La révision de l’AVS se transforme en plan d’économies
La 11e révision de l'assurance vieillesse et survivants a été acceptée de justesse par la Chambre basse. Elle a refusé de faciliter la retraite anticipée pour les bas revenus et a adopté un relèvement de l'âge de la retraite des femmes.
La gauche et les Verts dénoncent un démantèlement social. Si la Chambre haute accepte le texte tel quel, un référendum sera probablement lancé.
La droite du Conseil national (Chambre basse) a réussi à s’imposer sur toute la ligne dans cette 11e révision de l’assurance vieillesse et survivants (AVS). Celle-ci a été acceptée mardi par les députés par 97 voix contre 89 et 4 abstentions. Les sénateurs doivent encore se prononcer.
Au final, les femmes risquent donc de devoir attendre 65 ans pour toucher l’AVS et aucun moyen n’a été prévu pour faciliter la retraite anticipée des personnes de conditions modestes. La réforme ne prévoit plus que des économies, à hauteur de 800 millions de francs par an.
Pascal Couchepin, s’est montré mitigé face au résultat des délibérations. «C’est à vous de juger si cette révision a des chances devant le peuple», privée comme elle l’est d’un coup de pouce social pour une retraite anticipée, a prévenu le ministre de l’Intérieur.
Il s’agit en fait d’une 11ème révision «bis» de l’AVS. La première mouture avait été refusée par le peuple par 70% des voix en mai 2004.
Menaces de référendum
Faisant référence à ce rejet, les socialistes, les Verts et une partie des démocrates-chrétiens (PDC, centre droit) ont brandi tout au long du débat la menace de la sanction populaire. En vain.
«On ne peut pas relever l’âge de la retraite des femmes sans attribuer le moindre franc à la retraite flexible», a critiqué la députée PDC Thérèse Meyer. Au nom des Verts, le chrétien-social Hugo Fasel a déclaré que «la droite a choisi une nouvelle fois de foncer dans le mur».
Enfin le socialiste Paul Rechsteiner, président de l’Union syndicale suisse (USS), a souligné que cette révision était «mort-née». «C’est du pur démantèlement social sur le dos des rentiers, des femmes et des travailleurs à bas revenu», a-t-il ajouté.
Membre de l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), Guy Parmelin a en revanche jugé qu’il s’agissait là d’une «amélioration modeste dont l’AVS aura besoin pour faire face aux turbulences à venir».
Les démocrates du centre l’ont emporté grâce aux radicaux (PRD, droite), qui avaient initialement prôné le renvoi du projet au gouvernement en vue d’obtenir une nouvelle version comprenant une retraite flexible vers le haut aussi, et grâce aussi à quelques PDC.
Pas de faveur pour les bas revenus
Adopté par 120 voix contre 69, le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans devrait entraîner des économies de 620 millions par an. Mais pas question d’investir tout ou partie des deniers ainsi épargnés dans des mesures pour aider les travailleurs à bas revenu à prendre une retraite anticipée.
La droite a successivement balayé tous les modèles proposés. Même la variante la meilleure marché, qui visait à attribuer à la retraite à la carte 400 des 800 millions d’économies réalisés grâce à la 11e révision de l’AVS, a été rejetée.
Dans ces conditions, les modèles exigeant des investissements allant de 800 millions à 1,4 milliard n’ont eu aucune chance. Quant à l’idée de Pascal Couchepin d’accorder une rente-pont à certaines catégories de personnes défavorisées, elle a été enterré tacitement.
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Assurance vieillesse et survivants
Rejet de l’initiative de l’USS
Autre sujet de mécontentement pour la gauche, l’indexation des rentes vieillesse risque de ne plus avoir lieu automatiquement tous les deux ans. La Chambre du peuple a en effet décidé de lier le rythme du renchérissement au niveau du Fonds de compensation de l’AVS.
A l’avenir, le taux de couverture minimal du Fonds devrait être porté à 70% des dépenses de l’AVS, contre 100% aujourd’hui. Mais si ce niveau n’est pas atteint, les rentes ne seront pas adaptées. Il n’y aurait une hausse que si l’inflation dépasse 4%.
Enfin la Chambre du peuple a recommandé le rejet de l’initiative populaire de l’Union syndicale suisse pour une retraite flexible. Ce texte demande l’octroi d’une rente complète dès 62 ans pour les revenus inférieurs à 120’000 francs.
swissinfo et les agences
La loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants (AVS) est entrée en vigueur en 1948.
Elle a subi de nombreuses révisions et modifications. La dernière (10e révision) est entrée en vigueur en janvier 1997. Depuis, le gouvernement et le Parlement travaillent à une nouvelle révision de l’AVS.
En 2004, la première version de cette réforme (11e révision) a échoué devant le peuple. Cet échec est principalement dû au fait que ce projet ne prévoyait pas de règlement flexible pour la retraite anticipée des personnes à faibles revenus.
Vu la tournure des événements prise mardi avec la décision de la Chambre basse, la 11e révision «bis» a bien des chances d’emprunter le même chemin.
Si le Conseil des Etats (Chambre haute) l’accepte telle quelle, deux scénarios sont alors envisageables: ou la 11e révision est rejetée à une courte majorité lors des votations finales au Parlement, ou le référendum est lancé.
Les opposants à cette 11e révision «bis» auraient alors de sérieuses chances de l’emporter.
La décision de la Chambre basse suscite des réactions contrastées.
Les syndicats se disent indignés face à «l’incroyable arrogance» des députés. Pour eux, le refus de faciliter la retraite anticipée pour les bas revenus témoigne «d’une perte totale du sens des réalités».
L’organisation faîtière des syndicats chrétiens Travail.Suisse a d’ores et déjà annoncé qu’elle lancera le référendum si aucune correction substantielle n’est apportée par le Conseil des Etats. L’Union syndicale suisse parle elle «d’un affront au peuple».
Du côté des associations patronales en revanche, on se félicite de cette décision.
«Compte tenu des perspectives de financement peu encourageantes, il est important que les économies résultant du relèvement de l’âge de la retraite des femmes soient utilisées pour la consolidation de nos assurances sociales», écrit par exemple l’Union suisse des arts et métiers (USAM).
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