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«La faillite de la Grèce a finalement été acceptée»

Nicolas Sarkozy s'est félicité du plan adopté par l'Union européenne pour venir en aide à la Grèce. Keystone

Au terme d’âpres négociations, un plan de mesures pour venir en aide à la Grèce a pu être approuvé cette semaine à Bruxelles. Les Etats européens n’ont pas évité la faillite de la Grèce, mais ils l’ont bel et bien acceptée, estime l’expert suisse Hans Geiger.

Les mesures adoptées par les grandes puissances européennes à l’égard de la Grèce et d’autres pays touchés par la crise de la dette sont douloureuses. Les investisseurs privés, soit les banques et les assurances, qui ont financé l’Etat grec, doivent tirer un trait sur la moitié de leurs prêts.

Afin de faire face à d’autres situations d’urgence, les instituts financiers seront contraints d’augmenter leur capital propre de 4 à 9%. Autre mesure phare décidée à Bruxelles, le renforcement du fonds de stabilité européen, qui sera désormais doté de 1000 milliards d’euros, contre 440 milliards actuellement. Ceci doit permettre d’apporter un soutien financier aux Etats membres soumis à des pressions sur les marchés. Et finalement, l’Italie sera soumise à un programme d’économies drastique.

Avec ces décisions, les Etats européens ont surtout réussi à gagner du temps pour mener à bien leurs réformes internes, affirme l’expert suisse Hans Geiger, ancien professeur à l’université de Zurich.

swissinfo.ch: L’accord de Bruxelles permet-il d’éviter la faillite de la Grèce?

Hans Geiger: Au contraire, la faillite a enfin été acceptée par le monde politique. Lorsque les dettes de la Grèce sont à ce point importantes, les créanciers doivent un jour ou l’autre reconnaître qu’ils ont perdu de l’argent. C’est l’élément le plus intéressant des décisions prises à Bruxelles cette semaine.

swissinfo.ch: Quel était le risque réel d’un effondrement de la zone euro, comme cela a été évoqué en coulisses par la chancelière allemande Angela Merkel?

H. G. : Ce danger n’a pas été écarté lors du sommet de Bruxelles. Les pays européens ont toutefois désormais assez de temps pour faire leurs devoirs internes. S’ils s’y refusent, la zone euro va simplement s’effondrer un peu plus tard.

swissinfo.ch: Est-ce que l’euro va reprendre un peu de hauteur?

H. G. : Le cours de l’euro (par rapport au franc suisse et au dollar US) devrait être solide pour un certain temps. L’amélioration minime qui a suivi la fin du sommet n’est pas significative, car les marchés, c’est-à-dire les investisseurs, n’ont pas été vraiment surpris positivement. Peut-être manifestent-ils simplement des doutes quant à la mise en œuvre des décisions. Faire des déclarations et prendre des décisions est une chose, les réaliser en est une autre.

swissinfo.ch: Quelles sont les conséquences pour la Banque nationale suisse (BNS), qui a fixé un prix plancher pour l’euro à 1,20 franc?

H. G. : Le risque que la garantie minimale fixée par la BNS soit testée par les marchés est plus faible aujourd’hui. Si la BNS a de la chance, l’euro remontera à 1,30 franc. Elle pourra alors retirer sa garantie à haut risque et réduire ses positions exorbitantes en devises.

swissinfo.ch: L’industrie suisse d’exportation, qui souffre énormément du franc fort, peut-elle enfin respirer?

H. G. : L’industrie d’exportation doit pouvoir vivre à long terme avec ce taux de 1,20 franc pour un euro. Peut-être a-t-elle désormais davantage de temps pour s’y préparer en conséquence.

swissinfo.ch: L’augmentation du capital propre décidée pour les banques européennes aura-t-elle un impact sur les banques suisses? En profiteront-elles indirectement, puisqu’elles seront désormais traitées sur un pied d’égalité?

H. G. : Se battre pour un capital propre le plus faible possible n’a pas de sens. Ceci est également valable pour les banques. Au contraire, pour gagner, il faut davantage de capital propre. Et les ratios de capital propre «évalués selon le risque» sont de toute façon des concepts absurdes.

swissinfo.ch: Et pourquoi donc?

H. G. : Les subprimes détenus par UBS étaient considérés comme pratiquement sans risque. Pour cette raison, UBS disposait d’un très faible capital propre, elle n’en avait pas besoin. Pourtant, les pertes sur ces papiers-valeurs ont atteint 50 milliards de francs, soit bien plus que le capital propre de la banque.

Ce n’est pas seulement mon opinion, mais ça figure en toutes lettres dans le rapport du Conseil d’administration d’UBS et dans celui de la FINMA, l’autorité de surveillance des banques, concernant le cas UBS.

Les obligations d’Etat sont également considérés comme pratiquement sans risque. Pour cette raison, les banques n’ont pratiquement pas de capital propre et possèdent beaucoup trop de réserves de dettes d’Etat.

Les banques grecques possèdent dans leur bilan des obligations grecques d’une valeur de plus de 100% de leur capital propre. Avec la décote de 50% de la dette grecque, ces banques sont aujourd’hui plus ou moins en faillite.

Les banques françaises ont également investi massivement dans les obligations grecques et dans celles d’autres pays du sud de l’Europe. C’est pour cette raison qu’elles doivent être recapitalisées. D’une manière ou d’une autre, cela se fera par une augmentation des impôts.

Accord helvético-grec. Le secrétaire d’Etat suisse Michael Ambühl et le secrétaire d’Etat grec au ministère des Finances, Ilias Plaskovitis, ont discuté jeudi à Berne d’un éventuel accord fiscal entre la Suisse et la Grèce. L’objectif est de régulariser les avoirs que les contribuables grecs ont déposés sur des comptes bancaires suisses.

A la source. Les futurs revenus de capitaux seraient soumis à un impôt à la source et les recettes fiscales transférées anonymement par la Suisse aux autorités grecques, a indiqué le Département fédéral des Finances (DFF) dans un communiqué. L’accord pourrait être semblable à ceux signés il y a quelques semaines avec l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Montant. Selon une des rares études sur les avoirs fiscaux entreposés en Suisse, réalisée en 2009 par la maison de courtage Helvea, les avoirs grecs non déclarés déposés en Suisse représentaient 24 milliards de francs. La presse suisse a quant à elle avancé le chiffre de 350 milliards de francs.

Un «fléau». La fuite des capitaux constitue pour Athènes un problème endémique. Selon le ministre grec des Finances, Evangélos Vénizélos, la fuite des capitaux s’était élevés à 5,4 milliards d’euros (6,7 milliards de francs) au total en 2009. Sur ce montant, «4,9 milliards ne concernent que 8667 Grecs, dont 42% déclarent moins de 20’000 euros de revenus», avait-il souligné, affirmant que «l’évasion fiscale est un crime national, un fléau national».

 

Sources: ATS et AFP

De 1997 à 2008, Hans Geiger a été professeur à l’Institut bancaire et financier de l’université de Zurich. Ses recherches se consacraient notamment à l’observation des marchés financiers.

De 1960 à 1996, il a été actif au sein de la banque Kreditanstalt, le Credit Suisse actuel. De 1998 à 2004 il a été vice-président du Conseil

(Traduction de l’allemand: Samuel Jaberg)

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