La Suisse a changé
Véritable plébiscite pour le régime des délais. En matière d'avortement, la Suisse s'aligne sur l'Europe. Et les Suisses - catholiques compris - prouvent qu'ils ont changé.
Depuis quelques semaines, les sondages laissaient présager une acceptation du régime des délais. Mais l’ampleur du oui peut surprendre.
Excepté le Valais et Appenzell Rhodes Intérieures, tous les cantons ont accepté la modification du Code pénal. On peut donc parler de raz-de-marée en faveur du régime des délais, puisque même des régions très catholiques comme Fribourg ou Lucerne ont dit «oui».
Quant à la véritable gifle reçue par les auteurs de l’initiative dite «pour la mère et l’enfant», elle n’est pas vraiment surprenante. La rigidité du texte ne pouvait que rebuter une large majorité des votants. Le fait d’interdire à une femme violée de se faire avorter a notamment particulièrement choqué le public.
Revirement catholique
Les citoyens s’étaient déjà prononcés sur un régime des délais en 1977. La proposition avait alors été rejetée par 51,7% des votants. Au niveau des cantons, seuls 6 cantons (ZH, BE, SH, VD, NE, GE) et deux demi-cantons (BS/BL) l’avaient acceptée.
Le camp des opposants l’avait alors emporté grâce à la forte opposition des catholiques. Le taux de refus avait par exemple atteint 65% à Zoug, 74% à Fribourg et même 93% à Appenzell Rhodes Intérieures!
La comparaison entre les résultats d’aujourd’hui et ceux de 1977 montre donc clairement que l’opinion des Suisses en général et des catholiques en particulier a bien évolué en un quart de siècle.
Il convient toutefois de remarquer que ce changement ne s’est pas fait du jour au lendemain. Depuis 1988 en effet, plus aucune femme n’avait été condamnée pour avoir avorté, alors que cette pratique était pénalement condamnable.
Les Suisses ont donc voulu mettre fin à l’hypocrisie et faire mettre la loi en phase avec l’évolution des mœurs.
Le PDC grand perdant
Or, cette évolution des mœurs ne semble pas avoir été comprise par le Parti démocrate-chrétien (PDC). Ce parti, qui regroupe encore une grande partie des catholiques, avait en effet lancé l’un des deux référendums contre le régime des délais.
Fidèle à sa tradition, le PDC a joué au centre. D’un côté, il s’est rallié au régime des délais, mais il a d’un autre côté lancé le référendum pour sauver sa proposition de deuxième consultation obligatoire sensée donner une chance supplémentaire à la vie.
Ce faisant, le PDC s’est retrouvé malgré lui au côté de formations radicalement opposées à l’avortement. Finalement, au vu des résultats, le PDC s’est retrouvé totalement désavoué, même une partie de ses propres troupes. Un bel auto-goal pour un parti depuis quelques années déjà en perte de vitesse…
Une Suisse désormais libérale
Avec ce vote de dimanche, la Suisse se place parmi les pays libéraux en matière d’avortement. Elle laisse désormais davantage de liberté aux femmes que l’Irlande et l’Espagne où la vie de la mère doit être en danger pour qu’une IVG soit pratiquée.
Néanmoins, la législation helvétique restera plus restrictive que celle de la France, de l’Italie et des pays nordiques.
swissinfo/Olivier Pauchard
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