La démocratie suisse sous l’œil des observateurs
Une mission de l’OSCE observera les élections fédérales du 23 octobre. «Nous venons dans un esprit positif, pour apporter une contribution constructive», dit son chef, l’Américain Peter Eicher. Les observateurs s’intéresseront particulièrement à un essai pilote de vote électronique.
Les élections du 23 octobre seront les premières législatives fédérales auxquelles une partie des Suisses de l’étranger (les électeurs inscrits dans les cantons d’Argovie, de Bâle Ville, des Grisons et de Saint Gall) pourront participer par Internet. La mission de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) suivra attentivement cet essai pilote, et s’intéressera également au financement de la campagne.
Le but des observateurs n’est pas uniquement de repérer les manques et de faire des propositions d’amélioration au gouvernement. C’est aussi l’occasion de glaner des exemples de pratiques démocratiques qui pourraient être utiles aux autres pays, comme le souligne le diplomate américain Peter Eicher, chef de la mission.
swissinfo.ch: Qu’allez-vous examiner lors de ces élections ?
Peter Eicher: Il s’agit d’abord d’une évaluation générale. Nous examinons les lois électorales, les autorités électorales, le déroulement du scrutin, ainsi que les partis et leurs campagnes. Et nous nous concentrons sur des domaines comme les droits des femmes, ou le financement des campagnes.
Ce qui nous intéresse particulièrement cette fois, c’est le vote électronique (e-voting). Pour la première fois, quatre cantons offrent cette possibilité à leurs citoyens de l’étranger. Comme le e-voting est encore une chose très nouvelle, il sera intéressant de voir comment fonctionne cet essai pilote.
swissinfo.ch: De nombreux Suisses de l’étranger sont encore pratiquement exclus des scrutins, car le e-voting n’existe pas pour eux et le matériel électoral arrive trop tard par la poste. Est-ce aussi un sujet de préoccupation pour vous ?
P.E.: Nous recommandons le droit au suffrage universel. Partout dans le monde, les gens devraient avoir ce droit, y compris les citoyens qui ne vivent pas dans leur propre pays. Un des avantages du e-voting est qu’il permet à beaucoup de gens de voter et d’élire plus facilement.
Mais les exigences sont très élevées. Le système doit offrir la sécurité contre les attaques des hackers et il exige un certain degré de transparence et de responsabilité. Chaque test qui se solderait par un échec ferait reculer tout le processus.
Mais je peux déjà louer le fait que le gouvernement suisse conduit l’introduction du e-voting très soigneusement afin de prévenir au maximum les risques.
swissinfo.ch: Lors des élections précédentes, en 2007, la mission de l’OSCE avait critiqué le manque de transparence dans le financement de la campagne. Depuis, la Suisse n’a pas fait grand-chose pour y remédier. Faudrait-il davantage de pression internationale ?
P.E.: Nous ne sommes pas là pour faire pression sur la Suisse. Nous observons, nous évaluons et à la fin, nous délivrons des recommandations au gouvernement si cela nous paraît nécessaire.
Un de nos principes est que la transparence est positive quand il s’agit d’élections. Car ainsi, les gens peuvent mieux comprendre comment le système fonctionne. L’argent peut être un facteur très important, c’est pourquoi les citoyens devraient savoir combien les partis et les candidats dépensent pour leurs campagnes et d’où viennent ces fonds.
En Suisse, la propagande politique est interdite sur les radios et les télévisions publiques, ce qui diminue un peu ce pouvoir de l’argent.
Mais s’il n’y a pas de transparence, cela peut aboutir dans les pires des cas à ce que des organisations ou des gouvernements étrangers influencent les élections. Un risque dont je présume toutefois qu’il n’existe pas en Suisse.
swissinfo.ch: En Suisse, le taux de participation est souvent au-dessous de 50%. Est-ce que vous vous demandez aussi d’où vient ce désintérêt pour les urnes ?
P.E.: Les élections sont un processus auquel les citoyens peuvent participer activement. En tant qu’observateurs, nous sommes toujours heureux quand tout le monde veut donner sa voix. Et quand ce n’est pas le cas, nous nous demandons pourquoi. Dans notre rapport sur le scrutin de 2007, nous avons par exemple proposé d’organiser des manifestations d’information pour les jeunes, spécialement pour celles et ceux qui votent pour la première fois.
swissinfo.ch: La mission de l’OSCE a été critiquée par certaines voix de droite, qui se demandent pourquoi un pays de tradition démocratique comme la Suisse a besoin d’observateurs électoraux. Que répondez-vous ?
P.E.: Cela me désole d’entendre que nous sommes critiqués avant même d’avoir commencé notre travail. Nous sommes ici sur invitation du gouvernement de la Suisse, pays membre de l’OSCE. Tous les pays membres se sont engagésà faire observer leurs élections par des experts d’autres pays de l’OSCE. Cela vaut autant pour les nouvelles démocraties que pour les anciennes comme la Suisse.
Nous partons du principe qu’il n’y a pas d’élections parfaites, même quand elles sont bien conduites. Il y a toujours des améliorations possibles.
Mais nous trouvons aussi en Suisse de nombreuses choses que nous pouvons recommander aux autres pays. Notre mission offre donc aussi l’occasion d’apporter aux autres pays ce qui est bon et éprouvé en Suisse.
Pour en revenir au e-voting, c’est quelque chose de nouveau, et tout le monde voudrait voir la percée d’un système qui fonctionne bien. Dans notre équipe, nous avons aussi des experts spécialisés dans l’utilisation des nouvelles technologies pour les élections. Je suis sûr que leurs recommandations ont de quoi aider les gouvernements à améliorer le système. Pas seulement en Suisse, mais aussi dans les autres pays.
Nous venons dans un esprit positif, pour apporter une contribution constructive. Nous n’avons pas le pouvoir de dicter quoi que ce soit à la Suisse.
Les experts de l’OSCE sont en Suisse du 10 au 28 octobre, sur invitation du Conseil fédéral (gouvernement). Leur mission est une mission d’évaluation, plus restreinte et moins longue qu’une mission d’observation. Le document de Copenhague de 1990 engage tous les pays membres de l’OSCE à inviter des observateurs et à se tenir à certains standards.
La mission se compose de 11 spécialistes de la démocratie, venus des Etats-Unis, d’Allemagne, de Grande Bretagne, de Grèce, de Pologne, de Russie et du Canada. Ils rencontrent des membres des autorités, des candidats et des représentants des médias. Le jour de l’élection, les experts visiteront des bureaux de vote. La Chancellerie fédérale a demandé à toutes les autorités concernées d’ouvrir toutes les portes aux membres de la mission.
Les experts seront particulièrement attentifs au vote électronique, introduit par quatre cantons (Argovie, Bâle Ville, Grisons et Saint-Gall) pour les Suisses de l’étranger. C’est une première pour des élections fédérales, jusqu’ici, le e-voting n’a été possible que pour des votations.
Le diplomate américain qui dirige la mission de l’OSCE a des racines suisses. Ses ancêtres ont émigré en Amérique il y a deux siècles. Il a travaillé quatre ans aux Nations unies à Genève.
Il participe depuis des années à des missions d’observation d’élections, que ce soit en Grande Bretagne, en Espagne, en Italie, en Turquie ou au Tadjikistan. En 2003, il a été blessé dans des affrontements après l’élection présidentielle en Azerbaïdjan.
Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez
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