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La réforme de la prévoyance professionnelle balayée dans les urnes

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Pour les autorités, la réforme de la LPP devait permettre d’améliorer la prévoyance vieillesse des personnes à bas revenus et travaillant à temps partiel, majoritairement des femmes. Les adversaires du texte voyaient les choses autrement. Keystone / Gaetan Bally

Le projet ficelé par les autorités pour réformer le deuxième pilier du système suisse des retraites n’a pas convaincu. La modification de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) a été refusée à 67,1% dimanche en votation. Le non l'a emporté dans la totalité des cantons.

La ministre suisse de l’Intérieur Elisabeth Baume Schneider y voyait «un progrès» apportant «beaucoup de choses positives». Mais le compromis trouvé par le Conseil fédéral et le Parlement pour réformer la prévoyance professionnelle (LPP) s’est vu infliger une claque dimanche en votation avec 67,1% de non. Le scrutin a mobilisé 44,5% du corps électoral, un taux inférieur à celui des dernières votations.

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Le camouflet est particulièrement net en Suisse romande. Tous les cantons francophones ont balayé la réforme à plus de 70%. En Suisse alémanique, les résultats sont également très clairs, le non triomphant par plus de 60% quasiment partout. Aucun canton n’a accepté le texte.

Le paquet de cinq mesures visait, d’une part, à sécuriser durablement le financement du 2e pilier du système de prévoyance vieillesse, qui est alimenté de manière paritaire par les cotisations de la population active et des employeurs, face aux défis démographique et financier. La principale mesure du projet prévoyait ainsi d’abaisser le taux de conversion (la part du capital vieillesse épargné versée par les caisses de pension chaque année) de 6,8% à 6%.

Le Conseil fédéral et le Parlement avaient prévu des mesures de compensation pour amortir, autant que possible, la diminution des futures rentes.

Autre objectif affiché: mieux couvrir à la retraite les personnes employées à temps partiel et à faibles revenus, qui sont surtout des femmes, en abaissant notamment le revenu annuel minimum nécessaire pour pouvoir accéder à une caisse de pension.

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Le niveau des cotisations versées à la caisse de pension par classe d’âge devait aussi être révisé, de sorte que les personnes de plus de 55 ans ne coûtent pas plus cher aux employeurs que des travailleurs et travailleuses plus jeunes – ceci afin d’augmenter leurs chances sur le marché du travail.

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Victoire des syndicats

Outre le gouvernement et le Parlement, la modification de la LPP était soutenue par de nombreuses associations économiques et les partis bourgeois.

Les syndicats et la gauche y étaient farouchement opposés. Après avoir remporté la votation sur l’introduction d’une 13e rente AVS en mars, l’Union syndicale suisse (USS) signe ainsi une nouvelle victoire sur la thématique des retraites. C’est elle qui avait lancé le référendum afin de soumettre la réforme de la LPP au peuple.

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Pour ses adversaires, le problème principal était la baisse du taux de conversion. L’USS a fait campagne avec un argument-phare: celui selon lequel la révision impliquerait que les personnes salariées paient des cotisations plus élevées pour percevoir des rentes plus basses à la retraite.

Lors du dernier sondage SSR publié il y a dix jours, alors que la tendance au non se dessinait déjà, 55% des personnes interrogées se disaient d’accord avec cette affirmation, qui apparaissait comme la plus influente sur la décision de vote.

«C’était 12% de baisse de rentes pour le même capital à l’âge de la retraite, on ne pouvait pas maquiller cette réforme sous d’autres arguments», a répété dimanche la députée socialiste Jessica Jaccoud à la RTS, qualifiant la réforme de «mesure de démantèlement» des retraites. «Les baisses de rentes, les gens ne peuvent plus les supporter», a pour sa part réagi le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard.

Les opposants à gauche jugeaient par ailleurs faux l’argument selon lequel les femmes seraient les premières bénéficiaires de la réforme.

«Les partis bourgeois doivent comprendre que de telles propositions constituent un changement politique antisocial dans ce pays, a réagi Cédric Wermuth, co-président du Parti socialiste. La réforme ne répondait pas du tout à la couverture pour le travail de care, soit la garde des enfants ou la prise en charge d’un parent âgé», ajoutant que ces aspects devraient être repris dans les travaux futurs. Pour le PS, la population «a envoyé un signal fort pour des rentes équitables et contre les intérêts de l’industrie de la finance et des assurances».

«Occasion manquée»

Dans un communiqué diffusé à l’issue du vote, le Parti libéral-radical (PLR, droite) a pour sa part dénoncé la «campagne de désinformation» de la gauche et des syndicats. Le PLR estime que le non «empêche de meilleures rentes pour les femmes et les personnes travaillant à temps partiel dans ce pays». «On est passé à côté d’une occasion pour les plus de 360’000 personnes concernées», a regretté la sénatrice PLR Johanna Gapany dimanche sur le plateau de la RTS, tout en estimant que la base même de la réforme était bonne et qu’il faudrait repartir de là pour trouver une solution.

Le Centre regrette lui aussi le rejet de la réforme de la LPP. «Malheureusement, cette solution moderne pour le 2e pilier n’a pas trouvé aujourd’hui de majorité dans les urnes», a-t-il réagi dans un communiqué. Le parti souhaite désormais travailler à la modernisation du 2e pilier via des «solutions constructives».

Certaines associations de branches où les bas salaires sont répandus s’étaient opposées au texte, de crainte qu’il n’implique une hausse des coûts du travail. Cette alliance économique a salué dimanche son rejet, estimant qu’il permettra l’élaboration d’une meilleure solution pour la prévoyance professionnelle. «Il est primordial que la nouvelle réforme prenne en considération les intérêts des secteurs fortement touchés», a notamment souligné la sénatrice UDC (droite conservatrice) Esther Friedli, membre du Conseil de GastroSuisse, l’organisation faîtière de l’hôtellerie-restauration.

Le communiqué de réaction aux résultats de l’UDC relève quant à lui que ce non est un oui au statu quo. Pour le parti de droite conservatrice, la majorité de la population ne voit pas de nécessité urgente à agir dans le domaine de la prévoyance professionnelle. «Toutefois, les électeurs suisses ne veulent pas non plus d’expériences imprudentes en matière de LPP, notamment une extension des prestations qui ne serait pas finançable.»

Complexité et défiance

Plusieurs analyses relèvent ce dimanche que la modification de la loi sur la LPP a été desservie par son manque de transparence et sa complexité. La Suisse compte plus d’un millier de caisses de pension, dotées pour la plupart de leurs propres règlements, ce qui a rendu particulièrement difficile pour les votants et votantes de comprendre l’impact qu’aurait la réforme sur leur situation individuelle.

La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider l’a reconnu en conférence de presse à l’issue du vote, observant que l’incertitude quant aux conséquences réelles pour chaque assuré est l’élément qui a fait tomber la réforme. «Les grandes réformes sont plus difficiles à faire passer», a-t-elle conclu, tout en précisant que le thème des retraites restera au coeur de l’agenda du gouvernement.

Selon gfs.bern, l’erreur de calcul sur les comptes de l’AVS révélée durant la campagne a également joué «un rôle crucial».

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La grande majorité de l’électorat est tout de même convaincue que des changements sont nécessaires. 85% des personnes interrogées par gfs.bern dans le cadre du dernier sondage avant la votation estimaient que la prévoyance professionnelle des personnes travaillant à temps partiel, en particulier les femmes, devait être améliorée. Mais la prochaine occasion ne se représentera sûrement pas avant plusieurs années.

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