La population suisse a dit deux fois «oui»
Les urnes ont parlé dimanche: les Suisses ont accepté le relèvement de la TVA en faveur de l'AI par 54% des voix et une petite majorité des cantons. La suppression de l'initiative «générale» obtient 68% de soutiens. La participation s'est montée à 40%.
Malgré la crise, l’UDC (Union démocratique du centre, droite conservatrice), qui avait mené la fronde contre l’augmentation de la taxe, n’a pas réussi à renverser la vapeur. Finalement, 1,1 million de personnes ont soutenu le relèvement temporaire des taux de la TVA, contre moins de 930’000 opposants (54,5% des voix)
Le suspense a duré tout au long du dépouillement en raison de la double majorité (cantons et peuple) nécessaire à l’aboutissement de la modification constitutionnelle. Finalement, un seul canton a fait pencher la balance en faveur du financement additionnel destiné à l’AI; douze cantons et demi-cantons ont voté «oui», contre onze qui ont dit «non».
La majorité des cantons alémaniques se sont montrés réticents à passer à la caisse pour éponger la dette de 13 milliards de l’assurance invalidité. La plus forte opposition est venue d’Appenzell Rhodes-intérieures, avec 64,3% de «non». Les Thurgoviens suivent avec 59,3% de refus, talonnés par les Schwytzois, avec 57,7%.
Le «oui» des Francophones
A l’inverse, la Suisse romande a voté unanimement pour le financement additionnel en faveur de l’AI. Les champions du «oui» ont été les Genevois, avec un taux d’acceptation 65,9%. Dans le Jura, le camp du a réuni 64,7% des votants, à Neuchâtel, 64,1% et dans le canton de Vaud, 63,3%.
Bâle-Ville se glisse dans le groupe des plus forts partisans, avec 62,7% d’électeurs favorables. Côté cantons bilingues, le Valais a dit « oui » à 61,7%, Fribourg à 59,1% et Berne à 54,2%. Zurich, Lucerne, Bâle-Campagne, les Grisons et le Tessin se sont rangés du côté de la Suisse occidentale.
La TVA progressera de 0,4 point pour atteindre 8%, de janvier 2011 à fin 2017. Le taux réduit sur les biens de première nécessité passera à 2,5% (+0,1 point) et le taux spécial pour l’hôtellerie à 3,8% (+0,2). Cette hausse rapportera environ 1,1 milliard par an.
En outre, l’acceptation du projet permettra de créer un fonds de financement autonome pour l’AI, doté d’un capital de départ de 5 milliards. L’AVS, dont la fortune est rongée par la dette de l’assurance invalidité, sera ainsi soulagée. Une 6e révision de l’AI, avec une nouvelle réduction des dépenses de l’ordre d’un milliard est en préparation.
Vers une 6e révision
Parmi les réactions, très largement positives, l’UDC considère qu’elle a obtenu «un succès d’estime» si on constate que le parti s’est trouvé seul en face de toutes les autres formations politiques et associations, selon son président Toni Brunner.
Pour lui, le fait que l’objet a failli être rejeté est d’une grande signification: le peuple a montré son insatisfaction sur la situation de l’AI. Il s’agit donc aujourd’hui de lutter efficacement contre les abus et de boucler rapidement la 6e révision.
Les milieux économiques et les libéraux-radicaux (droite) estiment comme l’UDC qu’il est temps de lancer une 6e révision de l’AI coupant dans les dépenses.
Les socialistes parlent eux d’une victoire de la raison, d’un «oui» à la justice et aux acquis sociaux. Mais de la droite à la gauche de l’échiquier politique, on se promet de veiller à ce que la hausse de la TVA en faveur de l’AI soit vraiment temporaire.
«Beaucoup de chemin a été parcouru depuis le début de l’année, lorsque personne ne donnait cher du projet» soumis au vote dimanche, a estimé Pascal Couchepin à l’occasion de son dernier scrutin en tant que conseiller fédéral.
Selon lui, il s’agit maintenant de continuer l’assainissement de l’AI, «sans que cela devienne socialement irresponsable». La 6e révision de l’AI va suivre une «ligne médiane responsable. (…) Cela ne sert à rien d’être trop généreux si ensuite on doit battre en retraite car on a épuisé l’argent», a-t-il assuré. Mais il n’est pas question non plus de mener une «politique à la hache» contraire à l’esprit humaniste, selon lui.
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Assurance invalidité
Suppression d’un droit populaire
Le 2e objet des votations de dimanche concernait la suppression d’un droit populaire. L’initiative générale est enterrée sans avoir jamais été utilisée. 67,9% des votants ont accepté de supprimer ce droit populaire inscrit en 2003 dans la constitution. Tous les cantons ont donné leur aval.
Malgré une campagne quasi inexistante, la majorité s’est laissée convaincre du fait que l’initiative populaire générale serait trop difficile à appliquer. Plus de 1’307 million de votants ont glissé un «oui» dans l’urne alors que plus de 618’700 ont refusé de biffer ce droit.
L’initiative populaire générale devait offrir l’opportunité à 100’000 citoyens de réclamer une nouvelle législation. L’exercice a donc été stoppé net au profit de la situation qui prévalait avant 2003.
Partout, la proposition de supprimer l’initiative populaire générale a été bien accueillie, avec des taux d’acceptation entre 60 et 70% dans la plupart des cantons. La palme du «oui» revient au canton de Vaud (75,1%), suivi de Genève (74,6%), Bâle-Campagne (72%) et Zurich (71,4%).
Berne a accepté de supprimer l’initiative populaire générale par 69,5%, Neuchâtel par 66,7%, Fribourg par 66,2%, le Valais par 63,4% et le Jura par 63%. Les moins enthousiastes à faire une croix sur ce droit populaire ont été Uri (53,5% de oui), Schaffhouse (58,3%) et Soleure (59,8%).
Un enseignement à tirer de cette votation est de réfléchir à l’avance si un projet est concrètement applicable ou non, a souligné le ministre de justice et police Eveline Widmer-Schlumpf. La conseillère fédérale s’est déclarée surprise par la clarté du résultat alors que le sujet était aussi technique et abstrait.
L’un des rares politiciens à avoir appelé à voter «non», le député démocrate-chrétien Ruedi Lustenberger regrette l’absence de débat qui a conduit les citoyens à suivre le mot d’ordre des autorités et de la presque totalité des partis.
Des partis qui ne semblent pas pressés de trouver une autre solution. Pour l’heure, seule la gauche semble plus ou moins favorable à l’idée d’introduire une initiative législative au niveau fédéral, c’est-à-dire qui permet au peuple de modifier directement la loi et non pas la constitution.
swissinfo.ch et les agences
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Initiative populaire
Quinze mille personnes ont pu exprimer leur voix grâce au vote électronique dans les cantons de Zurich, Neuchâtel et Genève, selon André Simonazzi, porte-parole de Conseil fédéral.
A Genève, un tiers des Genevois installés à l’étranger ont utilisé internet pour accomplir leur devoir civique pour les scrutins de ce dimanche. Ce sont principalement des citoyens établis aux Etats-Unis et en France qui ont opté pour le e-voting.
Dans ce canton, la moitié des «votants électroniques» ont été des Genevois de l’étranger, ce qui souligne bien l’attrait de ce moyen pour les Suisses de l’étrangers, juge André Simonazzi.
A Neuchâtel, le 11e test de vote électronique a permis à 1556 citoyens neuchâtelois de s’exprimer (5408 en avaient la possibilité), dont 60 Suisses domiciliés dans l’Union européenne (UE).
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