La presse suisse doute du remède grec
Le parlement grec a finalement accepté mercredi un plan d’austérité pour recevoir de nouvelles aides internationales et sortir de l’ornière financière. Mais la presse suisse de jeudi est d’avis que l’Etat grec n’a guère obtenu mieux qu’un sursis.
Dans leurs commentaires, les journaux suisses estiment que les mesures adoptées par Athènes étaient de toute façon nécessaires. Le plan d’austérité approuvé par une majorité du Parlement est en effet une condition nécessaire à l’octroi de financements supplémentaires.
«Ce plan d’une sévérité exceptionnelle vaut surtout parce qu’il est une condition essentielle au déblocage de nouveaux fonds par l’UE et le FMI, synonyme d’aide vitale pour le pays. Sans le renflouement, c’est le défaut de paiement assuré. Et le scénario catastrophe d’une banqueroute et d’une contagion dans toutes l’Europe», relève ainsi le quotidien La Liberté.
Juste un peu de temps
Mais dans l’ensemble, les commentateurs doutent que les mesures qui sont en train d’être prises soient suffisantes pour assainir la situation. Pour bon nombre d’entre eux, elles ne permettent guère à la Grèce que de «gagner un peu de temps».
«Le problème est-il ainsi résolu? Non, car on peut se demander si les Grecs parviendront à mettre en œuvre de nouvelles hausses d’impôts et des baisses de salaire dans un pays marqué par la crise. On peut aussi douter que l’Etat grec reçoive vraiment autant d’argent qu’il le pense. Enfin, la question de la banqueroute de l’Etat n’est levée que dans l’attente du moment où le remboursement des emprunts publics seront exigibles», souligne la Basler Zeitung.
«Le paquet d’économie a certes été accepté par le Parlement, mais la Grèce est encore loin d’être sauvée. Le temps difficile de la mise en œuvre est encore à venir. Une amélioration n’est pas rapidement en vue, car il y a besoin d’une réforme structurelle complète», ajoute la Neue Zürcher Zeitung.
Manque de perspectives
Pour les commentateurs, le fond du problème est que les recettes préconisées par l’UE et le FMI et acceptées par la Grèce n’apportent pas véritablement de solution.
«Les bailleurs de fonds qui participent au sauvetage de la Grèce exigent une discipline financière à toute épreuve. Et c’est justement là que le bât blesse. Ils demandent à la Grèce exactement le contraire de ce que la planète entière vient de faire pour lutter contre la crise financière. Les Etats-Unis, notamment, veulent prolonger leur politique monétaire accommodante pour faciliter l’investissement et la création d’emplois», explique Le Temps.
Et le grand quotidien romand de poursuivre: «L’histoire montre que les programmes d’austérité que le Fonds monétaire international a prescrits à des dizaines de pays en développement durant les droits dernières décennies n’ont pas apporté la croissance. La Grèce ne fera pas exception.»
Dans leurs commentaires, les journalistes déplorent que les solutions préconisées n’offrent pas véritablement de perspectives. «La Grèce manque de perspectives, relève par exemple la Neue Luzerner Zeitung. En mettant l’accent uniquement sur les hausses d’impôt, le programme de consolidation manque de l’impulsion en matière de croissance. «A quoi servent des finances assainies, si l’économie réelle court à la faillite?»
«L’Europe doit donner une perspective à sa périphérie. Comment s’appelait déjà cet homme avec son plan? Ah oui, juste: George C. Marshall», ironise quant à elle L’Aargauer Zeitung.
La Grèce doit changer
Mais malgré les faiblesses du plan d’aide international, les commentateurs ne dédouanent pas la Grèce pour autant.
Pour montrer la nature du problème grec, la Neue Zürcher Zeitung fait preuve d’originalité en relatant les propos d’un publiciste français qui écrivait en 1893, à l’occasion d’une précédente crise: «Le programme radical qui a été présenté pour l’assainissement des finances par le biais d’économies dans l’administration et l’armée ne suffit pas, car le véritable problème est la corruption de la classe politique».
Or pour le grand quotidien zurichois, la situation reste aujourd’hui la même. Et c’est donc tout logiquement qu’il conclut: «Une modification de la culture politique et des mentalités est une condition préalable à un nouveau départ. Nécessaire est aussi une modification des relations entre l’Etat et les citoyens, qui sous beaucoup d’aspects rappellent les temps du communisme en Europe orientale.»
L’été sera chaud
Mis à part les conditions économiques, politiques et financières, les commentateurs n’oublient pas les protestations de la population grecque. «Le Parlement a fait cela contre la volonté de la majorité de la population – contre la volonté des dizaines de milliers de personnes qui protestent jour après jour depuis plus d’un moins devant le parlement à Athènes», note la Südostschweiz.
«Baisse des salaires, hausse d’impôts, privatisations et licenciements sont au menu dès ces prochains mois. Dans un pays où le mouvement syndical est relativement puissant et où les salariés des services publics et des corps para-étatiques feront tout pour maintenir leurs acquis, le gouvernement peinera à convaincre. Ces prochains mois, s’annoncent chauds à Athènes et dans les autres villes helléniques», conclut pour sa part Le Temps.
Le Parlement grec a adopté mercredi le plan d’austérité portant sur la période 2012-2015. Celui-ci prévoit des économies de l’ordre de 28,4 milliards d’euros ainsi que des privatisations massives.
Le texte a été accepté par 155 voix sur 300, soit 154 voix socialistes et une voix dissidente de la droite.
La prochaine étape a lieu ce jeudi déjà avec un vote crucial sur la loi d’application du plan-cadre.
La population quant à elle continue d’afficher son mécontentement. Des violences ont eu lieu devant le parlement à l’issue du vote de mercredi. Bilan: une centaine de personnes hospitalisée, dont 31 policiers.
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