
«Tout l’exercice a consisté à trouver des solutions évitant le référendum, relève aussi le Genevois. Au final, le résultat n’est donc pas terrible en terme de démocratie. Et terme de transparence, il est mauvais. Le grand public ne comprendra rien à ce traité dont on arrive même pas à dire le nom.»
René Schwok estime toutefois que rien dans ce traité «n’amènera une opposition. Il s’agit d’un ensemble de «réformettes» de bon sens. Mais ça ne va pas donner un élan à l’Union européenne ni rapprocher les peuples de l’UE en créant une identité européenne et un espace public européen.»
«Pour la Suisse et ses relations avec l’UE, ça ne change rien, précise aussi le spécialiste. Ça ne modifie pas la donne ni les obstacles traditionnels. Certains vous diront qu’avec une Union européenne plus fédéraliste, ce serait plus facile pour la Suisse. Je n’y crois pas.»
Loin d’un super-Etat
Concrètement, le texte de plus de 250 pages a été approuvé à Lisbonne peu avant 1 heure du matin, après d’ultimes concessions aux Polonais et aux Italiens. Ces deux pays avaient encore d’importantes réserves sur le texte en arrivant à Lisbonne.
«La Pologne a obtenu tout ce qu’elle voulait», s’est félicité le président polonais Lech Kaczynski, qui a acquis depuis son arrivée au pouvoir la réputation de trublion de l’UE.
Le traité a été spécialement rédigé pour pouvoir être ratifié sans référendum. Il retient de nombreuses innovations qui figuraient dans la Constitution rejetée en 2005 par les Français et les Néerlandais, mais évite le mot Constitution. Il supprime aussi tout ce qui semblait donner à l’Union européenne les apparences d’un super-Etat (hymne et drapeau européens, notamment).
Seule l’Irlande est tenue d’organiser une consultation populaire sur ce texte. En Grande-Bretagne, les eurosceptiques en réclament un. Mais le Premier ministre Gordon Brown a rejeté ces appels jeudi à Lisbonne.
Ultimes concessions
«Il est temps pour l’Europe de passer à autre chose et de mettre tous nos efforts dans les problèmes importants pour les Européens: croissance économique, emplois, changement climatique et sécurité», a déclaré Gordon Brown.
Les ultimes concessions faites aux Polonais et aux Italiens sont à l’image des compromis tortueux qui jalonnent l’histoire de l’intégration européenne.
Pour répondre au problème de la Pologne, les 27 ont joint au traité une déclaration détaillant le mécanisme dit de Ioannina, qui permet à un pays mis en minorité de suspendre provisoirement une décision jugée contraire à un intérêt vital. Ils ont même prévu que cette déclaration ne pourra être révoquée que par une décision unanime des Etats membres.
A l’Italie, ils ont accordé un siège supplémentaire au Parlement européen, afin d’apaiser une polémique qui avait enflé dans la Péninsule au sujet de la perte d’influence par rapport à la France et au Royaume-Uni.
Dès le 1er janvier 2009
Le Parlement européen sera finalement composé de 751 députés au cours de la prochaine législature (2009-2014). L’Italie y enverra 73 élus, de même que le Royaume-Uni. La France aura 74 sièges.
Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ont mis à Lisbonne un point final à une décennie de pourparlers sur l’organisation des institutions de l’Europe élargie marquée par les «non» français et néerlandais à la Constitution, en 2005.
Le texte, incompréhensible pour les non-juristes, devra encore être traduit dans les 23 langues de l’UE. Sa signature est prévue le 13 décembre à Lisbonne et sera ensuite ratifié par tous les parlements – à l’exception de l’Irlande – pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
swissinfo et les agences
Le texte n’est plus une constitution. Il amende les traités précédents. Aucun symbole n’est évoqué – hymne, drapeau, devise.
En politique étrangère, l’UE aura un «Haut représentant» qui sera vice-président de la Commission (exécutif) et aura les moyens d’agir.
Dans la prise de décisions au sein de l’UE, le vote à la majorité qualifiée (55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population de l’UE venant d’au moins 15 Etats membres) remplacera le vote à l’unanimité. Mais toutes une série de portes de sortie sont prévues pour les Etats.
Le traité crée un poste de président du Conseil européen qui présidera et animera les travaux des sommets et assurera la représentation extérieure de l’UE.
Le président de la Commission sera nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée compte tenu des résultats des élections européennes. Il sera ensuite élu par le Parlement.
L’Eurogroupe, forum informel de coordination des politiques économiques des membres de l’euro, acquiert une existence. Il pourra adresser des avertissements aux Etats mauvais élèves.
Les propositions législatives seront transmises aux Parlements nationaux, qui pourront les contester.
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