La droite anti-Schengen attaque Berne
L'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) se déchaîne contre le gouvernement, 5 semaine avant la votation sur Schengen-Dublin.
Réunis samedi à Berne, les délégués ont exigé que le Conseil fédéral cesse sa propagande pro-européenne et sa politique de la muselière contre les opposants au projet.
Devant près d’un millier de participants, le président de l’ASIN, Pirmin Schwander, a préconisé un «non» le 5 juin prochain, en votation populaire, à l’adhésion aux accords de Schengen-Dublin.
Une approbation de ces accords ne pourrait que faire augmenter la criminalité en Suisse et entraînerait une perte de souveraineté pour le pays, a souligné Pirmin Schwander, d’autant plus que Schengen est «un train direct» vers l’adhésion à l’Union européenne (UE).
Les membres du Conseil fédéral et les fonctionnaires de la Confédération donnent une image trompeuse de Schengen dans le but de forcer la main aux citoyens, estime l’ASIN.
Samedi, ses délégués ont approuvé à l’unanimité une résolution qui enjoint le gouvernement «à cesser immédiatement cet abus de pouvoir qui porte atteinte à la démocratie».
«Interdiction de parole»
Les délégués du bras sécuritaire de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure) accusent le gouvernement fédéral de propagande d’Etat et le taxent de «fossoyeur de la démocratie».
Policiers, gardes-frontières et autres fonctionnaires opposés à Schengen ont été muselés et les conditions du débat sur Schengen rappellent l’ancienne DDR, poursuit l’ASIN dans sa résolution.
Pirmin Schwander, qui est aussi député de l’UDC, a également lancé une mise en garde contre la perte de souveraineté et la «criminalité sans frontières» qu’entraînerait l’association à Schengen/Dublin.
La suppression des contrôles aux frontières permettrait aux 140’000 personnes annuellement refoulés aux frontières suisses de s’introduire en Suisse sans entrave.
«Eunuques de l’internationalisme»
A l’occasion de son élection au sein du comité de l’ASIN, le député UDC valaisan Oskar Freysinger a voulu donner dans l’humour. Dans son allocution, il a évoqué des ministres «euroturbos» et des «eunuques gauchistes et néolibéraux de l’internationalisme».
Avec Schengen, un nombre grandissant de décisions touchant au quotidien des Helvètes seront prises à Bruxelles, a déclaré M. Freysinger. Il s’est dit partisan du «Schengen light» proposé par Christoph Blocher, ministre UDC de la Justice et de la Police, qui voulait maintenir les contrôles frontaliers.
Le député vert Geri Müller (Argovie) ainsi que David Glatz, président d’honneur de la Fédération sportive suisse de tir, ont décoché plusieurs flèches contre Schengen. La législation libérale sur les armes serait massivement entamée, selon M. Glatz.
L’Union européenne impérialiste
L’assemblée a également approuvé les vues du député Gerd Habermann, directeur d’un institut pour entrepreneurs à Berlin. Tant que l’UE ne modifie pas son image impérialistes, a estimé le professeur schwyzois, il n’est pas question que la Suisse en fasse partie. L’Europe a d’ailleurs besoin d’une Suisse indépendante.
M. Habermann a conclu que les citoyens suisses vont devoir prendre le 5 juin une décision lourde de conséquences et devront se prononcer s’ils veulent sacrifier le contrôle de leurs frontières ou s’ils préfèrent rester «maîtres de leurs frontières».
Le directeur de l’ASIN, le député UDC Hans Fehr (Zurich), s’en est pris pour sa part à la ministre des Affaires étrangères. Micheline Calmy-Rey personnifie à ses yeux «le bradage de l’indépendance du pays».
Non des petits partis de droite
Les délégués de l’Union Démocratique Fédérale (UDF, droite nationaliste) préconisent aussi à l’unanimité le non à Schengen/Dublin.
«L’abolition des contrôles statiques de personnes à nos frontières serait un renoncement à l’un des symboles de notre souveraineté, et un pas supplémentaire vers une adhésion à l’UE», estime le parti.
De son côté, Le Parti de la Liberté (PdL) s’est réuni samedi à Reiden (Lucerne). Il a estimé qu’«accepter les accords de Schengen/Dublin signifierait un premier pas dans l’UEnion européenne. Il en résulterait aussi une augmentation de la criminalité».
Sondages favorables
Vendredi, le quatrième sondage de l’Institut gfs.bern pour le compte de SRG SSR idée suisse a indiqué qu’une majorité pour le double oui se dessine.
Le sondage donne une proportion de 62% de oui à Schengen/Dublin, soit un léger mieux par rapport aux deux précédents.
Partisans de Schengen «schizophrénique»
A quelques kilomètres de là dans la vieille ville de Berne, une cinquantaine de membres du Nouveau mouvement européen suisse (nomes) ont recommandé d’approuver les accords bilatéraux sur Schengen/Dublin ainsi que sur la libre-circulation des personnes, soumiss celle-ci en votation le 25 septembre. Les pro-européens veulent éviter que la Suisse ne s’isole davantage en Europe.
Si l’issue des débats était courue d’avance, il n’en demeure pas moins que la position du nomes est «schizophrénique», selon le terme employé dans son communiqué.
Les délégués reconnaissent les avantages des deux objets mais «ils savent très bien que les accords bilatéraux sont aussi un moyen d’empêcher le débat de l’adhésion de progresser».
swissinfo et les agences
L’Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) a été créée en 1986 par des membres de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure).
Aujourd’hui, elle compte près de 46’000 membres.
Son premier président a été Christoph Blocher, avant son entrée au gouvernement fédéral.
En 2004, il a été remplacé par Pirmin Schwander.
En 1992, le 1er grand succès de l’ASIN a été le rejet par le peuple de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE).
Elle a été l’un des moteurs du référendum sur lequel les citoyens doivent se prononcer le 5 juin.
– C’est avec 86’000 signatures valables que l’UDC avait déposé fin mars son référendum contre les accords de Schengen/Dublin.
– Les deux accords de Schengen (sécurité) et Dublin (asile) font partie du second paquet des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne soumis à votation le 5 juin.
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